« Ok j'y vais. » La voix suave du Gryffondor retentit contre les murs de la chambrée d'une sonorité assurée ; bien qu'Ainsley s'exprimait par murmures et autre tonalités basses qui lui conféraient un glas sensuel voire ardent, l'on percevait toujours son timbre de voix distinctement, même égrainé dans le plus apocalyptique des brouhahas. Le jeune homme ténébreux se leva de son lit non sans attraper au passage sa sacoche de cuir trônant au milieu de ses draps impeccablement lisses, avant de quitter le dortoir sous le regard soulagé de ses camarades. Ce fut d'un pas leste qu'il traversa la salle commune, dardant brièvement les alentours afin de s'assurer qu'un mouchard ne se lovait pas dans un coin ; même chez les Gryffondors, personne n'était à l'abri d'une balance qui oeuvrait contre vous par rancoeur personnelle, ou par crainte de perdre trop de points. Gonflant sa poitrine d'avantage de confiance – comme s'il n'en possédait pas assez habituellement... – le fougueux Ainsley passa la porte avant d'atterrir dans un couloir sombre et humide. Sa première pensée fut instinctivement d'éviter toute lumière lui permettant de se guider, pensant éventuellement que ses yeux perçant s'habitueraient à l'obscurité : déjà parce qu'il était prohibé d'user de magie en dehors des cours, ensuite parce qu'il était plus judicieux de se fondre dans le décor durant ce genre d'escapade située après le couvre-feu. Autant avouer que si enfreindre le règlement semblait être une seconde nature chez le garçon, se risquer à d'éventuelles représailles de la part des mangemorts était peu ragoutant... Même pour un Obscur. De plus, Sin déchanta bien vite lorsqu'il se rendit compte que l'épaisseur des murs et l'étroitesse des fenêtres des couloirs ne permettaient pas aux rayons lunaires d'éclairer un tant soit peu son chemin. Le téméraire Gryffondor s'essaya à quelques pas dans la plus nette noirceur, avant de s'avouer vaincu : murmurant un lumos à la pointe de sa baguette, un sourire narquois étira ses lèvres sanguines dès lors qu'il put reprendre son chemin sous la coupe d'une lumière blafarde. « Par Merlin mon garçon, est-ce une heure pour gambader dans les couloirs ? » Les yeux fauves du jeune homme se braquèrent avec mépris sur le tableau abritant un vieillard aigri, aussi sa réaction dédaigneuse ne se fit pas attendre : « Ferme-la. » Sitôt le sifflement amer échappé de ses lèvres, Ainsley claqua une langue contre le palais avant de continuer son chemin, quand derrière lui le tableau ne cessait plus de maugréer des insultes miteuses envers la jeunesse malpolie d'aujourd'hui. C'est ainsi que le Gryffondor tourna le couloir non sans entendre derrière lui un monologue mortellement ennuyeux : « De mon temps, croyez-moi que ça ne se passait pas comme ça... » qui n'attisa pas même l'intérêt du jeune homme.

Entre prudence et précautions pour ne pas se faire prendre, Sin gagna passa enfin le seuil de la salle des trophées avant de pousser un soupir de soulagement. Son ouïe affûtée et tous ses autres sens en éveil avaient accélérer son pouls dès lors qu'il avait entendu un bruit plus ou moins suspect, aussi recueillit-il cette sensation d'être arrivé à bon port comme une satisfaction personnelle. D'un pas moins félin puisque persuadé n'avoir rien à craindre dans cette antre désaffectée – sérieusement, qui s'aventurait dans la salle des trophées à part deux ou trois narcissiques avides de lire leurs noms sur des coupettes en inox ? – il se dirigea vers un mur en particulier, y braquant son regard avec insistance comme s'il demeurait persuadé y trouver quelque chose... Et ce n'était pas peu dire, car Ainsley tapota d'un geste bien rythmé contre la pierre la plus lisse, laquelle s'ouvrit d'elle-même avant de laisser place à un trou béant. Satisfait, le jeune homme y plongea franchement la main et en ressortit une bouteille de whisky pur feu : rien de telle qu'une bonne cachette, un bon butin, et une bonne soirée entre garçons de la même chambrée autour d'une bouteille d'alcool. Du moins pensait-il repartir facilement d'ici, jusqu'à ce qu'il ne sente une présence derrière lui comme arrivée de nulle part. « Bouh. » « Fuck off Emily. C'était pas malin. » Le coeur encore battant sous l'arrivée impromptue de la Serpentarde penchée par-dessus son épaule, alors si près de son oreille qu'il jurait avoir senti ses lèvres délicieuses frôler sa joue, Ainsley se retourna avant de la darder de son regard flamboyant. Aussitôt, le Gryffondor s'extirpa de l'étreinte évasive de la belle tout en amorçant un pas en arrière ; voilà qui ne lui ressemblait pas. Habituellement, le licencieux Gryffondor aurait congratulé Emily d'un sourire lubrique avant de la sommer de s'asseoir sur l'une des tables et d'ôter au plus vite son