Aylen avait environ une dizaine d'année lorsque Voldemort a pris le pouvoir. Nourrit au sein de son clan par des histoires épiques et chevaleresque, elle voyait ça d'un air particulièrement mauvais, surtout lorsqu'elle entendait discuter les adultes de son clan, espionnant d'une oreille attentive avec sa sœur jumelle. Elle se souvient parfaitement des mots de son père, ceux de sa mère, ceux de tous. Ils résonnent encore comme les échos d'un temps révolu dans son esprit, la nuit. Elle se rappelle des mines inquiètes et graves des lairds. Et elle ne peut se résoudre à l'oublier. En grandissant, son opinion a continué de se forger : vivre ainsi n'était pas possible. Cette vie n'était pas la leur, et on leur avait volé leur adolescence, la possibilité d'un futur. On avait sacrifié sur l'autel de la protection du plus grand nombre la vie de milliers de sorciers innocents, sous prétexte qu'ils n'étaient pas de sang-pur, ou de sang-mêlés. L'injustice de la situation lui hurlait au visage, et chaque jour, elle se demandait combien étaient morts.
Pour elle il est impératif de sortir la Grande-Bretagne (surtout l'Ecosse) de la situation actuelle. Car rien de bon ne peut en ressortir. Et si pour ça il faut attendre vingt ans, et mener un combat de longue haleine, alors ils le feraient. Elle le ferait. Même s'ils devaient le faire petit bout par petit bout, île par île, ville par ville, ils y arriveraient.
A commencer par la libération de ses îles du joug de Voldemort. Ensuite ils aviseraient. Mais le soulèvement ne tarderait plus.
Ils étaient bientôt près.

 
« Aylen ? Aylen ! »
La femme, grande, les yeux verts et la chevelure noire lâcha un soupir agacé. Où pouvait bien être passée sa fille. Elle devait pourtant l'attendre dans l'entrée avec sa sœur, ainsi que leur père. Ils devaient se rendre chez des amis de la famille, extérieurs au clan, et avec Aylen qui manquait à l'appel, ils étaient sûrs d'être en retard. « Deirdre, as-tu vu ta soeur ? »
L'enfant, qui devait avoir environ six ans, secoua la tête en regardant sa mère, deux grandes orbes bleues la regardant. La femme pinça les lèvres au point qu'il ne reste plus qu'une ligne sombre pour indiquer leur présence. Elle retint un juron en gaélique, langue couramment parlée au sein du clan, lorsque son mari arriva. L'homme, massif, les cheveux d'un roux éclatant avec de nombreuses tâches de rousseur, les yeux aussi bleus que sa fille regarda sa femme.
« Tout le monde est prêt, dear ? » La mère d'Aylen secoua la tête.
« Non, Aylen a disparu. »
Un sourire s'étala sur le visage de l'homme qui reconnaissait bien là le caractère de sa famille. Il secoua la tête en voyant le regard noir de sa femme et passa une main contre sa nuque, sous la longue tresse qu'il portait.
« Je vais la chercher. » Il s'éloigna alors, son kilt traditionnel s'agitant alors qu'il avançait. Il sortit par la porte principal du château et regarda autour de lui. Le ciel était sombre, les étoiles et la lune de sortie, et aussi... Il sentit une masse s'abattre sur ses épaules et sursauta, prêt à s'en débarrasser quand la voix enfantine retentit.
« RoaaaAAAR, je suis un dragooooon ! Je vais te manger, humain ! »
L'homme rit de bon cœur et de sa grosse voix fit un « Non ! Epargnez-moi ! Ne me mangez pas, Ô vénéré dragon ! »
La petite éclata de rire et se détacha de son père pour se laisser tomber au sol. L'homme se tourna vers elle et observa les dégâts fait à la robe qu'elle devait porter pour la soirée, toujours amusé. Elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à Deirdre, avec les mêmes immenses yeux bleus, et les cheveux noirs un peu bouclés. Quelques tâches de rousseur parsemaient son visage, un grand sourire s'étalant sur ses lèvres pour dévoiler des dents blanches, quelques unes manquantes, sans doute tombées pour laisser place aux définitives.
« Où étais-tu passée princesse ? » Aylen sautilla un peu sur place alors que son père sortait sa baguette pour réparer les dégâts faits à la robe. Elle pointa du doigt une corniche à l'étage supérieure.
« J'étais montée là ! Pour pouvoir regarder l'aurore boraelle !
- Boréale, » Corrigea son père. « Bon, ne dit rien à ta mère, sinon elle va encore s'inquiéter. Tu sais comme elle est. »
Aylen hocha la tête avec un grand sourire, son père achevant de réparer la robe. Il se redressa ensuite et admira le ciel, ainsi que l'aurore boréale qui s'y étendait. Un dragon passa dessous, la coupant en deux brièvement, et l'homme prit la petite fille dans ses bras, la soulevant sans mal pour la ramener à l'intérieur. Ceci fait, il la laissa regagner le sol et aller rejoindre sa sœur, sur laquelle elle sauta, la taclant à moitié plus qu'autre chose et manquant de la faire tomber.
Les deux adultes vinrent prendre la main des gamines, et ils transplanèrent.

Les gerbes d'eau laissaient apparaître des orques au large des côtes des îles écossaises habitées par le clan. Les majestueuses créatures marines se soulevaient des eaux avec une grâce et une majesté qu'on ne se serait pas attendu à voir chez un animal aussi massif. Et pourtant, pour la bête cela semblait si facile. Le bleu de l'océan se déchirait pour laissait passer les puissantes bêtes, tout comme le bleu du ciel semblait s'effacer pour laisser passer les dragons, maîtres des vents charriés par la mer. Ces deux éléments avaient toujours parus étroitement liés à Aylen, qui admirait les vagues immobiles au loin qui taillaient dans un horizon sans fin. Et elle sentait que sa théorie se confirmait lorsqu'elle voyait les orques et les dragons jouer ensemble.
