Taylor s’activait dans son appartement. Les élèves étaient toujours aussi insupportable, les professeurs n’étaient pas toujours tous compétant, le Lord était toujours déchaîné et ne semblait pas s’être suffisamment satisfait de l’hécatombe de l’été. Alors pour se calmer elle rangeait ses affaires. C’était la première fois qu’elle faisait une chose de la sorte. D’habitude elle s’arrangeait toujours pour se calmer autrement : elle torturait des élèves, passait ses nerfs sur Jeremiah… mais depuis l’épisode de la visite de l’appartement dans Londres, elle n’avait plus autant envie de tuer tout ce qui bougeait. Comme si quelque chose de bon avait germé dans son cerveau. Se pouvait-il qu’elle devienne aimable et sensible ? Peut être, même si on en était encore loin pour l’instant. Elle leva sa couette et remarqua une tâche de poussière. Elle ferma les yeux et essaya de se souvenir de la formule magique, mais son esprit lui fit défiance. Il fallait dire qu’elle travaillait activement pour devenir professeur de sortilège et que ce n’était pas ce genre de sortilège qu’elle allait apprendre à ses élèves. Or, comme elle ne les utilisait que très rarement, ils ne lui restaient pas en tête. Elle feuilleta rapidement le livre Sortilège en ménage posé sur sa table de nuit -magnifique jeu de mit il fallait le souligner- et finit par trouver la bonne page. Elle soupira, les sorcières qui avaient inventé ce sortilège semblait réellement en manque d’amusement car tous comportaient un jeu de mot ou un geste ridicule à faire. Elle leva les yeux au ciel mais lança le sortilège qui s’effectua illico. Elle reposa sa couverture et enleva quelques culottes et strings qui traînaient. Depuis quand n’avait-elle pas fait son lit ? Elle n’en savait rien, elle s’amusa à la lancer un à un dans la corbeille à l’autre bout de la pièce. Evidemment aucun n’atterrit dans le panier et elle eut recourt à la magie pour qu’ils finissent au bon endroit. Elle s’attaqua ensuite au mouton de poussière qui reposaient tranquillement et sereinement sous son lit. Quelques minutes plus tard elle décida de s’intéresser à la salle de bain. Sur les tas de gel douche et crème qui traînaient, tous étaient à moitiés remplis. Comme si la blonde en rachetait à longueur de temps sans se soucier de leurs quantités originelles. Elle tenta de les renverser l’un dans l’autre et eut finalement recourt une fois de plus à la magie. Elle avait décidé de faire travailler d’abord ses mains pour que ce soit plus long et surtout pour penser à autre chose, mais la magie était tellement puissante et pratique qu’elle abandonnait bien vite son idée première. Après quelques instants dans la salle de bain crade, elle se mordit la lèvre et … lança le système d’auto nettoyage. Quelle ne fut pas sa frayeur quand elle se rendit compte que sa baguette était dans le mauvais sens et qu’elle se prit toute l’eau dans la figure. Pourtant, elle avait fini par améliorer son humeur et au lieu de s’énerver contre sa baguette, c’est un éclat de rire qui emplit la maisonnée. Trempée et dégoulinante, elle finit par abandonner l’idée de nettoyage et se dit que bientôt elle déménagerait et qu’elle serait alors tranquille car Jeremiah ou leur futur elfe s’en occuperait. Elle quitta la pièce et, enleva tous ses vêtements pour sécher un peu. Elle travers l’appartement pour s’allonger mollement dans le canapé et tenter d’apprendre encore plus de sortilèges. Après tout, elle devait être incollable. Même si elle était mangemort, compétente et de base ; douée, il fallait qu’elle soit irréprochable. C’était un trait de sa personnalité. Elle parcourut le livre Magie noire et Sortilèges démoniaques afin de connaître chaque paragraphe par cœur -ce dont elle n’était plus très loin. Elle finit par s’endormir, en sous-vêtement, sur son canapé, épuisée par le ménage.

