La nouvelle était tombée il y a peu, faisant autant de bruit que celles qui l'avaient précédée. Un nouveau membre de la légende était mort. Et pas des moindres. Oh, pas qu'il ait joué un des rôles les plus importants, mais ce membre-là, Hermès le connaissait bien. Du moins, il en avait beaucoup entendu parler. Percy Weasley. Le père de Lucy était mort, il avait été assassiné et, apparemment, on l'avait retrouvé sur le sol du hall du ministère, la tête séparée du reste du corps. C'était dégueulasse, juste dégueulasse. Ces espèces de râclures n'avaient vraiment rien d'autre à faire que de pourrir la vie des gens, de tuer pour le plaisir et de faire le mal. Rien que d’y penser, le poing d’Hermès se serra. Sa colère dirigée vers le monde n’avait aucun but, aucun intérêt, aucun avenir. Cependant, sa colère était sa compagne de toujours, celle qui ne l’abandonnait pas, l’aidait à tenir. Sa colère elle était toujours plus ou moins là, elle l’occupait. Grâce à elle, il pouvait agir, réagir. Hermès, bien conscient de son taux de stupidité élevé, savait que sans la colère que beaucoup de choses lui faisaient éprouver, il serait un garçon mou, transparent, inintéressant. Il savait que c’était elle qui avait aussi fait de lui ce qu’il était. Bien entendu parfois elle était gênante, encombrante, mais il était bien forcé de faire avec après tout. Il admirait les gens patients, les gens qui disposaient d’un tact à toutes épreuves, les gens doux et fermes. Lui il n’était qu’une grosse boule de nerfs constamment prête à exploser en une pluie de coups sur quiconque le cherchait – ou pas d’ailleurs – au détour d’un couloir. Déjà depuis que Lucy s’était éloignée de lui, il avait commencé à avoir plus de mal à se contrôler qu’avant, car Lucy avait toujours été quelqu'un qui arrivait à apaiser les tensions, ou tout du moins ses tensions à lui. Car elle savait comment lui parler. Tout comme Théoxane d’ailleurs. Mais l’absence de Lucy au sein des Indestructibles avait cassé l’équilibre du groupe, et avait causé l’éloignement de Théo et Herm. Comme d’ailleurs, l’éloignement d’un des deux autres aurait causé le même phénomène. Les Indestructibles sans un de leurs membres n’étaient plus les Indestructibles. Mais alors, quand Lucy lui avait clairement annoncé qu’elle ne voulait plus le voir, le cœur du Poufsouffle s’était brisé en mille morceaux, laissant place à un vide où s’était nichée sa colère naturelle, s’entassant comme une poussière toxique qui s’agitait à chaque contrariété et faisait remonter les vieux démons du blond. Dernièrement, les heures de colles dues à des comportements inadaptés envers des professeurs ou des élèves « bien vus » – autrement appelés connards de futurs mangemorts – s’étaient étrangement multipliées. Il n’arrivait plus à faire la part des choses et la violence devenait comme une échappatoire pour sa haine envers le monde entier. Il avait perdu l’habitude de se sentir seul depuis qu’il avait quitté son oncle et Fancy dans sa campagne d’origine. Et cette habitude qui ne lui manquait pas le moins du monde était revenu au galop, le frappant de plein fouet sans qu’il s’y attende. Bien entendu, cet état de fait n’était pas pour améliorer son humeur quotidienne, qui n’était pas des meilleures ces derniers temps. Le seul moyen qu’il avait trouvé pour diminuer ces accès de colère débiles et susceptibles de finir par lui valoir un aller simple pour Azkaban au geste de trop envers un gamin de bonne famille, c’était de se défouler autrement. Alors au cours du dernier mois, il avait passé la moitié de son temps sur le terrain de Quidditch, un quart à marcher dans tout le domaine et le dernier quart à manger ou dormir, comme ça pas de risques. De toute façon c’était les vacances, alors peu importe, il n’avait pas cours.