sous-vêtements de dentelles. Ni plus ni moins. Il sentit par ailleurs que les sens charnels de la jolie brune étaient en éveil, rien que par son regard affamé et ses mains aguicheuses qui se posèrent sur le torse du Gryffondor. « Oublie ça... » Fourrant sa bouteille dans son sac, Sin avait rétorqué d'une voix d'avantage posée que méfiante ou solennelle. Aussi se contenta-t-il de relever ses yeux de braise sur le visage délectable de la jeune fille avant de hausser nonchalamment les épaules. « En parlant de ça, je ne veux plus qu'on traîne ensemble juste tous les deux. Les murs ont des oreilles et je ne voudrais pas que les langues de vipères fassent croire à Lily que je la trompe avec toi. Sans offense... » murmura-t-il, inflexible, à son amante de toujours qui semblait éberluée par ses propos teintés d'une fidélité à toute épreuve. « Mais j'ai horreur des commères. Et j'aurais beau frapper leurs crânes contre ce mur jusqu'à ce que je puisse les faire rentrer dans ce trou... » il désigna d'un signe flegmatique de la main le trou béant dévoilé par la pierre, « ...il y en aura toujours pour prendre la relève. Ces bêtes là sont increvables. » Rapide, direct, franc. Pas forcément très délicat. Du Ainsley tout craché, malgré sa nouvelle lubie de vouloir demeurer fidèle à sa dulcinée du moment.

« Parce qu'on en parlait ? » Oui, on en parlait, semblait affirmer le haussement de sourcils de Ainsley qui toisait la demoiselle non sans laisser briller dans le tréfonds de ses yeux charbonneux cette même et seule question : faisait-elle exprès de ne pas comprendre ? Entre évoquer son côté tactile et le fait qu'on pouvait leur prêter une relation charnelle si l'on venait à les voir ensemble, le rapprochement n'était pourtant pas difficile à saisir. Lui laissant le bénéfice du doute, le jeune homme continua dans sa joute verbale, feintant d'ignorer les questions délicates lancées d'une pique mesquine par la Serpentarde qui ne semblait pas y croire (que pouvait-il répondre à cette remarque lui tordant les entrailles, et lui prêtant les traits d'un amant amouraché de sa dulcinée, lui qui n'était jamais tombé amoureux). Certes, le garçon ténébreux semblait quelque peu à cran, et pour cause ; traînant une réputation sulfureuse derrière lui depuis toujours, on lui prêtait des aventures fictives depuis qu'il était en couple avec Lily Potter, comme si les langues de vipères refusaient de croire à sa soudaine rédemption. Le tentateur devenu fidèle, voilà qui était étrange. Ainsi, que ce soit par jalousie, colère, ou refus simple d'y croire, les commérages affirmaient que Sin officiait toujours et qu'il n'y avait aucune place pour le pieux Ainsley dans ces lieux. Quoique « pieux » demeurait un terme fort, car s'il était vrai qu'il avait su taire ses pulsions lubriques, son instinct fêtard ne le quittait pas. Voilà pourquoi le Gryffondor parlait vite et bien, affirmant à la désirable Emily qu'il préférait éviter tout contact paraissant suspicieux avec elle... Après tout, chaque fois que les deux amants éphémères se retrouvaient seul à seule, ce n'était certainement pas pour réviser l'Histoire de la magie, mais bien leurs parties anatomiques de façon libertine. Une situation que la Serpentarde n'arrivait pas à comprendre, car elle le gratifia d'une question teintée de sarcasme qui interloqua Ainsley tant il se rendit compte que la belle avait bien du mal à faire fonctionner ses méninges : « Qui veux-tu qui fasse croire à Lily que tu la trompes si on ne se trouve que tous les deux ? » A son timbre railleur, le Gryffondor la toisa d'un air las : ne venait-il pas d'insinuer, justement, qu'il y avait toujours moyen que des curieux ne viennent les épier sans qu'ils ne le sachent ? (n'avait-elle jamais entendu parler des subterfuges comme les fameux sorts d'invisibilité, les oreilles à rallonge ou encore les nombreux passages secrets pouvant abriter des commères accros aux potins ?) A moins qu'elle ne comprenait pas la fameuse – et étrange, avouons- le – expression qui prêtait des oreilles indiscrètes au mur, la jolie demoiselle ne passait pas pour la plus perspicace des créatures. Agréable à regarder, mais visiblement longue à la détente. Fronçant un instant les sourcils tout en restant presque sonné par le manque de jugeotte de la brunette, Ainsley demeura taciturne avant d'étouffer un rire jaune sous la seconde réplique de la belle Emily : « A moins que tu ne te considères comme schizophrène ? » « Essaie déjà de te considérer comme quelqu'un de perspicace, et on en reparle. » siffla-t-il intransigeant, répondant subtilement au tacle de l'ingénue. Ainsley n'était sans doute pas le plus gentleman des jeunes hommes ici présents, mais on ne pouvait pas le blâmer de ne pas être trop franc et spontané.