En effet, elle pouvait observer de jeunes spécimen s'amuser avec les animaux marins, sous l'oeil attentif d'une mère qui surveillait qu'ils ne se fassent pas happer sous la surface. Le jeu, à observer, était magique. Les éclats d'eau brillaient, et les dragons souples et habiles s'engouffraient sous l'immense prédateur. Les gerbes de flamme rejoignaient celles de l'eau, brièvement, et les animaux poursuivaient leurs jeux.
Il fallait être natif des îles pour savoir où aller afin d'observer ce spectacle. Savoir où les orques allaient passer n'était pas donné à tout le monde, et seuls les hommes et les femmes du clan avaient une odeur qui n'alertaient pas les dragons et permettaient une telle observation. Sans même parler du fait qu'il ne fallait pas se perdre sur les îles qui semblaient s'étendre à l'infinie.
Elle aurait ainsi pu rester des heures et des heures comme ça, mais une autre voix l'en empêcha. Elle se leva et courut jusqu'au rebord du plateau rocheux sur lequel elle était installée pour découvrir sa sœur jumelle.
« Deirdre, grimpe, il faut que tu vois ça ! »
La gamine fit non de la tête et pointa du doigt la direction du château. Aylen haussa un sourcil, fronça un autre, clairement perplexe. Elle poussa un soupir en se redressant et regarda autour d'elle avant de tourner le dos au vide pour pouvoir entamer une descente. Grognant un peu dans l'effort, l'enfant d'à peine huit ans faisait attention à où elle mettait les pieds.
Cette fois elle n'avait pas d'adulte pour la rattraper.
Et si elle avait confiance en sa magie, elle doutait que cette fois elle soit à nouveau sauvée par celle-ci, comme ce fut le cas la première fois qu'ils se manifestèrent. Enfin, ce n'était pas qu'elle n'avait jamais montré aucun signe de magie : comme la plupart des petits sorciers, elle en avait eu à diverses reprises, mais c'était la première fois que ça arrivait devant tant de gens du clan. Quelle idée avait eu Angus aussi de la mettre au défi de grimper sur le vieux rempart qui devait être réparé suite à un – petit – incident impliquant un dragon. Qui l'avait à moitié défoncé. A cause de ça, elle avait pris entre ses mains une pierre à moitié délogée et était tombée. Comme la plupart des adultes étaient alors occupés à préparer la fête qui avait lieu autour de leurs jeux traditionnels, marquant le solstice de Printemps. Résultat, sans sa magie, difficile d'affirmer qu'elle aurait survécu à la chute.
Ceci dit, elle parvint à atteindre le bas de la parois rocheuse sans problème et rejoignit sa sœur pour la suivre, croisant les bras derrière sa tête en avançant tranquillement. Elle devait se restreindre au rythme tranquille de sa sœur, ce qui la faisait grogner un peu.
« J'imagine que c'est les papa et maman qui t'ont demandé de venir me chercher. Tu as décidé de continuer à ne pas parler ? Aaaar, tu peux être si ennuyeuse parfois ! » Aylen fit une moue des plus adorables pour manifester son mécontentement, finissant par arriver au niveau du portoloin  permettant aux enfants de voyager d'île en île sans que cela nécessite la présence d'un adulte. Cela offrait une indépendance assez impressionnante aux enfants, qui apprenaient très vite les règles de sécurité de base des îles, souvent à travers les histoires prodigués par les anciens du villages que par les conseils des parents. Si un enfant venait à se perdre, les parents avaient de toute façon connaissance de sorts permettant de retrouver les plus jeunes. Cela évitait les pertes qui, à une époque étaient courantes. Mais les temps avaient changés.
Elles arrivèrent devant le château, jetèrent le portoloin dans un bac en contenant visiblement un certain nombre. Aylen leva les yeux vers le ciel et vit à travers les nuages blancs l'éclat du soleil transparaître, une fine bruine tombant sur les adultes qui s'agitaient aux alentours, un rugissement de dragon se faisant entendre entre deux ordres donnés par une voix indistincte. Aylen n'avait aucun mal à distinguer la douleur qu'elle pouvait entendre dans le rugissement, et se dit rapidement qu'ils devaient être en train de le soigner. Un processus qui pouvait s'avérer douloureux chez les bêtes.
Les MacFusty n'aimaient pas trop avoir à intervenir ainsi auprès des bêtes, mais ils ne pouvaient pas non plus se permettre de juste les laisser à leurs morts ainsi. Avec moins de cinquante individus encore vivant, chacun d'entre eux comptaient pour l'avenir de l'espèce. Bien qu'il était important de maintenir un nombre de dragons assez bas pour éviter une prolifération sur les terres qui les forcerait à confier la responsabilité de ceux-ci au ministère. Ces incompétents qui avaient laissé des gobelins stupides enfermer un dragon sous terre.
C'était révoltant ! Abjecte même !
Entrant enfin entre les murs du château, les deux enfants rejoignirent la salle à manger. Arrangée dans un style assez ancien, une table en bois massif trônant au centre de la pièce, des chaises à dossier haut l'entourant. Leur entrée fut remarquée, et les quatre adultes présents, ainsi qu'une enfant plus jeune, se retournèrent vers les deux petits démons qui courraient vers eux.
« Seanmhair ! Seanair ! »
La tête brune entoure de ses bras la vieille femme qui se trouvait à côté de sa mère, vite rejointe par sa sœur, dont les lèvres s'étirent grandement, visiblement heureuse de voir sa petite-fille en pleine forme.
« Aylen, Deirdre ! Seas air mo bheulaibh, que je puisse vous voir. » Les deux petites filles s'exécutent, aucunement perturbées par le passage du gaélique à l'anglais, et encore moins par l'accent prononcé. Une exclamation heureuse s'échappa des lèvres de la grand-mère, joignant ses mains, satisfaite. « Oooh, vous êtes àluinn, magnifique ! » L'émotion transperçait dans la voix, alors que leur grand-père regardait les petites et sa femme avec un air un peu amusé. Il était également ravi de voir qu'elles grandissaient bien.