L’annonce de la mort du père de Lucy avait comme décuplé sa colère par un million trois cent soixante mille. Tout était susceptible de le faire exploser à tout moment face à cette injustice dégueulasse, à ce meurtre, ce crime injustifiable et inqualifiable. Même un oiseau qui volerait trop près de lui pourrait mettre le feu aux poudres. Le jeune homme était à fleur de peau. Il se sentait si mal pour son amie ; Lucy perdait tout ces derniers temps. Et le fait qu’elle l’ait rejeté ne signifiait pas que lui ne l’aimait plus, il avait toujours plus ou moins été dans une relation d’amour à sens unique avec Lucy, alors pourquoi ne pas continuer ? Les phalanges blanches tant ses poings étaient serrés, Hermès sortit en trombe du dortoir, claquant la porte si fort qu’il entendit une fille pousser un cri de surprise dans le dortoir d’à-côté. Il n’avait pas pu sortir de la chambre de toute l’après-midi, il n’avait su quoi faire, il voulait faire quelque chose mais n’avait su quoi. Se sentir impuissant n’avait pas aidé le garçon à calmer sa colère. Et là, il ne pouvait plus rester sans rien faire, il fallait qu’il se défoule, il devait aller marcher dans le château, marcher toute la nuit si cela lui permettait de ne pas détruire le mobilier du dortoir. Car c’était ce qui serait arrivé incessamment sous peu s’il n’avait pas réagi dans les minutes qui suivaient. Sans attendre après la septième année qui lui criaient de se détendre un peu sur les portes – il n’avait jamais tapé une fille, il ne voulait pas commencer aujourd'hui en lui explosant la mâchoire – il traversa la salle commune presque déserte à l’heure du repas et s’engouffra dans les couloirs les plus sombres de Poudlard, espérant fortement ne croiser personne. Ou tout du moins pas un gros relou qui occupait une des premières places dans la liste des personnes à tuer en premières qu’Hermès avait un jour pris plaisir à établir lors d’une colère qu’il s’était efforcé de retenir, et avait réussi. Pas de meurtre ce soir. Il marchait vite, assez vite même, car le but ici était bien de se crever lui-même, de ne plus avoir la force d’être en colère. Dans l’idéal il aurait sûrement été sur le terrain de Quidditch, malheureusement le couvre-feu l’interdisait, pas de Quidditch sur le terrain après la tombée de la nuit, exception faite des matchs prévu par l’école. Alors pas d’autres solutions. Une fois il avait fait nuit blanche à marcher dans tous les couloirs du château. Éviter les surveillants et les professeurs en patrouille de nuit avait été amusant, comme une revanche silencieuse, un pied-de-nez symbolique. Il était ensuite allé en cours, des cernes sous les yeux, une mine de zombie, mais calme. Enfin calme. Peut-être ferait-il la même chose cette nuit, vu son état, la colère apocalyptique qui l’habitait, ce ne serait sûrement pas étonnant. En marchant dans le château de cette façon, il avait découvert une salle dont il avait déjà entendu parler avant mais qu'il n'avait jamais vu : la salle des secrets. C’était cette salle où tant d’élèves auparavant avaient choisi d’avouer des choses si importantes à d’autres élèves, ou à des professeurs. Elle était simple, décorée de façon assez soft, mais elle dégageait quelque chose de fort, elle était spirituellement touchante, et quand il était entré dedans cette nuit-là, Hermès s’était instantanément calmé. Malheureusement il avait récupéré toute sa rancœur en franchissant les portes de sortie mais c’était comme tout dans ce château, chaque pièce disposait de sa magie que nul ne pouvait expliquer.
