crédit: MEXICALI ROSE (bazzart)

crédit: Peayne (bazzart)

Spoiler:

Ce samedi matin n'avait rien d'exceptionnel si ce n'était que le jeune Ainsley avait soudainement contracté l'envie d'aller rendre visite à son frère aîné et de passer du temps avec lui. Sa faculté de s'animer de désirs soudain telles des maladies impromptues, le prenait presque par quelques accès fiévreux qui le sommaient de les combler immédiatement. Mystérieux par le voile inquiétant recouvrant son ténébreux visage, on lui dénotait quelques touches puériles voire infantiles, de celles qui n'étaient acquises que par un caractère capricieux ouvrant les portes à une détermination sans faille. Ainsi, si l'orgueilleux Sin prêchait par sa futilité et son inconstance, il avait développé une ténacité coriace qui le sommait de toujours aller au bout des choses ; le poussant à obtenir tout ce qu'il désirait. De gré ou de force, par subtilité ou indécence, par manipulation ou envoûtement... Qu'importait. Et en ce samedi matin, l'un de ses objets de convoitise avait eu le malheur de croiser sa route, tandis que le jeune brun descendait des tours en direction des cachots : un rictus narquois parfumé de délicieuses effluves obscènes se dessina sur ses lèvres désirables comme il se stoppa en plein milieu des couloirs humides, son regard fauves planté sur le visage angélique d'une demoiselle. Leurs regards eurent tôt fait de se croiser, laissant deviner une lueur angoissée subtilement dissimulée derrière un faux-semblant d'assurance esquissé par le port de tête de Lily, et qui ne put qu'étirer un peu plus le sourire divinement infernal du jeune Ainsley. Las ! Qu'était donc passé par la tête de l'envieuse demoiselle pour qu'elle ne daigne ainsi répondre à l'appel du destin, la poussant violemment dans la gueule du loup en ce matin tranquille ? Car si la jeune fille n'était pas à l'abri de faire demi-tour, ce fut son propre orgueil qu'elle écouta en désirant forcer le passage, pensant éviter le loup qui la toisait de ses yeux voraces. Pauvre brebis égarée qui n'avait guère encore compris qu'un ventre affamé n'avait point d'oreilles ; le prédateur ne daignerait jamais laisser passer la victime, pas tant qu'elle ne se sera pas donnée en sacrifice. « Tu croyais t'en tirer aussi facilement, Potter ? » Sifflement narquois, timbre suave voire chargé d'une sensualité menaçante, sourire en coin discret qui persista sur ses lèvres venimeuses tandis qu'il toisait l'agneau dont le coeur affolé devait probablement bondir contre sa poitrine frêle. Du moins Ainsley l'espérait-il, car son angoisse lui était purement jouissif.

Pourquoi elle, et non une autre... Sans doute parce que le jeune homme avait-il été dans un premier temps subjugué par la beauté éthérée et naturelle de cette demoiselle aux traits angéliques. Son teint de porcelaine, ses grands yeux satinés, ses lèvres d'un rouge sang, ses traits épurés et son parfum de lys, avaient attiré le jeune démon sensible à cette poupée d'albâtre. Puis à la fascination face à sa rayonnante lumière, s'en était suivie la détermination : l'avoir pour lui et pour lui seul... Une détermination bientôt souillée par la perfidie de son âme et de ses démons intérieurs qui pointèrent le doigt sur une évidence qu'il n'avait pas cru bon de prendre pour argent comptant au tout début : cette jeune fille n'était autre qu'une Potter. Tombé des nus sous cette lucidité lui frappant la poitrine tel un couperet affûté, Ainsley en avait décidé autrement : il allait la torturer. Par amour du jeu, par amour du sadisme, par amour de sa beauté de sainte. Tourmenter la martyr et jouir de la souffrance ainsi expiée de son regard de biche. Tel deviendrait son jeu. « Ah ! Ainsley, je ne t'avais pas vu ! » Un bref rire mesquin, léger comme un soupir, virulent comme des gouttes de ciguë, passa la barrière de ses lèvres railleuses tandis qu'il toisait l'ingénue. Pensait-elle vraiment s'en tirer de la sorte ? « Comment tu vas ? Excuse moi, je suis un peu occupée, j'ai plein de trucs à faire... » L'instinct de prédateur du jeune Sin lui rongea violemment les entrailles ; aussi attrapa-t-il l'insolente par le bras, la plaquant contre le mur rude non sans presser son corps contre le sien. Une prison charnelle pour mieux retenir la belle martyr. Et tandis qu'il murmurait son nom d'un souffle suave, le jeune homme laissa glisser quelques doigts affamés le long de ses cheveux parfumés, continuant sa course caressante jusque sur le bras nu de la demoiselle avant de lui arracher d'une étrange douceur l'un des livres qu'elle gardait sous emprise de ses mains crispées.