Le mélange des deux langues au sein du clan était plutôt courant. Il faut dire, un cinquième de celui-ci parlait exclusivement gaélique, et beaucoup des membres du clan privilégiaient cette langue pour communiquer, la mélangeant parfois à l'anglais des sassenach. Bien sûr la vaste majorité parlait tout de même anglais, puisque la plupart avaient été à Poudlard. Mais le mélange n'était en tout cas pas rare, surtout en présence des deux petites qui apprenaient les deux. Ainsi que le français, à cause entre autre du fantôme d'une de leur ancêtres, qui venait de cette fière nation et se refusait à parler l'anglais ou le gaélique, forçant la plupart des MacFusty du château à apprendre la langue de Molière. Evidemment, ce n'était pas la seule raison, mais cela aidait.
Leur mère s'approcha des deux petits filles et vint retirer une brindille des cheveux d'Aylen.
« Bon, allez vous rendre présentables, et vite. Vous ne voudriez pas affamer vos grand-parents. Ah, prenez Remy avec vous, aussi, vous pourrez la coiffer ainsi. » L'enfant cachée derrière les jupes de sa mère s'en dégagea et s'approcha de ses sœurs, une tignasse rousse se distinguant nettement, cachant la moitié de son visage poupin de petite fille à la peau pâle. Les deux petits hochèrent la tête et se retirèrent.
« Tu as fait un très bon travail en les élevant, Eoin. » Furent les derniers mots qu'entendèrent les trois enfants. En effet, le père de famille était celui en charge de l'éducation des filles, pour laisser à sa femme tout le loisir de s'occuper du clan. Aucune tradition n'empêchait une femme de diriger si celle-ci était choisie pour, et elle n'avait en rien besoin d'un homme pour diriger à ses côtés. Fille aînée du précédent chef, elle avait hérité de son poste à sa mort, ayant été formée à ça presque toute sa vie. Personne ne s'y était opposé, et aucun membre du clan n'y avait même songé. Aucune loi ne l'interdisait de toute façon.
Elles revinrent une trentaine de minute plus tard, et Aylen fit signe à ses sœurs de se faire discrètes. Elle voulait écouter un peu à la porte pour savoir de quoi pouvaient bien parler les adultes.
Ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait, ni la dernière. Et cela arriva encore deux ans plus tard...

« Poudlard est tombé. » Aylen reconnu la voix du Laird qui venait de parler : c'était le père d'Angus. « Ils arrivent. Il va falloir qu'on prenne une décision, Chef. » Bien évidemment, la conversation se déroulait en gaélique. Il y eu un long silence, finalement brisé par la voix de la mère d'Aylen.
« Même s'ils s'intéressaient à nous, ils ne pourraient pas ramener les géants ici. De même, ils ne disposeraient pas des détraqueurs : les dragons les chasseraient trop facilement. Il va donc falloir compter en terme de force brute... Impossible de savoir combien ils seront à venir, mais je ne doute pas qu'ils puissent être plus que trois cent. En soi, nous pourrions tenir, mais les pertes seraient lourdes.
- Un siège serait difficile à tenir de toute façon : nous n'avons aucun moyen de savoir combien de temps il durerait. Nous aurions besoin de plus de temps pour nous préparer. »
Nouveau silence.
« Hé bien qu'il en soit ainsi. Rendons-nous. Pour le moment... Jusqu'au jour où ils paieront le prix des flammes et du sang. Peu importe le temps que cela prendra. »

Le clan n'avait jamais officiellement adopté de position au cours des guerres qui avaient secouées le monde magique. Bien sûr, ils avaient à plusieurs reprise apporté un soutien discret – mais clairement non négligeable – à l'Ordre du Phénix, et n'avaient jamais accepté un mangemort parmi les leurs. Mais ils ne s'étaient jamais senti réellement concernés à vrai dire : vivant à l'écart du reste du monde sorcier, se sachant indélogeables de leurs îles (qui d'autre que des Ecossais mal lunés voudraient vivre sur ces terres qui n'avaient rien à offrir, à première vue ?), toutes ces guerres de pouvoir et d'idéaux leur semblait futile. Pour eux les choses étaient trop évidentes et l'égalité était le mot d'ordre qui régnait parmi eux. Chacun avait son mot à dire au sein du clan. Et c'était pour préserver cette harmonie qu'ils choisissaient une neutralité de façade jusque là. Mais les choses avaient changés.
On ne touchait pas à leurs terres.
Jamais.
Et jusque là le Ministère avait respecté cette simple demande, en plus de leur semi-indépendance vis à vis d'eux, leur offrant une position de choix. En échange, les MacFusty se chargeaient des dragons, une tâche qui serait bien difficile sans eux qui connaissaient leurs îles par cœur. Et avec plus de quatre-mille mètres carrés d'îles, c'était loin d'être négligeable. Avec l'arrivée de Voldemort au pouvoir, leur statut de clan libre avait changé, et ils étaient occupés, comme un pays qu'on aurait annexé. Les Mangemorts avaient déjà tenté de rallier le clan à leur cause, sans succès jusque là, se faisant envoyer sur les roses de belle façon. Et si jusque là ils n'avaient jamais pu tenter d'écraser le clan, entre autre à cause de la guerre qui faisait déjà rage sur les terres, avec leur victoire, ils avaient fini par venir. Et cette fois-ci, trois-cent pyromanciens ne serait pas suffisant à tenir tête aux hommes du Lord Noir qui pourraient venir en force.
Sauf qu'ils étaient des gardiens de dragons, qu'ils étaient un clan ancien vivant sur les terres de leurs ancêtres sur lesquelles ils avaient tous les droits, et ils entendaient bien les protéger.
C'est ainsi qu'ils commencèrent à doucement se préparer. Ils accueillirent les Mangemorts sur leurs terres, sans faire plus de vague que nécessaire. Leur apportèrent ce dont ils avaient besoin, tout en continuant de s'occuper des dragons. Mais ce n'était pas tout. Car ils étaient de fiers Ecossais. Et que rien ne saurait les séparer de leur liberté.