Il y pensait car, depuis maintenant quelque secondes, quelqu'un s’était mis à le suivre et il ne voulait surtout pas se retourner, il aurait suffi que ce soit quelqu'un qu’il n’appréciait pas pour que cela le fasse exploser, peut-être pour la dernière fois dans ce château. Alors il se dit que cette salle lui permettrait de garder assez de self-control pour gérer une confrontation sans faire trop de dégâts. Il pénétra dans la salle aux secrets, se plaça en son centre, prit une profonde inspiration et se retourna vers son compagnon de route non-désiré. Il ne sût si c’était bien dû au fameux pouvoir qu’il prêtait à la salle ou à la personne qu’il découvrit en faisant volte face, mais sa colère s’évapora en une seconde aussitôt qu’il posa les yeux sur elle. Lucy. Interloqué, la bouche entre-ouverte, Hermès ne sut quoi faire, que dire, comment agir. Pourquoi l’avait-elle suivit ? Que faisait-elle ici, avec lui ? N’avait-elle pas dis haut et fort qu’elle ne voulait plus le voir ? N’avait-elle pas prouvé qu’elle n’avait que faire de lui maintenant ? Et aujourd'hui, le jour où tout le monde apprenait le décès terrible de son paternel, elle revenait vers lui ? Il était troublé, très troublé. Mais il n’eut pas le temps de réfléchir à comment agir, Lucy se mit à pleurer et courut dans ses bras. Rien n’était logique, mais merde, tant pis. Après quelques secondes d’hésitation il la prit dans ses bras, car les larmes sur ses joues n’étaient pas admissibles. « Ccchh… Chut. » répondit-il à ses multiples « désolée » Passant sa main dans le dos de sa meilleure amie, sa gorge se serrait. Sa tristesse le touchait terriblement, il savait bien qu’il ne comprenait pas tout à fait la peine de la Poufsouffle, n’ayant jamais vraiment eu ses parents, mais il était certain de ressentir une peine énorme, sûrement l’une des plus grandes de sa vie. Ses yeux le piquaient, mais il n’avait pas le droit de pleurer, Lucy avait besoin de lui, de sa force. Il se retint et n’eut pas tant de mal que cela à le faire, car il n’était pas d’un naturel pleurnichard, il cligna plusieurs fois des yeux et c’était passé. L’esprit noir de pensées, il fourra son nez dans les cheveux de Lucy, inspirant fortement. Son parfum lui avait manqué. Il la serra encore plus fort après cette constatation. « Je l'ai tué. » De quoi parlait-elle, qui avait-elle tué ? Un animal, c’était pour cela qu’elle pleurait ? Et pourquoi s’excusait-elle, avait-elle tué le hibou d’Hermès ? Hermès était perdu… Oh mais bien sûr ! Elle parlait de son père. Le batteur ouvrit de grands yeux. Que racontait-elle ? Ça n’avait pas de sens. Il préféra ne rien dire, il ne pouvait se permettre de prendre le risque de dire une connerie à ce moment-là, il se tu. Et puis après tout elle avait beaucoup de peine, elle était étourdie, ne savait plus ce qu’elle disait. Il redoubla de caresses dans son dos et se permit de déposer un baiser sur le haut de son crâne. « C'est ma faute Hermès, j'aurais jamais du... » Du quoi ? Qu’avait-elle fait de si affreux qui puisse justifier sa culpabilité ? Elle n’avait jamais rien fait de mal, rien du tout. C’était absurde. « De quoi est-ce que tu parles Luly, tu as fait quoi de mal ? » Il avait beau réfléchir, il ne voyait pas, il n’était pas avec elle depuis ces dernière semaines, alors ses faits et gestes lui avaient échappés, mais il doutait qu’elle ait pu faire quoi que ce soit qui puisse entraîner la mort de son père tout simplement parce qu’elle avait traîné avec des obscurs. Il passa outre, jugeant à nouveau que ses mots dépassaient sa pensée à cause de la peine qui l’accablait. « Je suis désolé Lucy, c’est affreux ce qui arrive. » Il stoppa ses caresses dans le dos et serra ses bras sous les épaules de la rousse, pour lui montrer, lui démontrer qu’il était là, qu’elle comprenne que son soutien serait toujours disponible, rien que pour elle, pour lui faire comprendre par ce simple contact, anodin, tout ce qu’il ressentait. Il voulait que la force de son amour la console, il voulait qu’elle soit heureuse à nouveau, voilà ce qu’il voulait faire passer dans son étreinte, si possible il aurait fait passer sa vie par cette étreinte, quitte à la perdre si c’était pour son sourire à elle. Mais ce n’était pas possible, et tout ce qu’il pouvait faire c’était serrer fort, et attendre que sa peine passe. Parce qu’il n’y avait pas d’autres solutions dans ce genre de cas, surtout dans ce genre de schéma, où la mort était injuste. « Je suis là, je le serai toujours. » chuchota-t-il à l’oreille de la plus belle et la plus triste fille de ce château.

