Shane observa le paysage post hivernal qui s’étendait devant ses yeux céruléens. Il n’aurait jamais pensé jusqu’à maintenant qu’une quelconque partie de ce château allait lui manquer. Certaines personnes surement, mais pas ce bout de granit qui contenait tellement de souffrance et de pourriture. Mais finalement maintenant il se surprenait à détailler ce parc où tant de fois il avait été, à caresser les tuiles sous ses mains, savourant la texture de ce toit sur lequel il montait chaque fois qu’il voulait être seul. Au final comme tout le monde il se rendait compte que des endroits ou des morceaux d’endroits pouvaient être apparentés à des souvenirs, des passages de sa vie qu’il n’avait pas envie d’oublier, de laisser ici, mais il n’avait pas vraiment le choix. Dans quelques jours il allait partir, laissant derrière lui sept longues années de sa vie. Il n’avait pas l’impression que tout ceci avait été si long et pourtant il n’arrivait même plus à se rappeler son premier jour ici, tout était flou, décousu. Mais en même temps il se doutait que les substances qu’il ingurgitait quotidiennement y étaient aussi pour quelque chose. Soupirant doucement, Shane observa la fumée s’échapper de ses lèvres avant de s’élever dans l’air comme un spectre. Posant son menton sur son bras en appuie sur ses genoux, son regard balaya l’horizon. Il avait l’impression que la ligne d’horizon ondulait étrangement mais il n’y prêta pas attention. Ses visions étaient devenues une seconde nature pour lui, même si par moment il avait encore du mal à distinguer folie et réel, il commençait à avoir l’habitude des choses inexistantes de sa vie. Perdu au milieu des affres de ses pensées, le brun essaya d’imaginer ce qu’allait être sa vie après Poudlard. Pour être honnête il ne l’avait jamais envisagé auparavant, il ne s’était jamais posé la question de savoir où il allait aller, avec qui, pour y faire quoi, il avait toujours été le genre de mec à se laisser porter, à voir où la vie allait le mener. Dealer, baiser, picoler, c’est tout ce qu’il a fait pendant ces sept longues années ici. Travailler pour lui n’a jamais été une option, avoir un avenir non plus. Mais maintenant la donne avait changé. Déjà parce qu’il ne pouvait plus réfléchir mais pour deux, ils étaient deux maintenant dans l’équation et Shane savait qu’il n’avait pas le droit de tout foutre en l’air. Il allait vivre avec quelqu’un, une fille, Pálina, il allait devoir apprendre à sa canaliser, à ne plus vivre en fonction de ses émotions, de sa drogue, de sa maladie, il allait devoir grandir, évoluer, trouver un travail, avoir un salaire, être responsable d’un appartement, prendre soin de sa petite-amie, toutes ces choses qui lui semblaient à mille lieux de lui, il ne les avait même jamais rêvé ou envisagé parce qu’il pensait que ce n’était pas pour lui. Mais en fait si. Au final on recherche tous la même chose avec certes plus ou moins de virulence, mais on veut tous en arriver au même point et Shane ne dérogeait pas à la règle, pas cette fois en tous cas. Soupirant une nouvelle fois, le jaune jeta son mégot devant lui, encore indécis sur l’attitude à employer. Il ne savait pas s’il devait être heureux de commencer cette nouvelle vie ou partir en courant, fuir ses responsabilités. Ici tout était facile, prémâché, malgré la dictature ambiante, les élèves n’avaient jamais eu à se demander où ils allaient se retrouver demain, dehors c’était différent. Mais Shane avait au moins la satisfaction de ne pas tout laisser derrière lui, il emmenait Pálina avec lui, il savait qu’Ariel allait rester bien présente dans sa vie malgré la tension entre les deux jeunes femmes. Il ne laissait qu’une partie de sa vie ici, qu’il récupèrerait peut-être plus tard. Le brun consentit à se redresser enfin pour quitter le toit où il avait passé tellement de temps, dévalant ensuite les escaliers les mains dans les poches, le jaune traversa le dédale des couloirs avec une idée et un lieu bien précis. Ce soir il avait rendez-vous avec une amie, Enea. Peu de personne méritait qu’il ne s’attarde à leur dire au revoir, mais elle oui. Elle était un peu son homologue féminin, une sorte de double mais plus jeune. Ensemble ils avaient partagés cet état de débauche perpétuelle, plongeant la tête la première dans les biens faits irréels de la drogue, leur prodiguant pendant quelques courts instants risibles une sensation de bonheur. Ils avaient aussi partagé les plaisirs charnelles qui vont souvent de pair avec ce genre d’état second. Ils partageaient cette folie perpétuelle, indolore et pourtant si présente qu’elle vous dévore de l’intérieur comme un insidieux poison. Il adorait cette fille, et la laisser ici ne l’enchantait pas tellement mais il n’avait pas le choix. Dévalant les marches, Shane arriva au niveau des cachots de l’école, un long frisson lui secouant l’échine quand il se rappela les tortures infligées par Löfgren, le malin plaisir qu’elle avait de l’enfermer seul dans le noir pour l’entendre supplier, chouiner, tomber un peu bas dans sa folie meurtrière. Au moins il pouvait se satisfaire de ne plus croiser cette tarée sur son chemin et il espérait ne plus jamais la croiser jusqu’à la fin de sa vie. Arrivant devant la porte du rendez-vous, le jaune la poussa du pied et balaya la pièce délabrée des yeux avant de distinguer la silhouette fragile de la serdaigle. Un sourire sincère se dessina alors sur ses lèvres alors qu’il pénétra à son tour dans la pièce « Toujours à l’heure à ce que je vois » s’approchant de la jeune femme, Shane se penche pour déposer un baiser sur sa joue avant de se reculer lentement. Tournant la tête il observa la pièce une seconde fois, plissant un peu le nez avant de regarder son amie avec un sourire moqueur sur les lèvres « Tu aurais pu trouver meilleur endroit pour notre dernière soirée je suis déçu » il leva la main pour ébouriffer les cheveux courts de la demoiselle avant de la contourner, allant prendre place sur une des tables bancables. Cherchant dans sa poche intérieure, le jaune en ressortit un butin qui allait surement plaire à la serdaigle. « J’ai pris un peu de tout mais surtout le meilleur que j’avais. Je pense qu’avec ça on n’est pas prêt d’atterrir avant des heures. » Relevant les yeux vers la bleu, Shane détailla son visage un instant avec un sourire presque tendre. Ouai elle allait lui manquer quand même.

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