Protégés sous les ombres des dragons, ils sauront se laver de cet affront. Le plan préparé se met doucement en place, ils sont patients. Sur ces terres pétries de la plus puissante des magies, ils se lèveront. Et ce qu'importe que ce jour arrive dans dix, quinze ou vingt ans.

« Aylen ? Aylen ! »
Tout le clan était habitué maintenant à entendre la voix agacée de leur chef cherchant sa fille aînée. Ah ça, combien de fois l'avaient-ils entendu ? Le père d'Angus, présent pour amener son propre fils à Poudlard s'éclaircit la gorge et ravala son sourire lorsqu'il sentit sur lui le regard noir de la femme, regardant ailleurs comme s'il était innocent de toute moquerie. Elle ne s'en formalisa toutefois pas et se tourna vers sa seconde fille.
« Deirdre, as-tu vu ta soeur ? » La dénommée Deirdre se contenta de hausser les épaules. Hors de question de vendre sa jumelle, en supposant qu'elle sache où celle-ci se trouvait d'ailleurs. A ce rythme elles allaient finir par être en retard. Même si elles y allaient en transplanage d'escorte.
Cette fois-ci toutefois il ne fut pas nécessaire d'aller chercher la pré-adolescente de onze ans. Elle dévala les escaliers et apparut dans le hall, manquant de se prendre les pieds dans une tapisserie à l’emblème du clan en frôlant d'un peu trop près le mur. Elle sauta les dernière marches, atterrie devant sa mère – furieuse – et songea presque immédiatement à faire demi-tour.
« Vous êtes en retard, mademoiselle ! Des explications ? »
Ouh. Le vouvoiement n'était pas bon signe. Vraiment, vraiment pas bon signe. Rentrant la tête dans les épaules, regardant vers le sol, elle marmonna une réponse à moitié dans sa barbe.
« Erm... Heu... J'ai pas beaucoup dormi cette nuit, j'étais trop excitée, alors... Bah tu vois quoi, je me suis réveillée en retard. C'estpourçaquejesuisenretardm'man. »
La mère poussa un profond soupir et secoua la tête, pinçant entre ses doigts l'arrête de son propre nez. Le père d'Angus était bien impressionné en tout cas de voir Aylen aussi obéissante avec sa mère. La petite était généralement incontrôlable, et n'écoutait presque jamais ce qu'on lui disait. Mais là...
« Bien. Dit au revoir à ta petite sœur, avant d'y aller. »
Remy se tenait dans l'embrasure de la porte, appuyée contre l'encadrement, faisant une moue boudeuse, visiblement jalouse de ses sœurs. Pourtant, dans deux ans, elle pourrait y aller à son tour. D'un autre côté, Aylen la comprenait. Elle-même avait hâte d'arriver là-bas. Elle avait entendu tellement d'histoires sur Poudlard ! Elle avait hâte de voir à quoi ça ressemblerait.
Un regard déçu se posa sur le château. Bien sûr il était grand. Plus grand que celui des MacFusty – quoiqu'elle n'en jurerait pas – mais c'était tout. Pas de dragons, pas de pièces qui bougent, une bibliothèque normale. Il n'y avait rien de vraiment excitant. Bien sûr, elle pouvait se faire de nouveaux amis dans sa maison – Gryffondor – mais... au delà de ça, l'endroit n'avait rien d'extraordinaire. Le lac ne valait pas la mer qui bordait les îles, avec l'odeur iodé et le vent frais qui rougissait les joues des habitants. Même avec un calamar géant dedans.
La cérémonie de répartition se révéla décevante, le Choixpeau n'étant jamais qu'un bout de tissu, qui en plus l'avait séparé de sa sœur jumelle en envoyant celle-ci à Serdaigle. Elle râlerait à nouveau lorsque, deux ans plus tard, il enverrait Remy à Serpentard. Au moins elle avait Angus avec elle.
Et puis elle ne pourrait même pas jouer au quidditch avant sa deuxième année.
Définitivement, elle était déçue.
Même s'il ne faisait aucun doute qu'elle se ferait une joie d'apprendre à connaître la forêt interdite dès qu'elle le pourrait et de briser chaque section du règlement.

« T'es sûre de ton coup ?! »
Un sourire en coin répond au jeune homme qui court à ses côtés. Il n'est clairement pas rassuré par le plan de l'adolescente dont les longs cheveux bruns flottent au vent comment un oriflamme.
« T'inquiète, ça va passer crème ! »Tous les deux essoufflés par la montée qu'ils viennent d'effectuer à toute allure, ils abandonnent volontiers les escaliers derrière eux. Il fait nuit noire entre les murs du château et seuls la lune et les étoiles dehors leur permet de voir où ils mettent les pieds. Leur poursuivant a lui l'avantage de pouvoir s'éclairer, mais il n'est pas autant en forme que les deux élèves qui le sèment. Néanmoins, il est sûr de son coup lorsqu'il les voit s'engouffrer dans les escaliers pour monter en haut de la tour d'Astronomie. Un cours avait lieu à ce moment là, et tous les élèves sursautèrent à l'entrée des deux élèves, qui heureusement avaient cachés leurs visages sous une capuche et derrière une écharpe aux couleurs neutres.
Ils ne prirent même pas le temps de s'arrêter, sautant sur le bord du parapet avant de sauter dans le vide. Le vent fouettait leurs visages, pas suffisamment pour en étirer la peau, mais assez pour faire pleurer leurs yeux. Le sifflement familier au creux de son oreille, le cœur affolé par la chute libre, le sang qui pulsait dans tout son corps et l'adrénaline qui se déchargeait lui faisaient un bien fou. Habituée à ce type d'exercice, la baguette sortie, le geste fut rapide et précis. Ils s'arrêtèrent à moins d'un mètre du sol, et Aylen se réceptionna parfaitement là où son ami tomba lamentablement, s'écrasant à moitié le nez sur les pavés de la cour. Plus haut, les élèves et le professeur qui venait d'assister à ça se tenaient sur le rebord du parapet, certains des plus excités sifflant l'action avec admiration.