Ici, dans la salle des secrets, la légende voulait que tout ce qui s'y passait n'en sortait jamais, c'était ainsi depuis la nuit des temps. Un accord tacite, une loi invisible régissait chacun des événements qu'elle accueillait en son sein. Alors personne ne saurait jamais que la grande et forte Lucy, la nouvelle obscure de premier rang, s'était effondrée en larmes dans les bras d'un résistant pur et dur pour la mort de son père, figure des phénix et de la résistance contre le Lord. Personne ne saurait jamais qu'elle ressentait encore un certain attachement pour le blond, et personne ne saurait jamais qu'il serait toujours là pour elle, personne. C'était ainsi. Mais peu importait à Hermès, il se foutait que quiconque sache ou ne sache pas. À ce moment précis, tout ce qui le préoccupait c'était les bras de Lucy autour de ses épaules, la façon qu'elle avait de se laisser aller à cause de la tristesse, il la portait presque, elle était effondrée, anéantie. Elle avait perdu sa figure paternelle, l'homme qu'elle avait tant admiré, l'homme qui l'avait élevé, le premier qui l'avait aimée. Le premier qu'elle avait aimé. Il était mort, injustement, par la main de mangemorts sans morale et sans vergognes. Sur l'ordre de l'homme, de la vermine la plus dégoûtante du monde sorcier. Il avait subi le courroux du plus gros salopard de l'histoire de l'humanité, et celles qui en pâtissaient, c'était ses filles. Ses deux adorables filles, innocentes et encore si fragiles. Celles qui ne méritaient en aucun cas de devoir porter sur leurs frêles épaules le poids d'une tristesse morbide et accablante. Surtout Lucy, qui ne pouvait sûrement rien montrer. Fière obscure qu'elle était devenue, elle aurait du se réjouir de la petite victoire que vivait son parti. Sa nouvelle bande. Mais vraisemblablement, ce n'était pas le cas. Mais cela n'étonnait pas le Poufsouffle, Lucy avait un cœur, et il savait pertinemment l'amour qu'elle portait à l'égard de son paternel. Il la plaignait, profondément. Son rôle à lui dans tout ça, c'était de minimiser la peine, de la faire passer un peu plus vite. Son rôle c'était de faire en sorte que sa Lucy ne tombe pas dans une dépression noire et sans fond. Il ne supporterait pas de la croiser dans les couloirs, le regard sombre et vide cerclé de cernes. Il ne pourrait pas. Il serait toujours là pour lui éviter ce genre de désagrément, et le mot était faible. Mais toujours là, oui toujours et à jamais. « Non. » murmura-t-elle avant de se dégager avec force de l'étreinte de son meilleur ami. Ou son ex-meilleur ami. Il ne savait plus vraiment. « Non » ? pensa-t-il. Ses sourcils se froncèrent comme il écarquillait légèrement les yeux sous le coup de la surprise. Son « Mais si, je t'assure... » fût coupé dans son élan par le « Tu n'as pas compris, il ne faut pas ! » de la rousse. Effectivement, il ne comprenait plus, plus rien du tout. Elle essuya ses larmes d'un geste nerveux puis s'approcha à nouveau de lui, gardant une certaine distance tout de même cette fois. « Tu ne dois pas dire des choses comme ça. On en a déjà parlé la dernière fois. » Que devait-il dire alors, à une Lucy Weasley en pleure dans ses bras ? Qu'il s'en foutait ? Que la dernière chose qu'il voulait c'était l'aider ? La consoler ? Que faire en sorte qu'elle aille mieux n'était pas dans ses priorités ? Il ne pouvait pas lui mentir, pas plus qu'il ne pouvait se mentir à lui-même. « On peut plus être amis, pourquoi faut-il que tu t'accroches ? » Un rire lui échappa presque. Il avait passé les dernières semaines depuis leur affreuse dispute à éviter son regard, sa présence, son chemin pour respecter son choix, ces derniers jours avaient sûrement été les pires de sa vie, il avait fait ce qu'il pouvait pour la