Le regard incandescent du jeune homme ne cessa de la toiser avec appétence comme il ouvrit un page au hasard, avant de le reporter sur l'ouvrage traitant des loups-garous. « Cela tombe bien, j'avais justement besoin de cours particuliers » Mensonge éhonté mais savoureux ; Blackwood avait été élevé dans une optique de perfection qui le sommait d'avoir une culture exemplaire. Sans être un érudit – sans quoi Serdaigle lui aurait ouvert les bras – il était bien loin d'être le cancre que son image de libertin laissait penser. Offrant son plus charmant sourire à la jeune demoiselle à présent acculée, Ainsley haussa les sourcils non sans dépeindre un air faussement innocent. « Si c'est une question de temps ou d'argent, je peux te payer les honoraires. » Pourquoi fallait-il que chaque parole échappée de ses lèvres soit lourde de sous-entendus, quand bien même il n'y en avait pas. Ou presque.

« Mais... » Et la demoiselle de balbutier quelques mots inaudibles, frappés par l'angoisse et la déconvenue causées par ce loup affamé la toisant dans une obscène suavité trahissant ses désirs les plus perfides : s'approprier le corps de la jeune fille, martyriser son âme, jouer délicieusement avec ses tremblements, ses soupirs et ses pleurs. La traiter telle une poupée de chiffon, jouir du pouvoir exercé sur cet ange au regard d'enfant, savourer cette stupeur voilant son si beau visage. Un souffle quémandeur passa les lèvres désirables du jeune homme comme il se sentait investi d'une satisfaction délicieusement lubrique, ses orbes fauves braquées sur sa petite victime à l'en dévorer avec insolence, avec envie, avec puissance. Cette force ténébreuse émanant de son aura sombre se heurtait à la lumière pâlissante de la pauvre mésange apeurée... Et plus l'agneau tremblait d'effroi, plus le loup s'en délectait : peu à peu son rictus licencieux s'effaça pour un sérieux presque menaçant, ses traits de marbre suintant un parfum sensuellement redoutable. Aucun doute n'était permis sur l'envie première de Ainsley, ce jeune homme aussi bien reconnu pour son amour des femmes que ses excès immoraux, et la belle enfant prise au piège n'avait pu que se résigner face à son appétence presque carnassière. « Non. » Le brun ténébreux daigna jouer les ingénus comme il arqua les sourcils d'une moue reflétant une incompréhension feinte ainsi qu'une déception lisse ; hochant brièvement la tête d'un signe négatif, il mima l'intransigeance angoissée de la belle Lily par une question à la fois railleuse et mesquine : « Non ? » souffla-t-il comme si la réponse de la demoiselle était totalement déconcertante, comme si la belle enfant n'avait là aucune raison de lui refuser pareille requête : après tout, le Gryffondor ne lui demandait que quelques cours particuliers. Rien d'autre... Du moins, c'était là ce que portait son jeu divin d'acteur, n'hésitant pas à malmener le petit coeur de son élue et tirailler sa culpabilité d'angelot. Viens donc mon ange, déploie donc tes ailes que j'en arrache les plumes une à une. Un bref sourire railleur étira ses lèvres blêmes tandis que la jeune victime tentait désespérément de se défaire de son emprise ; en vain. Seule la lourdeur des livres vint rompre le silence des lieux, trahissant la détresse de la jeune victime. Et comme pour corroborer la tension du moment, Sin jeta à son tour l'ouvrage pris en otage à terre.