Néanmoins ils n'avaient pas le temps de souffler.
Ils disparurent à nouveau vers l'intérieur du château, allant chercher refuge dans un coin où on ne penserait pas à venir les chercher. Jusqu'à ce que les choses se calment suffisamment et qu'ils puissent regagner leur salle commune.
Méfait accompli.

La bibliothèque des MacFusty était aussi magique que le reste des îles.Outre ses lubies de se déplacer toute seule, comme au moins la moitié des pièces du château (autant dire que pour toute personne n'y étant pas habituée se perdre était un jeu d'enfant, et que l'idée même d'utiliser un plan était stupide), elle avait été construite par un sorcier à l'esprit sans doute complètement détraqué par des substances illicites.
En effet, se perdre ici était encore plus facile que dans le reste de la demeure de pierres des MacFusty. Pourquoi ? Simplement parce que les règles normales de gravité ne s'y appliquaient pas. Le haut et le bas devenaient des notions abstraites, et les murs étaient couverts de livres, des pièces annexes se développaient un peu partout de façon anarchique, et il était difficile de savoir quel escalier ou échelle menait où. Et parfois, la magie qui maintenait ce petit univers s'affaiblissait, des livres tenant au plafond s'effondrant vers le supposé sol. Ainsi toute excursion dans la bibliothèque tenait de l'aventure. Toutefois les MacFusty ignorant comment la désenchanter pour qu'elle retrouve un semblant d'ordre, ils se contentent de rétablir les sorts la maintenant en état dans les zones dangereuse. L'entretien était rigoureux, néanmoins cela avait fini par entrer dans les traditions, et ils en étaient plutôt fiers finalement. Qui pouvait se vanter d'avoir une telle bibliothèque à part eux ?
Aylen aimait beaucoup s'y réfugier parfois, tout comme sa jumelle. Et c'était ce qu'elle faisait ce jour là. Elle savait qu'elle aurait pu rester deux jours entiers là sans qu'on ne puisse la retrouver. Il faut dire, c'était déjà arrivé une fois ou deux.
Ruminant entre deux piles de livre attendant d'être rangés après une chute qui avait eu lieu la semaine précédente, elle avait un livre ouvert sur les genoux. Elle donnait l'apparence d'être une adolescente sérieuse, pourtant cela faisait bien une demi-heure qu'aucune page n'avait été tournée. Le livre, écrit en gaélique, n'était pourtant pas difficile à lire, elle n'avait juste pas la tête à ça. Elle poussa un profond soupir lorsqu'un bruit de livre tombant la fit sursauter. Elle entendit la voix de Deirdre qui jurait dans la langue des écossais, et fronça les sourcils lorsqu'elle la vit apparaître. Elle n'avait pas vraiment envie de la voir pour l'instant. Mais ça n'empêcha pas la jeune femme de venir s'asseoir à côté d'elle silencieusement.
Quelques minutes passèrent avant qu'elle se décide à briser le silence.
« J'ai parlé à maman. »
Aylen déglutit et pinça les lèvres, détournant le regard, se sentant soudainement mal à l'aise. Plus tôt dans la journée, la chef de clan avait trouvé sa fille avec une autre demoiselle dans ses bras. Cette dernière avait alors été congédiée, et depuis une ambiance froide régnait sur le château du clan.
« Elle m'a demandé si j'étais au courant. Je crois qu'elle est en train d'en parler avec la Cousine Emily... » La Cousine Emily, un des nombreux fantômes du château MacFusty, une des ancêtres des filles, bien que leur lien soit quasi-inexistant avec les cinq-cent ans séparant les deux époques auxquelles elles vivaient respectivement. Aylen hésita un instant, puis déglutit.
« Elle semblait énervée ?
- Pas vraiment. » La réponse fut simple et accompagnée d'un haussement d'épaule. « Tu sais Aylen, tu n'es pas la première du clan ni la dernière à avoir ce genre de préférences. Et même si par moment on donne l'impression de venir d'un temps passé aux gens de dehors, nous sommes toujours plus avancés sur beaucoup de points. Surtout à l'heure actuelle, avec le Régime de Tu-Sais-Qui... Et on est pas comme ces stupides sang-purs qui croient que le sang est plus important que tout. Alors tu n'as pas à t'en faire, ça ne change rien pour ton avenir. Tu deviendras toujours chef de clan, tu auras quelqu'un à tes côtés pour t'aider dans cette tâche s'il faut, et tu trouveras quelqu'un pour te succéder un jour. Et l'histoire du clan se poursuivra. Et peut-être que dans des années on se souviendra encore de toi pour ça. » Aylen fit un petit sourire et observa sa sœur en haussant un sourcil.
« C'est pas exactement pour ce genre de choses dont je veux qu'on se souvienne de moi, mais tu n'as pas tort sur un point. Ca ne change pas qui je suis. »
L'adolescente vint reposer sa tête sur l'épaule de sa sœur jumelle qui la rapprocha d'elle. Elle savait qu'elle pouvait toujours compter sur elle, peu importe les circonstances.
Elles finirent par quitter la protection de la bibliothèque pour qu'Aylen puisse aller discuter calmement avec sa mère. Accompagnée du spectre de la Cousine Emily, elle se souviendrait longtemps que la première chose qu'avait fait la chef de clan était de lui interdire de dormir dans la même chambre qu'une fille jusqu'à sa majorité. Non mais, elle n'était pas assez grande pour faire ces choses là ! Sans doute serait-elle toujours trop jeune pour ça dans l'esprit de la femme, ceci dit. La seconde fut de la prendre dans ses bras en voyant les larmes couler des joues de sa fille face à son acceptation et sa tolérance.