Un coup de sonnette prolongée la tira activement de son sommeil. Elle ouvrit un œil, puis l’autre, et regarda son appartement. Presque aussi mal rangé qu’au début de son ‘ménage’ mais c’était normal, elle n’avait pas encore touché au salon. Un second coup de sonnette lui fit lever les yeux au ciel et attrapa sa petite couverture dans laquelle elle s’enroula du mieux qu’elle le put. En trois enjambées elle avait atteint la porte. Une porte magique -évidemment- qui lui permettait de voir à travers alors que l’autre côté était plongé dans l’invisibilité. Elle vit tout de suite Jeremiah et un sourire s’étala sur ses lèvres. Elle lâcha la couverture et ouvrit la porte. « Bonjour monsieur, avez-vous les pizzas commandées ? » lança-t-elle, l’air de rien, à moitié à poil. Seulement lorsqu’elle croisa le regard du jeune homme, un élan de tristesse lui fendit le cœur. Que se passait-il ? Pourquoi n’était pas sérieux comme normalement ? Pourquoi n’avait-il pas cette assurance qu’il portait toujours ? Que faisait-il de son masque d’impassibilité ? Quel était l’événement si touchant pour qu’il se laisse aller de la sorte ? Elle entrouvrit la bouche pour tenter de dire quelque chose, mais rien ne vint. Elle ne pouvait pas, elle ne savait pas quoi dire. Pour réconforter elle n’était pas douée. Les pleurs, elle détestait. Alors que devait-elle faire ? Perturbée par la situation, elle ne put que lâcher sèchement. « Alors ces pizzas ? » Ce ton traduisez son mal-être. Il allait devoir la guider car d’instinct elle ne savait pas que faire. Elle essaya de réfléchir et se souvint que l’instant où elle avait perdu son courage, la main de Jeremiah posée sur son épaule lui avait donné la force de se relever et de passer à autre chose. Peut être qu’elle devait faire cela ? Elle tendit le bras et se sentit ridicule, mais continua son geste pour atteindre l’épaule du jeune homme. Voilà, maintenant elle se savait complètement ridicule, ce geste-là n’était pas naturel. Un courant d’air lui rappela sa petite tenue et surtout le lieu dans lequel ils se trouvaient et, trouvant enfin une occasion pour enlever ce bras maladroit, elle se décala sur le côté. « Euh, bah, entre, reste pas là. » Elle referma la porte derrière lui et attendit qu’il réagisse.

Cela faisait un petit moment que Jeremiah était devant la porte de Taylor. Il ne savait pas s'il devait rentrer, si c'était une bonne chose. Son cœur pourtant l'avait emmené jusque-là parce que la vérité c'est qu'il avait besoin de réconfort. Totalement perdu, il ne savait même plus ce qu'il devait faire maintenant. Il n'avait plus le contrôle de lui-même et surtout de ses émotions. Il avait besoin qu'on le prenne dans ses bras, qu'on lui dise que tout irait bien parce qu'à ce moment-là il était désemparé. Et il avait besoin d'une seule personne pour cela. Il ne voulait personne d'autres que Taylor. C'était donc cela l'amour, hein ? Pas qu'il ne doutait qu'il aimait Taylor, il pouvait en témoigner depuis longtemps. Ne l'avait-il pas demandé en mariage ? C'est juste qu'il découvrait une facette de l'amour qu'il n'avait jamais connu auparavant : un besoin de l'autre viscéral. Jamais encore dans sa vie il n'avait eu besoin de quelqu'un comme cela. C'est vrai il avait toujours pu se débrouiller seul, affronter toutes les situations tout seul. Il avait souffert, il s'était pris des bâches mais ce soir c'était totalement différent. Et dans un sens ça lui faisait peur. Dépendre de quelqu'un comme ça, ce n'était pas sain. Il aurait voulu se donner une claque et se dire « Pauvre type, remet-toi, rentre