contenter mais c'était encore de sa faute ? « C'est ma faute, j'aurais pas du venir. » Il était à la fois d'accord et pas d'accord. C'était sa faute à elle, oui. Mais elle avait bien fait de venir, c'était ce qu'elle voulait au plus profond d'elle-même. De toute évidence. Et c'était ce qu'il voulait lui aussi, par-dessus tout. Il aurait tout donné pour retourner à l'époque heureuse ou tout trois, Théo, elle et lui étaient tous sains d'esprit, ensemble et insouciants à chasser les bestioles bizarres que voyait la blonde. Mais cette époque était tellement loin derrière eux qu'il finissait par se demande si elle avait bel et bien existé. « Écoute, je ferais mieux de partir. Merci pour ton soutien mais venir était une grossière erreur. » Et sans plus de cérémonie elle se retourna et s'en alla. Hermès resta bouche bée. « Alors c'est ça ? dit-il d'une voix tremblante. « Est-ce qu'on est condamné à se retrouver puis se perdre à chaque fois ? » C'était l'impression qu'il commençait à avoir. Ils prenaient une distance qui ne lui convenait pas. Ça ne leur correspondait pas, ce n'était pas eux. Ils étaient une seule et même personne, voilà tout. Elle était son âme sœur, qu'elle le veuille ou non, et le nier leur faisait du mal à tous les deux. C'était évident, la boule qu'il avait dans le ventre et les larmes de Lucy sur son épaule en étaient une preuve indéniable. « C'est pas ça que tu veux, et tu le sais très bien au plus profond de toi. » lança-t-il en désignant d'une main la distance qui les séparait. « Ce que tu veux c'est ça. ajouta le blond en montrant les traces humides qui maculaient son épaules. Ma présence. » Il se pinça l'arrête du nez. « Ces gens avec qui tu traînes, ils s'en battent les couilles de ta peine, et tu le sais aussi bien que moi. Vous ne partagez pas les mêmes convictions. » Il fit un pas vers elle. « Toi et moi c'est écrit quelque part, quoi qu'on fasse on se retrouvera toujours. Ce combat que tu veux mener à tout prix, mène-le avec moi. Je suis, j'ai toujours été et je serai toujours le meilleur allié que tu puisses trouver. » Ils étaient une équipe, la meilleure équipe qu'on puisse trouver, et cet élan qu'elle avait eu était sûrement la seule chose vraie qu'elle avait faite ou dites depuis qu'ils s'étaient retrouvé dans cette salle. « Je sais pas de quoi tu cherches à te protéger, ou même à me protéger, mais dans les deux cas j'ai des épaules assez fortes pour le supporter, pour toi ou pour moi. » Encore un pas vers elle, une main tendue, au sens propre comme au figuré. « Ce que tu traverses aujourd'hui va te poursuivre pendant un moment, et je suis le meilleur moyen que tu ai de passer à travers sans t’amputer d'une partie de ton cœur. Je suis fais pour ça, c'est mon rôle dans ce monde de merde, arranger les conneries qui s'y passent, les choses qui ne devraient pas être. » Il ne pouvait pas abandonner face à cette souffrance qui émanait d'elle. Il ne pouvait pas la laisser, il avait essayer et c'était un échec. « Laisse-moi tout comprendre, et on fera quelque chose de bien plus constructif que gâcher ta vie de cette façon, je te le promets. » Il savait qu'ils étaient capables de faire quelque chose de leurs quatre mains. « Et même si ça, ça ne te branche pas, laisse-toi au moins aller quelques minutes ici, ne repars pas dans ce château corrompu pour ravaler ta peine et que ça te détruise, tu es quelqu'un de beaucoup trop précieux pour le monde pour te laisser casser morceau par morceau par un homme, un monstre, qui ne cherche que ça. » Un dernier pas et il était juste devant elle. « Il gagne là, et toi tu perds tout, c'est un sacrifice qui te coûte trop, et... je t'aime trop pour te voir te désagréger sans rien dire... »