Deux choses qui n'étaient plus vraiment de rigueur dans le monde actuel.

Le réveil ce matin là avait été difficile. Epuisée, l'adolescente avait rechigné à quitter son lit confortable, s'enroulant dans son épaisse couverture qui la protégeait du froid nordique. Là-haut, même l'été était froid. Il fallut qu'on vienne frapper à sa porte pour qu'elle lâche un grognement avant de se lever. En posant les pieds par terre, elle ne pu retenir une grimace en sentant sous la plante de ses pieds la fraicheur du sol. Ca avait beau être du parquet, le contact n'en restait pas moins désagréable. Il fallait vraiment qu'elle remette en place son tapis.
Se levant, elle passa une main dans ses cheveux, essaya d'ouvrir un peu plus des paupières rechignant à laisser ses yeux s'éveiller totalement, et elle se dirigea en pilote automatique jusqu'à la salle de bain de sa chambre. Un frisson remonta le long de son échine lorsqu'elle sentit la température de la pièce, et elle eut du mal à se résoudre à se mettre nue. Mais il fallait bien qu'elle la prenne sa douche.
Elle ouvrit les robinets tranquillement pour laisser l'eau chaude couler un peu, et après quelques secondes passées à se débarrasser d'un long t-shirt et d'un shorty utilisé comme pyjama, elle se glissa sous l'eau. C'est là qu'elle le sentit. Une sorte de légère sensation désagréable dans le dos. Bien sûr, elle savait parfaitement de quoi il s'agissait, mais ça n'en était pas moins étrange. Elle n'aurait jamais pensé le ressentir de cette manière. Et pourtant...
Elle le sentit se déplacer jusque son épaule, et par automatisme, son visage se tourna vers la chose qui se trouvait là en se tordant à moitié le cou. Une tête de dragon noir incrustée sous sa peau, accroché au reste d'un corps, représentant clairement un noir des Hébrides. Les yeux améthystes de la bête tatouée se mouvaient pour fixer sa propriétaire, alors qu'une gerbe de flamme s'échappa de ses nasaux. L'animal semblait vivant, presque, et Aylen ne pu s'empêcher de repenser aux histoires de l'Ancienne.  Celle affirmant que chaque dragon ainsi tatoué contenait l'âme de l'une des majestueuses créatures disparues de ce monde, conférant à l'animal un caractère propre. Etrangement, l'adolescente y avait toujours cru, et en voyant la bête rejointe le quartier de Lune sur son omoplate pour s'y rouler en boule et se rendormir, elle en était pratiquement certaine. La Lune tatouée était à nouveau complète avec le dragon ainsi roulé en boule en son creux, la rendant pleine. Ils lui avaient dit qu'il pouvait se déplacer sur toute la longueur de son dos, jusqu'en dessous de son sein gauche, pour descendre jusqu'à ses reins, remonter jusqu'à sa nuque et à peu près ses clavicules. Un terrain de jeu plus vaste que pour bien d'autres, qui révélait son appartenance au clan MacFusty. Un signe qui avait été douloureux à poser, mais dont elle pourrait être fière toute sa vie.

La pluie battait et la tempête faisait rage sur les îles, écrasant la nature de tout son poids. Cela n'empêchait pas les hommes de travailler pour autant, les pieds s'enfonçant dans la boue et s'en décollant avec difficulté, lorsque le dragon qu'ils essayaient de contenir de les faisait pas décoller. Personne, par ce temps, sur ces îles, n'avait le temps de se soucier d'une silhouette se tenant au bord du monde. Ses cris de rage déchiraient la fabrique de l'univers comme ses poumons, et sa gorge ainsi blessée par tant de désespoir. Des hurlement impossible à ignorer.
Pourtant, les gouttes frappaient le sol et les éclairs couvraient tout dans une symphonie inimitable, le ciel insensible à la fureur lancé à son visage. Les vagues se brisaient contre les roches comme la voix contre les bourrasques de vent qui emportait tout à des kilomètres. L'eau tombée des nuages battait le visage, trempait les cheveux avec indifférence, brouillant sa vue.
Ou bien était-ce les larmes ainsi cachées ?
Impuissante, elle finit par se laisser tomber à genoux au sol, plus vulnérable qu'une poupée de chiffon, aussi immuable qu'un roc. Ce n'était pas cette tempête qui la frappait de plein fouet, en haut de cette falaise, qui la faisait vaciller. Le rugissement de la nature n'aurait pu la faire tomber ainsi. Pas quand celle-ci s'inspirait d'elle pour plier la nature à ces caprices.
Aujourd'hui, le ciel chantait la douleur d'un cœur déchiré en des milliers de morceaux.

Le temps avait passé. La douleur s'était apaisée, et ce qu'il restait de cette époque avait disparu dans un trou béant creusé au fond de son cœur pour y rejeter toute la douleur. Un trou qui s'était comblé avec le temps, pour donner la sensation de disparaître. Mais qui était toujours là. A guetter. A attendre.
L'adolescente n'était plus, elle avait grandit, changé. Elle s'était investie dans sa vie, était devenue auror, la meilleure de sa promotion, et une des plus reconnus de son époque. Son nom insufflait respect et crainte, et sa réputation s'était solidement construite autour de son manque de pitié pour ses ennemis, mais une bonté envers ceux qu'elle protégeait. Elle avait appris à ne pas hésiter, à ne pas faire de concession, à ne pas faire d'erreurs.
Mais elle en avait pourtant fait.
Et on lui avait pardonné.
Mais pas elle. A se pardonner, jamais elle ne pourrait se résoudre.

« Tu ne me diras jamais ce que tu as vu, pas vrai ? »
Aylen secoue la tête pour seule réponse, alors que sa jumelle est assise à côté d'elle, au bord du vide. Elle étaient en haut d'une aiguille rocheuse, la plus haute de l'île, elle-même au sommet d'une montagne. Baguette en main, une fumée orangée sortant de la pointe des morceaux de bois pour former un cercle devant elles. Au centre du cercle, elles voyaient deux personnes avançant, sans doute à des kilomètres de là. Les gens du clan se servaient de ce lieu pour observer toutes les îles alentours, à l'aide de la magie. Ce n'était pas le seul poste de surveillance, mais c'était le plus connu.