Cette froide incartade n'empêcha pas de réchauffer les ardeurs des deux jeunes gens... Il était vrai que la belle enfant possédait déjà des formes voluptueuses pour son âge ainsi qu'un appétit lubrique qui avait toujours su le rassasier et le satisfaire. Plus encore, sentir ainsi cette proximité physique n'avait de cesse d'aguicher les démons intérieurs de Sin, lequel se devait de pratiquer l'abstinence avec la virginale Lily. Passer de la gloutonnerie sexuelle à la frugalité lui laissait en bouche un goût amer de frustration, même si trop respectueux de sa belle Serdaigle il se contentait de ne pas aborder le sujet ni de ne jamais y faire allusion ne serait-ce que physiquement. Et si la privation irritait par moments le ténébreux jeune homme non habitué à ce genre d'abstinence, il lui suffisait de penser au visage angélique de la douce pour sentir mille émois amoureux accabler son palpitant... Les sentiments avaient fini par prendre le dessus sur les péchés d'Ainsley, lequel vivait finalement très bien sa vie devenue chaste. Oh bien sûr, l'épreuve était parfois difficile à surmonter... Surtout lorsqu'une créature enchanteresse se collait contre vous tout en gémissant à votre oreille d'un souffle capiteux. « Ainsley Blackwood fidèle, qui l'aurait cru ? » Les mains de la belle lui arrachèrent malgré lui un frisson d'envie ; frémissement auquel il coupa court au plus vite lorsqu'il ôta les longs doigts envieux de la belle. « Pas moi, en tout cas. » « Est-ce un scoop... Tu n'as jamais cru en rien. » Hochant discrètement la tête d'une moue assurée et charmeuse, le jeune garçon ne perdait rien de sa superbe malgré les dires de la demoiselle. « Excepté en ton pouvoir de séduction, bien sûr. » Et pouvait-on l'en blâmer, par ailleurs. Emily Spencer était une jeune fille extrêmement attirante, elle le savait, en jouait, l'usait comme arme. Une autre forme de mesquinerie qu'Ainsley pratiquait avec délice et perfection avant de tomber sous le charme captivant de sa jolie rouquine. Offrant un sourire enjôleur à la belle, cette dernière se contenta de répliquer d'une voix devenue polaire et tranchante : « Ta chemise ne va pas s'enlever toute seule, Casanova. » « Tu as toujours été une vraie tigresse, c'est ce qui me plaisait chez toi. », souffla-t-il en référence de son timbre devenu strict et offensif. Les doigts languissants d'Ainsley se perdirent sur la fine bretelle du déshabillé de la demoiselle, quand d'un timbre lubrique et ardent, il lui souffla à l'oreille : « Je te conseille de te couvrir d'avantage car je ne te réchaufferais pas avant un long... moment. » Souffle concupiscent, regard durci par son affirmation devenue une vérité : bien sûr que le Gryffondor ne doutait pas que la belle avait bien d'autres prétendants, comme lui-même avait d'autres et multiples amantes du temps où il prenait du plaisir avec la Serpentarde. Mais ses dires n'étaient là que pour lui affirmer en toute subtilité, voire dureté, que tant qu'il serait avec sa Lily il ne s'autoriserait aucune tromperie. Diable que l'amour peut aveugler même les plus grands pêcheurs.