Rien n’était comme avant, rien du tout. Il commençait à ne plus en pouvoir, ses jours se déroulaient dans la plus complète des solitudes. Plus de Lucy, plus de Théo, plus de résistants car tous l’évitaient à cause du Code Phénix, plus de Lapins car Fred était parti, Albus était trop occupé à reconquérir les cœurs de sa bien-aimée et de sa famille et qu’il n’avait jamais vraiment été ami avec Adrian. Et le Quidditch c’était pareil, la moitié de l’équipe était partie de Poudlard, les chanceux, et personne ne se bougeait vraiment pour la remettre au complet. Donc plus vraiment d’équipe. Bref, plus personne. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui d’avoir passé la majorité de sa scolarité avec uniquement deux personnes, sans se faire particulièrement d’amis. Mais si seulement il avait su… Eh bien s’il avait su, il aurait sûrement recommencé exactement de la même façon, car il avait bien trop de bons souvenirs avec Les Indestructibles. Il aurait simplement changé quelques détails, histoire d’empêcher Théo de devenir folle et Lucy de devenir une obscure. Il ne savait pas comment il aurait fait ça, mais il aurait au moins essayé. Là, c’était trop tard. Tout du moins c’est l’impression qu’il avait face à cette rousse au tempérament de feu, anéantie par la peine. Elle était perdue, il le savait bien, il le voyait bien. Et il était cruel de l’obliger à réfléchir à tout ce qu’elle avait en tête, c’était dur pour elle, il le savait. Il savait aussi qu’elle agissait pour de bonnes raisons, bien qu’il ne les comprenne pas. Elle avait ses propres motivations, elle avait dû beaucoup y réfléchir, elle avait sûrement un plan, un bon plan connaissant Lucy. Mais ce qui le faisait souffrir, c’était d’imaginer qu’elle devait supporter ça seule, surtout en ce moment. L’autre chose qui le faisait souffrir, c’était d’être mis à l’écart par sa meilleure amie. Mais il fallait bien faire avec apparemment. Quoi qu’il arrive, il ne perdait pas espoir, il savait qu’un jour, tous deux se retrouveraient, c’était inscrit quelque part, il le présentait. « Laisse-moi m'en aller Hermès, s'il te plaît, je te le demande. Je t'en supplie même. Je ne veux pas te faire du mal, justement. » C’est ton absence qui me fait du mal ma Luly, juste ton absence. Tu me fais du mal chaque jour où je ne te vois pas, chaque jour où je te vois mais que je ne peux venir te faire un bisou, ou te taquiner, ou juste te parler. Mais peu importe, fais-moi du mal, je ferai avec, si c’est nécessaire pour le bon déroulement de ton plan. Oh, je sais bien que tu ne le fais pas exprès, que c’est la dernière chose que tu veux. Oui, j’ai bien compris que tout cela était dans le but de me protéger, moi et tous les autres, oui je commence à le comprendre. Mais ça me fait tellement de peine de devoir en passer par-là, et je suis tellement persuadé que le meilleur moyen serait d’unir nos forces. Mais tant pis. Aujourd’hui, je te laisse tranquille, inutile de te bousculer davantage, ni aujourd’hui ni les jours qui suivront. J’attendrais. « Je t'en prie, tu crois que c'est pas assez difficile comme ça ? Moi aussi je t'aime beaucoup trop pour te faire du mal et je sais que c'est ce que je fais mais... Il le faut et plus tu refuses de l'admettre et plus ça te fait mal et ça me tue. » Tous deux s’étaient bien compris finalement, comme d’habitude, ils finissaient par lire dans les pensées l’un de l’autre. Les deux Indestructibles savaient quels étaient les états d’esprit l’un de l’autre, mais étaient incapables d’approuver. Car chacun avait trop envie de préserver l’autre, et c’était sûrement la chose la plus importante, sur laquelle aucun ne pouvait faire de concession. « Toi avant moi, même si ça me coûte tout, point barre. » Essayez donc de forcer deux gros rochers