Deirdre était inquiète pour sa sœur. Elle était rentrée deux jours plus tôt, en permission. Et elle n'avait pas pu s'empêcher de noter les changements. Moins bavarde qu'avant, son regard brillait d'un éclat différent, s'éteignant parfois totalement. Elle ne savait pas grand chose sur ce qu'elle faisait en tant qu'auror, ne connaissait que quelques informations, le reste était probablement classé pour ne pas faire échouer leurs opérations. « Tu peux au moins me dire où tu étais... » Elle savait qu'elle avait demandé à être assigné aux opérations extérieures, officiellement pour opérer à étendre le pouvoir du Lord Noir, officieusement, pour ne pas avoir à tuer des résistants. Lors de ses années de formation, c'était sans doute ce qui l'avait le plus mangé de l'intérieur. Avoir à lutter contre les siens. Mais elle ne voulait pas renoncer à son rôle d'auror, car elle croyait qu'un jour ceux-ci se soulèveraient avec les autres. Et elle pouvait ainsi s'assurer qu'on laissait la paix au clan, en même temps, grâce aux contacts qu'elle se formait.
« In Iraq. »
Evidemment, les moldus ignoraient tout des implications du monde magique dans ce conflit. Pour eux, cette guerre ne les concernait qu'eux. Ce qui était sans doute lié à la conservation du secret magique international. Mais dans les faits, les choses étaient bien différentes. Les sorciers étaient concernés jusqu'au cou. Mais les Britanniques n'étaient pas du côté qu'on aurait pu penser, et luttaient au contraire contre les forces américaines pour essayer de maintenir  en place le Mage Noir local, allié actuel de Voldemort.
Et par moment, cela hantait Aylen d'avoir à luter de ce côté là de la barrière. Elle n'avait qu'une envie, retourner sa baguette contre  ses collègues, ceux qui du moins étaient ouvertement des mangemorts, et les tuer. Elle n'attendait d'ailleurs que de le faire, et pour quelqu'un d'habituellement aussi impulsif qu'elle, c'était une véritable torture d'avoir à attendre.
Deirdre baissa les yeux et hocha la tête, avant de revenir aux deux hommes sur la loupe. Il s'agissait de deux membres du clan, en train d'enterrer dans le sol des pierres taillées en forme de runes, remplaçant celles qui avaient perdu leur magie à force d'un manque d'entretien. Cela se faisait dans une discrétion absolue, afin que les Mangemorts en poste sur les îles ne les découvrent pas. Contrairement aux Ecossais, ils ne connaissaient pas vraiment le terrain, et ne pouvaient pas réellement surveiller comme ils le désiraient. Evidemment, les membres du clan redoublaient de vigilance et de ruse pour ne pas se faire attraper à reformer les anciennes protections du clan. Un travail de longue haleine. La moindre bévue serait mortelle pour chaque membre présent, chaque homme ou femme, chaque vieillard ou enfant. Car ils savaient tous parfaitement ce qu'ils risquaient à montrer ne serait-ce qu'une once de dissidence. Et pourtant, tous les jours ils se relayaient, avançaient à leur rythme, entretenaient ce qui avait déjà été fait.
Il s'agissait d'une barrière de protection qui reposerait à la fois sur de l'ancienne et de la nouvelle magie, créant une protection unique. Tout reposerait sur quelques personnes de confiance, qui seraient reliés à la protection qui isolerait entièrement l'île des menaces magiques extérieures. Le transplanage serait impossible pour toute personne hostile pour le clan notamment grâce à ce lien créé entre certains membres et cette barrière. Ils seraient comme une banque de donnée, gérant les autorisations de passage, ce qui permettrait de toujours commercer avec l'extérieur. Des accords de commerces seraient reformés de façon plus importante avec les pays de l'Auld Alliance, avec la France, ainsi que leur plus proche voisin, la Norvège, et leur permettait de continuer à s'approvisionner.
Ils pourraient ainsi devenir un point de passage de la Résistance.
Au final, toute la difficulté résidait dans le fait de conserver cet immense projet secret. Comme la plupart des membres de la famille principale des MacFusty, sa mère était une excellente occlumens, et montrer ce qu'ils voulaient aux Mangemorts en poste n'était pas difficile, l'avantage étant que la plupart semblaient les voir comme des barbares stupides et incultes. Sans parler du fait qu'ils ne parlaient pas gaélique pour la plupart. Néanmoins, qu'en était-il pour les membres du clan travaillant ? C'était tout aussi simple, au final : ils conservaient les souvenirs des travailleurs dans une pensine, elle-même gardée dans une pièce cachée à l'intérieure de la bibliothèque du château, afin de conserver une trace des avancées faites et pour ne pas supprimer entièrement le souvenir du membre du clan. Suite à ça, ils usaient d'un sortilège d'amnésie ciblant uniquement le souvenir lié au travail effectué, puis recréaient un faux souvenir par dessus. La baguette utilisée pour cette tâche était conservée avec la pensine, et le travail n'avançait pas tous les jours afin de ne pas éveiller les soupçons des Mangemorts par des allés et venus inutiles. Ainsi quiconque fouillerait dans l'esprit d'un membre du clan travaillant sur les projets liés à la future protection des îles n'y verrait que du feu.
Et si cette solution n'aurait sans doute pas été possible normalement, le clan offrait un environnement propice à ça. Car contrairement à des personnes extérieures, élevées dans des traditions individualistes, les membres du clan le feraient toujours passer avant eux-même.
Et jamais un de leur membre ne songerait à les trahir.
Ceci dit, Deirdre sentait bien qu'elle ne tirerait pas plus d'information à sa sœur, aussi se contenta-t-elle de la prendre dans ses bras avant de la laisser à sa surveillance.