Pour autant le jeune homme n'eut guère à batailler bien longuement pour l'empêcher de se rebeller : amoindrie par la peur, la jeune Lily gagnait en faiblesse physique à mesure qu'il la dévorait du regard, lui offrant à voir de magnifiques vertiges. Galamment – si tant est que le terme de galanterie était vraiment approprié en l'instant – Ainsley posa une main ferme sur la hanche de la jeune fille, proie frémissante entre ses griffes, afin d'anticiper une réelle chute si cette dernière venait à faire un malaise. Car la subtilité de ses frissons semblait la tétaniser, autant que son visage opalin devenu si pâle présageait une réaction inattendue de son corps. Pour un peu, le jeune homme aurait poussé la perfidie bien plus loin en lui susurrant quelques paroles se voulant rassurantes une fois sorties de leur contexte : « ne t'en fais pas je te tiens », « tu ne tomberas pas », « viens je t'emmène à l'infirmerie ». Rien qu'il ne puisse souffler avant que la délicieuse poupée ne prenne son courage à demain et n'ose enfin lui poser cette question qui lui brûlait les lèvres depuis des mois entiers : « Qu'est-ce que tu me veux, au juste ? » Et le silence tomba lourdement sur leurs têtes, affûté tel un couperet.

Se complaisant dans son rôle de bourreau, le brun ténébreux ne daigna pas répondre de suite. Préférant longuement dévisager la belle Lily pour mieux lui en arracher de délectables frémissements d'angoisse, voilà qu'il s'amusait à semer le doute dans son esprit tandis qu'il se faisait taciturne. La pousser à regretter une telle question comme il se faisait monstre de silence, la pointe de ses yeux incandescents épinglant son visage, redessinant la courbe de son front pâle, de son nez aquilin, du galbe sucrée de ses lèvres griotte. Quelques secondes de torture interminables pour une caresse infiniment douce, d'une tendresse qui exaltait d'avantage le côté vicieux de la situation : à la fois prince et bourreau, tortionnaire et galant homme, il ne souhaitait plus que la voir vaciller entre mille sentiments contraires. Qu'elle se perde dans la panique de son esprit, dans les frissons de sa chair, dans les affres de ses incertitudes. Ainsi le jeune homme porta-t-il doucement sa main sur la joue de la jeune fille, caressant sa peau dans une infinie langueur et d'un frôlement délicatement licencieux. Les rétines ambrées de son regard fauve fouillèrent les pupilles humides de la demoiselle, y lisant quelques larmes naissantes dans le berceau de ses paupières : « Tu es magnifique, Lily. » Un murmure ardent sans aucune fioriture, aucun jeu, aucun aléa : juste cette véracité échappée de ses lèvres crues, pourtant rehaussée par son regard de prédateur. La tendresse et la brutalité, réunies dans ce même jeune homme lubrique. Appréhendant un hoquet de surprise de la part de la victime, voilà qu'il continua non sans se pencher à son oreille cette fois-ci : « Tu ne ressembles à aucune autre fille. Belle, fraîche, délicate, encore pure. Un véritable petit joyau de candeur... Tout ce que j'ai toujours voulu. » Un léger souffle, ardent et envieux envolé jusqu'à l'oreille de la petite poupée avant qu'il ne reprenne enfin : « Je te veux, toi. Pour moi seul. » Un frisson vint accueillir les paroles fiévreuse du jeune insolent qui déposa pieusement un baiser sur la tempe de la belle martyr.