à n’en faire qu’un seul, vous pourrez les appuyer l’un contre l’autre autant que vous le souhaiterez, ils se casseront avant de se lier. Lucy et Hermès, dans le cas présent, c’était pareil. « Je sais très bien que tu me soutiendrais si je te racontais, tu as toujours été comme ça. Et oui ça serait facile de me reposer sur toi mais justement je ne le veux pas. Je ne peux assumer ce poids-là. » Évidemment. Il n’en attendait pas moins. Il était résigné. Il ne pouvait se résoudre à pousser encore le débat, sachant très bien que plus il la pousserait dans ses retranchements, plus elle serait perdue, plus elle aurait de la peine. Alors soit, il ferait avec, il la préserverait au moins de cette façon. En acceptant sa position, même si au plus profond de lui, rien ne changeait vraiment, et rien de changerait jamais. Parce que, qu’il le veuille ou non, il était comme ça, et il n’était pas du genre à se mentir à lui-même. « S'il t'arrivait quelque chose par ma faute, je m'en remettrais jamais ! » Et lui donc. Si, un jour, parce qu’aujourd’hui il avait accepté d’abandonner le combat, il lui arrivait quelque chose à elle, il vivrait pour toujours avec ce poids, et jamais il ne passerait à autre chose, jamais, car il était incapable de laisser les gens se débrouiller seul, et surtout incapable d’oublier Lucy Weasley. Il était resté immobile tout ce temps, ne sachant quoi faire, il n’y avait rien à faire. Mais maintenant qu’elle avait cessé de parler, qu’il la voyait toute chancelante, perdue, malheureuse, la seule chose qu’il voulait faire, c’était la prendre dans ses bras. Quitte à se faire rejeter une fois de plus, il ne pouvait la laisser comme ça, ça n’aurait pas été digne de lui. Il s’avança donc lentement, tendant les bras au fur et à mesure qu’il franchissait la distance qui les séparait. « J’ai compris Lucy. Moi non plus je ne pourrais jamais me le pardonner dans le cas contraire, mais d’accord. Si c’est ce que tu veux, je vais te laisser mener à bien tes plans, je ne serai plus sur ta route. » Tout ce qu’il voulait, c’était qu’elle aille mieux, quel qu’en soit le prix. Jusque-là, c’était la protéger de tout et n’importe quoi, du monde entier s’il le fallait. Jusque-là c’était être à ses côtés, ne pas la lâcher. À partir de maintenant, ce serait s’effacer, éviter de l’entraver. Ne pas encombrer sa route, se faire discret. Mais malgré tout… « Mais quitte à ma répéter, et ça jamais je ne pourrai y changer quoi que ce soit, même si je le voulais très fort : je serais toujours là pour toi. Si tu veux, on ne se fréquentera plus, d’accord, mais à la moindre envie que tu auras de me voir, le moindre besoin, quel que soit le moment, je serai toujours là, parce que je t’aime. » Pendant ces paroles, il avait effectués les quatre ou cinq pas qui le séparaient de sa meilleure amie, les bras maintenant tendus. Il était face à elle mais ne la touchait pas, c’était à elle de décider. « Maintenant, oublions cela pendant quelques temps, et après on retournera à la normal, je ne te parlerai plus, je n’existerai plus, nous ne serons plus amis. Mais là, tu dois te laisser un peu de temps, tu redeviendras une guerrière plus tard, il esquissa un sourire désolé, pour l’instant viens là. » Son père n’était plus de ce monde, elle devait avoir une rage et une peine gargantuesque au fond d’elle, et ils étaient là à parler de leurs plans, de leur amitié, de choses futiles comparées à la perte d’un être cher. C’était idiot. Tout ce qu’l voulait, c’était la laisser lâcher du lest, pour repartir un peu plus légère, même si bien sûr, il lui faudrait plusieurs années pour digérer cette perte, et dix fois plus de temps encore pour digérer les raison de cette disparition, à supposer qu’elle s’y fasse un jour.