« Tu crois ça ? » Trois mots qui tapotaient contre le crâne du jeune homme. Seulement trois mots sifflés d'un timbre moqueur, tel un chant de pie, et le coeur du Gryffondor – puisse-t-il en avoir un en parfait état de marche – loupa un battement. Ce n'était ni l'emportement du moment, ni la dispute acide qui secouait leurs esprits, ni même le regard condescendant de Emily qui se heurtait aux yeux dédaigneux du garçon qui glacèrent soudain son sang comme s'il était conscient d'une mauvaise nouvelle apportée par un oiseau de mauvaise augure. Ainsley avait perçu durant ces funestes secondes, tout ce que la belle Serpentarde pouvait penser de sa relation d'avec la candide Serdaigle et ce qu'il put y lire coupa son souffle dans un élan : Emily n'agissait ni par jalousie ni par jeu, elle réagissait avec naturel quand lui était aveugle. En somme, son ancienne amante ne désirait que lui ouvrir les yeux là où il avait gardé ses paupières closes. Car il était vrai que depuis le début de son idylle avec Lily, Ainsley avait balayé toutes les incohérences de leur relation soudaine. Trop soudaine. Trop naturelle pour ce qui aurait du être contre-nature.

La belle ouvre les lèvres à nouveau, et de leurs galbes couleur framboise s'écoulent des mots qui raidissent sa nuque et secoue son palpitant. Ainsley la toise sans aucun mépris, sans moquerie aucune, sans même une once de froideur. Il a saisi quelque chose qu'il n'avait pas vu auparavant. Il touche à peine du doigt cette étrangeté sans pouvoir y mettre les mots, sans pourvoir la ressentir complètement. Des ersatz de sentiments contraires, des bribes d'un il ne savait quoi lui remuant les entrailles et accablant son cerveau. Trois mots, et Ainsley comprend que sa cécité n'aura plus lieu d'être après ce que la Serpentarde s'apprête à lui confesser. « Et combien de temps crois-tu que tu vas tenir avec ta chaste petite amie ? Et ne me répond pas le temps qu'il faudra, s'il te plaît, elle ne te laissera jamais la toucher, nous le savons tous deux et ce n'est pas bon pour ce que tu as là-dessous. » Le Gryffondor lève les yeux au plafond, las et ennuyé. Il sait pertinemment qu'elle a raison en un sens, mais elle ignore qu'elle a tort quand elle invoque la luxure comme seule maîtresse de la vie du garçon. Bien sûr qu'Ainsley n'est pas dupe ; il sait sa conversion à la chasteté le temps de son idylle, néanmoins ce n'est pas par amour de la chair qu'il s'est amouraché de la jolie rouquine. Si vraiment l'infâme lion au regard de braise avait voulu son corps, sans doute serait-il parvenu à l'obtenir par la grâce de manigances ou pire... Puisque du temps où il se faisait bourreau de la jeune fille, c'étaient bien ce genre de sous-entendu qui s'échappaient de ses lèvres venimeuses. « Ce qui se passe entre mes draps ne te regarde pas. » Il murmure d'un timbre suave mais posé, quand de nouveau ses yeux incandescents toisent la jolie brune qui semble s'amuser de la situation. Quelques mots soufflés d'avantage pour mettre un terme à cette discussion qui ne regarde que lui : après tout si le jeune homme lubrique avait décidé de souffrir en optant soudainement pour l'abstinence, alors c'était son choix. Ce qu'il ignore cependant, c'est que la Serpentarde avance cet argument pour tout autre chose : pourquoi se priver pour une jeune fille qui vous manipule ? Trois mots. Et elle annonce la vérité crue. Celle qui ouvre les yeux et lui fait recouvrir la vue, au moins autant qu'elle lui arrache le coeur. « Très bien, Sinichou, cela te regarde après tout. » Un sifflement s'échappe des lèvres du bellâtre à l'écoute de ce surnom pseudo affectueux. Ce n'est sans doute pas pour rien qu'il s'entend si bien avec les vipères malgré son appartenance aux Gryffondors et la fierté qu'il affiche à appartenir aux rouges et or : il chante leur même langue. La belle ne s'en offusque pas, car elle connaît son ancien amant et pas seulement jusque dans le creux de ses courbes. « ...mais laisse moi te mettre en garde, Lily est loin d'être la personne que tu penses qu'elle est.  » Ces derniers mots éveillent un peu plus l'appréhension de Ainsley. Il sent que quelque chose lui a échappé depuis ses tous premiers instants avec Lily. Cette lueur fugace de lucidité qui lui a échappé dès lors que Lily s'était jetée dans ses bras, affolant au passage le myocarde transi du Gryffondor. Mais ce n'est plus de l'amour qui habite son palpitant en l'instant, c'est une crainte illégitime, infondée, impalpable. Ce sentiment d'avoir raté un détail important, celui qui aurait pu faire toute la différence.