« Pitié... » Mais douce enfant, ne crains-tu donc pas d'attiser la flamme quémandeuse du jeune démon par l'imploration que tu invoques ? Plus que jouissive, cette requête coulait à son oreille telle une douceur dont il ne se lasserait pas, au même titre qu'il ne pouvait se lasser de la beauté de l'angelot. L'envie de caresser d'avantage son épiderme lumineux lui lacérait les sens, car l'ardeur de son regard de loup ne lui suffisait plus. Voilà qu'il respirait le baume du désir face à cette petite poupée en pleurs, suintant le frémissement suave et lascif, l'envie de dévorer sa peau comme un lion croque le ligament d'un cadavre. Et de ses yeux contemplatifs, affamés, emplis de promesses charnelles qui la faisait frémir – pauvre petite brebis délicieuse – il la détaillait dans une insolence rare. La jeune fille reposait dans la clarté obscure de ses bras geôliers, à la fois bien trop pâle et bien trop belle. Ses cheveux étaient ce voile de clairvoyance au ciel des tempêtes, maigres et disloqués, sublimes. Ses cils n'étaient que crispation de douleur, à la parfaite courbe de ses yeux éteints ; quand son regard à la fois suffocant et candide transpirait l'humidité des cachots et de la peur : elle était la martyr qui se donnait en offrande des regards inconnus. Recueillant sa souffrance du bout des doigts, cette même angoisse qu'Ainsley lui-même avait fait naître au creux de son ventre de sainte, le jeune homme s'appropriait son agonie dans ses paumes mesquines. Cette douleur que l'on ressent dans l'échancrure du col, tout au fond de son coeur, que l'on porte sur les épaules par des plaisirs fugaces et malsains. Et il l'observait, diable asservi à sa beauté, subjugué par son mystère, transcendé par son aura rayonnante, envieux de la consumer par la terreur. La princesse se faisait désirable, le sombre prince lui, n'en demeurait pas moins intriguant. Ainsley avait la couleur des parfums qui vous chamboulent, le regard qui dardait le monde avec moquerie et orgueil, la prestance et l'arrogance d'un roi, le halo de mystère des plus grands saints souillés. Il la veut, elle l'obsède. Il en joue, et c'est abject. « Pitié » Il frémit une nouvelle fois de satisfaction, laissant un soupir lubrique s'échapper de la barrière de ses lèvres tandis que ses doigts s'enfonçaient un peu plus dans la chair de ses hanches. Plus la belle enfant tremblait entre ses bras de bourreau, et plus le désir de la caresser du bout des doigts, de la sentir frémissante contre lui, s'emparait de son être. Ce palpitant glacé habitant mollement sa poitrine joua quelques notes excessives, cyclique comme un tambour voilà qu'il s'exaltait devant tant de tentation, tant de désirs, tant d'envies.

« Je t'en prie... » Un nouveau frémissement lécha son échine, seulement cette fois-ci Ainsley ne se contenta pas de soupirer d'aise et de contentement : l'audacieux tortionnaire se pencha sur le cou de cygne de sa belle, ôtant délicatement sa longue chevelure d'une main de maître pour mieux dénuder sa peau, et y posa des monceaux de baisers brûlants dont la langueur pouvait faire frémir n'importe quelle vierge effarouchée. Ce désir poignant enveloppant ses entrailles avait laissé place à des papillons imaginaires narguant son estomac : le jeune homme attrapa cet étrange ressenti au vol comme une réaction à son ivresse lubrique, ne daignant pas faire le rapprochement immédiat avec autre chose. Et sa main conquérante de remonter sur les côtes de la frêle demoiselle, évitant la félicité de sa poitrine juvénile car s'estimant un tant soit peu prince dans son rôle de bourreau, stoppant sa course sur la joue blême et humide de la pauvre victime. Ses lèvres désireuses dévièrent lentement sur le visage de la martyr, avant de déposer un baiser au coin de sa bouche griotte. Paupières closes pour mieux recueillir le miel de son premier baiser, le jeune homme se pencha si lentement, prompt à savourer l'instant, qu'il ne put pas même aller jusqu'au bout de son initiative. Voilà qu'il se stoppa soudain, à quelques millimètres des lèvres rosées de la jeune fille, surpris par les quelques mots de l'angelot. « Merci » Déstabilisé par tant de candeur, troublé par la pureté de sa voix cristalline, heurté par les remerciements de la sainte alors qu'il n'y avait pas lieu d'être, le jeune homme se redressa doucement. Ses rétines troubles dardèrent la beauté lasse de la demoiselle, comme il tentait de décrypter ses propos. Un autre 'merci' suffoqué à la pointe de ses lèvres humides vint l'arracher de sa léthargie : cette Lily n'était vraiment pas comme les autres jeunes filles. Unique et éthérée... Voilà pourquoi il la désirait pour lui seul ; comment pouvait-il passer à côté d'un tel joyau. Mais fallait-il pour autant la souiller d'un baiser venu violer ses lèvres, celles-là même qui l'avait troublé ? Revenu à ses esprits, Ainsley eut tôt fait d'esquisser un bref sourire charmant et charmeur, touché surtout par l'ineffable noblesse que lui offrait à voir la frêle Lily. Sa main tortionnaire alla essuyer ses larmes tandis que s'élevait sa voix suave : « Je t'en prie. » Timbre à la fois amusé et interdit.