« Ces sassenach sont des incompétents ! Ils appellent ça soigner quelqu'un ? Même un dragon serait plus apte à soigner ! »
Au bord de la conscience, Aylen sentit comme un sourire se former sur ses lèvres en entendant sa mère. Elle se sentait bien en cet instant, flottant entre deux mondes, ses yeux percevant la lumière derrière ses paupières sans la voir vraiment. C'était reposant. Elle pouvait également sentir quelque chose pulser en elle. Un peu douloureux. Sans réellement l'être.
La voix de Remy s'éleva alors. « J'essayerais d'arranger un peu mieux ça à la maison, m'man. Dès qu'on aura l'autorisation pour la ramener. » Elle pouvait sentir l'inquiétude dans les voix des membres de sa famille. Elle croit savoir où elle se trouvait, en tout cas, pour entendre ce ton, ainsi que la véhémence dans la voix de sa mère à l'encontre des médicomages anglais. Les pauvres qui avaient eu à lui faire face...
Finalement, une douleur commença à se faire sentir de façon un peu plus prononcée. Elle fronça les sourcils et lâcha un léger gémissement en sentant une vague plus douloureuse qu'une autre, toute conversation cessant autour d'elle. Elle ouvrit doucement les yeux, la lumière l'agressant de façon désagréable, et toute trace agréable de la semi-conscience de plus tôt disparu instantanément.
Elle tenta de se redresser mais deux mains l'en empêchèrent, la plaquant contre son lit d'hôpital. « Reste allongée. C'est mieux pour toi. » Aylen lâcha un grognement mais obéit à sa sœur. Si elle lui disait de rester allongée, c'est que c'était mieux pour elle. Elle inspira profondément, alors que les souvenirs de ce qu'il s'était passé revenait à son esprit. Les cris, la douleur, le sang...
Sa main va chercher le point d'où émane les vagues de douleur machinalement, alors que Remy va chercher auprès des infirmières une potion pour aider contre la douleur, à sa demande. Sa mère est toujours là, et la regarde un instant, un peu tristement. Elles savent toutes les deux que les blessures magiques laissent des cicatrices qu'ils ne peuvent pas effacer. Aylen en a déjà quelques unes. Après tout elle est aurore depuis un peu plus de dix ans maintenant. Alors quand ses doigts se posent sur le pansement qui passe autour de sa poitrine, elle s'inquiète. Elle la tâte, peut sentir des légères décharges à certains endroit, traçant une forme peu commune, ne résultant clairement pas d'un sort quelconque.
Alors elle se leva finalement, tituba un peu juqu'à la salle de bain de sa chambre pour s'arrêter devant un miroir. Sa mère ne la stoppa pas, contrairement à Remy plus tôt. Elle souleva avec hâte son haut, défit pansement et bandage, et observa la marque hideuse qui couvrait le haut de son abdomen et une partie de son sein droit. Les circonvolutions de la cicatrice encore boursouflée étaient d'un violet malsain teinté de noir, comme si la chaire était nécrosée. C'était de son centre qu'émanait la douleur, et une mine de dégoût vint s'afficher sur son visage. A côté de ça, c'était à peine si elle voyait les cicatrice sur son flanc gauche, la seule dévoilée dans ce geste.
« Avec le temps, elle devrait paraître plus saine. Dans trois ou quatre ans, peut-être un peu plus. Avec ce que je vais te donner à appliquer dessus, elle prendra peut-être une apparence plus cendrée. Mais c'est bien là tout ce que je peux faire... Et c'est déjà beaucoup. Tu devrais être morte. J'imagine que tu dois la vie à un de tes collègues... »
Non. Elle devait ça à un de ses collègues. Il avait trop de soupçon à son sujet. Alors elle l'avait conduit droit dans une embuscade menée par des troupes sorcières américaines. Il l'avait compris en voyant qu'ils ne s'en prenaient qu'à lui, et s'était retourné contre elle. Ses alliés n'avaient pas pu faire grand chose pour elle. Heureusement, les autres aurors de sa faction l'avaient trouvé à temps, évanouie mais vivante.
Une fois remise sur pied, sans doute aurait-elle un rapport à faire. En attendant...
Elle se contenterait de contempler le prix de la liberté.

Le bateau s'éloignait sur une mer paisible. Aylen entendait le bois de l'arc craquer sous la tension. Puis la corde fut relâchée, et la flèche siffla jusqu'à se planter dans le bois de l'embarcation par delà les petites vagues. Le vent fouettait son visage, et bientôt les flammes s'y reflétèrent aussi. Elle pouvait entendre les larmes qui roulaient sur le visage de son père et se perdre dans sa barbe. Elle serra la main de sa sœur jumelle un peu plus fort, et regretta d'être séparée par elle de Remy qu'elle aurait voulu réconforter aussi.
Le feu monta haut dans le ciel, s'éloignant toujours jusqu'à disparaître.
La chef du clan des MacFusty venait de s'éteindre, et une nouvelle naissait.

« Allen ! Allen ! Où est-il encore passé ? » Le garçon d'une dizaine d'année finit par émerger, une pile de livre le cachant entièrement et mettant à mal son équilibre. Aylen le stabilisa en récupérant une partie des ouvrage que le garçon transportait et leva les yeux au ciel. « Je t'ai déjà dit de faire plusieurs voyages. Allez, file te préparer maintenant. Nous accueillons un nouveau surveillant-en-chef aujourd'hui. »
Le précédent était mort de vieillesse, et les Mangemorts ne pouvaient pas vraiment laissé l'île sans personne pour coordonner les Mangemorts restant pour surveiller.
Evidemment, Aylen sentait que la situation allait encore être compliquée, mais elle ne pouvait pas y faire grand chose après tout. En temps que chef de clan, elle allait devoir composer avec le nouveau qu'on leur enverrait. Rester à espérait qu'il serait du niveau des autres hommes ici...
Si seulement elle avait su.