Passant sur le soupir étouffé de Emily se refusant à dire ce mot qu'elle pensait trop mielleux, le jeune homme écoute néanmoins la suite, attentif et captivé. Happé par cette vérité qui l'attire dans un tourbillon sans fond, il assiste impuissant à la déconsolidation de son idylle. Quelque chose ne va pas. Quelque chose vacille. Quelque chose cloche. Mais quoi... Seule Emily semble pouvoir lui apporter une possible réponse. « Mais Lily est une véritable garce, elle se moque de toi, si elle se pavane de la sorte avec toi il y a forcément une raison, car pourquoi la demoiselle toute sage sortirait avec le plus grand Dom Juan du château ?  » Alors ce n'est que ça ? Emily doute de la véracité de leur idylle simplement parce le Gryffondor et la Serdaigle sont différents ? Pas d'argumentaire, pas de vérité crue, juste des suspicions ? Et pourtant... Elle se moque de toi. Ces quelques mots s'impriment dans sa chair et activent son cerveau jusque là drogué par l'opium amoureux et lui arrachent un frisson. Après réflexion, oui pourquoi ? Le regard de Ainsley se pose sur un point invisible à l'horizon, quand pensif il se remémore leurs premiers instants dans la volière. De bourreau à victime terrorisée, voilà qu'elle s'était jetée dans ses bras... Et certes, le Gryffondor n'était pas un expert en psychologie, néanmoins il possédait un esprit assez cartésien pour comprendre que ce n'était pas réellement le genre d'attitude tout à fait normal, avec recul. Du moins pas dans un laps de temps aussi court. Et ce baiser échangé quelques minutes avant cette fameuse étreinte, accueilli par Lily avec mollesse et raideur. Il n'avait été en vérité qu'un baiser volé, rien d'autre. Pourquoi donc s'était-elle jeté dans ses bras quand quelques minutes plus tôt la demoiselle avait été dégoutée par une quelconque proximité physique ?

Trop de questions, trop de tourments, trop de doutes. Ainsley soupire et se masse le front sans plus savoir quoi penser. Sa raison le somme de creuser cette histoire d'avantage, son coeur l'intime de ne plus penser et de continuer son idylle. Mais il ne sait plus rien... « J'en sais rien... » murmure-t-il de sa voix troublée, s'adressant non plus à une ancienne amante avec qui il vient de se disputer, mais bien à une amie à qui il confie ses doutes et ses déboires. Redressant son regard fauve sur Emily, il hésite à lui affirmer qu'elle a raison, installe un silence de quelques secondes et finalement laisse parler ses sentiments nobles qui demeurent bien plus puissantes que ses appréhensions. « J'en sais rien. Mais je lui fais confiance. » Réplique bénigne semblant commune et banale, mais qui de la bouche venimeuse de Ainsley demeure rare et précieuse. « C'est tout. J'ai pas envie de m'étaler sur le sujet. » Ce n'est pas de l'agressivité qui s'extirpe de ses lèvres, mais un timbre abattu et résigné. Ses sentiments vacillent à présent, rongés par les doutes qui le hanteront dans les jours à venir. Ainsi malgré sa volonté de passer outre les propos de son amie, le Gryffondor n'ignore pas qu'ils le travailleront chaque jour passé avec Lily. Sans doute est-ce le moment de prendre quelques distances avec la Serdaigle, avant de trop s'attacher. Ou bien est-ce trop tard.

Saluant la Serpentarde d'un signe de tête, le jeune homme décide de mettre fin à cette conversation qui anesthésie son cœur, enserre son gosier et réveille ses doutes, et passe au devant de Emily sans un mot de plus, prêt à partir.