Et le bourreau d'esquisser un pas en arrière. Puis deux. Puis trois. Toisant dans toute sa superbe l'innocente victime délivrée de son étreinte, Ainsley demeura taciturne de bien longues secondes durant lesquelles il se noya dans ses pensées troubles. Enfin, il daigna lui faire un bref signe de tête en direction du couloir déserté, l'invitant à déguerpir au plus vite. « Va-t-en. » L'absence de réaction de la demoiselle encore sous le choc eut tôt fait de l'inviter à la réelle menace. « Dépêche-toi, avant que je ne change d'avis. »

Comme quoi même le diable pouvait être touché par les émois et la beauté d'un ange.

La course fugace de son regard se stoppa sur la demoiselle interdite, qui dans une sérénité tremblante commença à ramasser ses livres un à un. La sainte faisait état de grâce en ne pipant mot, sa parole de martyr sublimée par un silence que le jeune homme admirait malgré lui : ses yeux d'aigle l'observaient à la dérobée, détaillant les traits purs de la jeune fille, sculptant la courbe divine de son dos courbé, observant ses gestes doux qui malgré leurs tremblements s'avançaient d'une infinie tendresse vers ses ouvrages jetés à ses pieds. Comment sa proie, terrorisée et frémissante, avait-elle pu déployer autant de force radieuse et humble ; s'occupant à ramasser ses affaires tandis que des larmes muettes couraient sur son visage. Comment pouvait-elle supporter ses affronts, cette agressivité lubrique émanée du démon, ces intimidations constantes qui lui promettaient à demi-mots le viol pur et simple de sa virginité ? Ce n'était guère par l'attitude de Lily que le brun ténébreux était le plus décontenancé, mais bien par l'irradiante lumière de son âme qu'il supposait pure : avait-il vraiment l'envie de la souiller maintenant ? Car ensuite, qu'adviendra-t-il... L'avoir pour lui bien sûr, et ce plus que jamais : car le jeune homme ignorait en ces funestes instants que le visage de Lily hanterait son esprit, jusqu'à se retrouver obsédé par cette dernière. Un simple 'merci' avait suffit à transformer la bête en loup maté, pour autant ses instincts de prédateur ne l'avaient pas quitté : il l'aurait, coûte que coûte... Mais voilà qu'il doutait profondément, car Ainsley souhaitait encore sentir ces émois troubles lorsqu'il l'observerait immaculée et séraphique, surveillant du coin de l'oeil tout autre prétendant. Non, il désirait être le premier. Mais ni par la force ni les sévices ; par l'usure peut-être, par la manipulation probablement. Acculé contre ses propres doutes, Sin ne savait plus s'il désirait la jeune fille dès maintenant, ou s'il préférait se faire acteur de sa souffrance sans jamais la toucher : être juste son bourreau, lacérer son âme mais ne pas toucher sa chair. Non, il la voulait... Tant de pensées troubles et contraires. Il secoua brièvement la tête dans l'espoir de faire envoler toutes ces questions le dirigeant dans les affres de la perdition.