Ce geste, c’était le dernier espoir. La dernière chance. La dernière main tendue. Autant pour elle que pour lui. Si elle le refusait, lui n’en tenterait aucun autre, il était un homme d’honneur, il avait promis, il ne changerait pas d’avis. Seulement, si, effectivement, elle le refusait, cela le frustrerait terriblement, il n’aurait pas cette dernière étreinte, celle qui scelle le lien. La tendresse de l’adieu. Si elle tournait les talons et partait sans un mot de plus, ce serait ainsi que se terminerait leur histoire. Pas vraiment une fin heureuse. Même s’ils n’étaient qu’amis. « Qu'amis »... Non, ils étaient bien plus que cela, ils étaient deux parties d'un même tout sur le point de se quitter à jamais. Peut-on imaginer la douleur de cet instant ? Face aux bras que lui tendait Hermès, Lucy préféra serrer sa main droite de la sienne. Le cœur du blond fit un salto. Elle refusait. Elle refusait leur adieu. Logique en fait. Logique mais si difficile à encaisser. Cependant il devait être fort, il devait être Hermès, pour faciliter les choses à Lucy, si elle ne voulait pas d'effusion dans les adieux, c'était son choix, il le respecterait. « Merci Hermès de faire ça, merci. » Chuchota la rousse. Il voulu lui répondre qu'elle n'avait pas à le remercier, mais il avait à peine la force d'ouvrir la bouche, les mots de Lucy renforçaient encore le poids de sa promesse. Il lui disait au revoir, peut-être à jamais. Il fronça les sourcils, incapable de faire autre chose que se rembrunir encore face à son âme sœur qui le quittait définitivement. Comme ce mot était incisif dans son esprit. Il lacérait chaque morceau de son palpitant, de façon à être bien certain que jamais il ne pourrait oublier cet instant pénible où il aurait ce dernier contact avec la Weasley. Prenant peu à peu encore plus conscience de tout ça – non pas qu'il n'ait pas déjà compris au moment où il avait promis, simplement elle prenait davantage de dimension au fur et à mesure que le départ de Lucy approchait – Hermès s'appliqua à enregistrer chaque détail du visage de son amie, la façon qu'elle avait d'ouvrir grand les yeux quand il l'étonnait, ses lèvres qui se pinçaient à chaque contrariété, ses sourcils qui se fronçaient sous la peine... Et alors qu'il se perdait dans ses contemplations, sa meilleure amie se jeta enfin à son cou. Il en fut presque surpris, ayant oublié ses bras encore tendus. Mais la surprise laissa vite place à l'apaisement. Voilà, Lucy dans ses bras, la seule chose dont il avait besoin pour aller bien dans son petit monde. Là il oubliait tout. Sa promesse. Les difficultés. La vie qui craignait au dehors. L'absence définitive de son âme sœur à venir. Il oubliait tout. Il aurait voulu que cette insouciance qui le prenait soudain soit éternelle, mais les lèvres de la Poufsouffle à quelques centimètres de son oreille le ramenèrent à la réalité. « Ne laisse personne te changer et fais attention à toi Hermès. » Ces derniers mots étaient comme une serrure qu'on verrouille, ils marquaient clairement la fin du film. Hermès serra la mâchoire et préféra se taire, il avait déjà pleuré une fois devant Lucy, une deuxième serait clairement de trop. Cependant elle n'avait pas de soucis à se faire à ce propos, elle savait parfaitement que rien ni personne ne pourrait jamais le changer, il était bien trop authentique et à la fois bourrin pour être influençable. Elle déposa un baiser sur sa joue, il ferma les paupières et fit de même. Elle sortit. Voilà. Elle était partie. Et à partir de maintenant, il n'avait plus le droit à un mot, à un regard, à un sourire. Leurs années d'amitié, les six dernières et meilleures années de sa vie n'étaient plus rien d'autre que du passé. Voilà ce qu'il devait bien garder en tête avant de sortir de cette pièce à son tour. Il attendit quelques minutes, pour être bien certain de ne pas croiser Lucy sur le chemin puis il quitta la salle des secrets, cet endroit qu'il ne voulait jamais revoir à l'avenir. Arrivé dans le parc par cet après-midi pluvieux, il laissa la nature le traiter comme elle le voulait, plus rien n'avait d'importance si ce n'était toutes ces choses qu'il avait dans la tête. Il s'assit sous un arbre et attendit que les froid, le vent et le temps efface un minimum la douleur qui lui tordait le ventre. Il attendit jusqu'au soir, mais rien n'y fit. Lorsqu'il s'allongea dans son lit vers minuit et demi, trempé jusqu'aux os, il ne répondit pas aux questions de ses compagnons de dortoir et fixa le plafond. Toute la nuit.