Enfin, son regard fauve croisa les yeux satinés de la jeune fille. Pris au dépourvu, Ainsley n'eut d'autres réflexes que de froncer les sourcils et de durcir ses prunelles pénétrantes, telle une barrière érigée pour ne pas laisser la jeune fille passer le mur insondable de ses pensées, de son âme, de ses doutes. Glacé et glaçant, voilà qu'il l'observait s'approcher tel un loup aux aguets, prêt à bondir et attaquer de nouveau car se sentant étrangement menacé. Menacé par ce qu'elle pourrait extraire de son étrange attitude, menacé par les déductions bancales qu'elle pourrait en faire... peut-être le penserait-elle faible après tout cela ? Foutaises. Sin se garderait bien de la laisser approcher son côté plus fébrile, et garderait son statut de bourreau bien qu'il la laissait partir, en hommage à sa beauté qui le frappait de plein fouet. Et ce 'pourquoi' résonnant dans son esprit, sans que jamais il ne souhaite détourner son regard d'elle, la mitraillant de ses rétines polaires. Le jeune homme ne daigna pas répondre à sa question dans un premier temps, laquelle demeurait de toutes façons évasive. Pourquoi la laissait-il partir, ou pourquoi l'avait-il prise comme victime ? Paradoxalement, ces deux interrogations si différentes se ressemblaient dans leur réponse : parce qu'il l'avait trouvée belle et éthérée. Bien sûr, venaient se greffer à ces arguments douteux d'autres raisons bien plus viles : parce qu'elle était une Potter et qu'il tentait de souiller son honneur, parce qu'il avait décidé de la choisir elle comme proie, parce qu'elle était étrangement différente. La voix cristalline de Lily résonna de nouveau cependant, et le sortit de sa léthargie. Frappé par cette distance qu'elle avait réduite d'elle-même, Ainsley en avait déduit d'un mépris érigeant sa carapace de glace qu'elle était simplement stupide et masochiste. Car à présent que la demoiselle parlait avec sa sensibilité qui lui était propre, le Gryffondor ne put que se retrancher derrière des barricades d'acier, l'empêchant de lui faire part de tout sentiment et le transformant en monstre antipathique et froid. « Je ne comprend pas... » « Il n'y a rien à comprendre, Potter. Je voulais jouer et tu m'as lassée pour aujourd'hui. » Pour aujourd'hui. Le timbre suave de Sin lui faisait bien comprendre que le calvaire ne s'arrêtait là que pour une durée bien déterminée... Du moins le lui sifflait-il avec virulence, dans un instinct purement protecteur : lui montrer qu'il pouvait toujours être son bourreau, se voiler la face, garder ce masque dur et froid, ne pas laisser tomber les armes. Mais diable qu'elle était belle. Un sourire tentateur en guise d'assurance feinte se dessina sur ses lèvres désirables, comme il continua non sans un murmure aguicheur empli de menaces obcsènes : « A moins que tu ne sois masochiste princesse, je peux toujours te prendre dans ces couloirs dès maintenant si tu ne déguerpis pas au plus vite. » Ne pas lui avouer que sa beauté troublante le subjuguait, que sa pureté vraie faisait vriller son palpitant, qu'il serait bien rester là des heures à la dévorer du regard. Mais à défaut de le lui avouer, le démon préféra endosser de nouveau son rôle de bourreau ; celui qui le protégeait de toute incompréhension. Car il ne comprenait ni sa propre attitude, ni même ce regard à la fois tendre et dévorant qu'il posait sur elle. Et cette envie de l'avoir pour lui, de lui sauter à la gorge pour la dévorer de baisers et de caresses audacieuses. Ce désir de la préserver de lui-même, afin de toujours pouvoir contempler sa pureté. Tiraillé de l'intérieur, en proie à ses propres démons. Plus elle demeurait là, statique dans toute sa splendeur, et plus elle le faisait défaillir. L'ordre tranchant ne se fit guère attendre : « Dégage ! » siffla-t-il d'un souffle rageur.

Enfin, la petite brebis tremblotante daigna réagir sous son oeil torve. Ses yeux sombres lui brûlaient l'omoplate alors qu'elle tournait les talons non sans une certaine appréhension : le bourreau cependant ne réagit pas, et lorsqu'il la vit tourner le coin du couloir humide, s'enquerra de partir dans l'autre direction encore légèrement sonné par sa propre réaction.