chez toi et calme toi. Depuis quand t'as besoin de quelqu'un ? » seulement ses paroles n'auraient aucun effet sur lui et son mal-être. Au fond du gouffre, il était. Il avait besoin de lumière et la lumière, c'était Taylor, leur amour. Seulement est-ce qu'il était assez fort ? Ou du moins, ce n'était pas la force de leur amour qui était remis en question mais plutôt la capacité à l'exprimer car Jeremiah avait beau aimé Taylor de tout son être et être sûr de la réciprocité, il ne savait pas si Taylor pourrait l'aider. C'était con, hein ? Mais leur histoire était tellement compliqué, ils n'étaient tellement pas préparés à gérer ce genre de situations que Jeremiah avait peur qu'en débarquant chez Taylor comme ça, il ne lui fasse que peur. Oui que dépassée par les événements, elle ne s'éloigne de lui. Si avec sa connerie, il la perdait ? Mais c'était quoi cette connerie ? La faiblesse, ressentir quelque chose. Voilà la cause de toute cette tourmente qui envahissait son âme et son corps. Putain pourquoi devait-il souffrir ? Pourquoi ? De toute manière, pouvait-on expliquer pourquoi l'on souffrait ? Non, c'était comme ça. La vie avait choisi de tuer son meilleur ami ce soir-là, il devait s'adapter ou bien il ne pourrait pas avancer. Plus facile à dire qu'à faire. Lui qui avait toujours répugné la faiblesse, elle le frappait de plein fouet. Personne n'était épargné alors, voilà qui changeait bien des choses. Pauvre chose, perdre son impassibilité naturelle, c'était dur.

On ne lui avait jamais appris à gérer la souffrance alors pas étonnant qu'il n'ait aucune idée de comment faire. Depuis qu'il était né, on l'avait épargné. Il avait grandi dans une sphère dorée, il faisait mal mais ne recevait jamais de grands coups. Protégée, voilà ce qu'avait été sa vie. Alors à vingt-sept ans, se prendre un coup comme ça, il fallait avouer que ça explosait tout ce que vous pouviez avoir construit. Il n'y avait plus de barrières, rien, juste un immense gouffre. Les choses n'étaient pas sensées se passaient comme ça. C'est vrai, c'était juste une petite mission, un jeu d'enfant pour Declan et Jeremiah. Mais non la vie avait décidé de tuer Yaxley. Jeremiah n'avait rien pu faire, enfin avait-il pu ? Peut-être que c'était juste parce qu'il n'était pas assez fort. Il avait abandonné son meilleur ami, au pire moment et maintenant il était mort. Il allait devoir vivre avec ça mais c'était impossible, la peine était trop grande, la culpabilité aussi. C'est pour ça qu'il avait besoin de Taylor. Il avait besoin qu'elle enlève cette culpabilité sinon il allait mourir. C'était aussi simple que cela. Étrange comment dans ce genre de cas, les possibilités étaient limpides comme l'eau de roche. Jeremiah inspira donc un grand coup et appuya sur la sonnette. Ça aussi ça n'était pas logique. Il n'appuyait plus sur la sonnette, il rentrait directement chez Taylor mais là comme s'il avait besoin de sa permission.

Il attendit un instant et toujours rien, elle n'était pas chez elle ? Pourtant d'ordinaire, elle n'y était pas. Qu'est-ce ? Jeremiah était en train de perdre sa volonté à chaque moment qui s'écoulait. Il trouva tout de même la force d'appuyer une seconde fois. Si jamais elle n'arrivait pas, il partirait. Hors de question de rester là tel un malpropre. Malgré tout, Jeremiah avait sa fierté et ça lui coûtait énormément d'être là, déjà. La porte s'ouvrit alors laissant apparaître Taylor en très tenue très légère. Dans un autre moment, Jeremiah aurait été comme un petit fou mais là il était juste pas dans l'état pour. « Bonjour monsieur, avez-vous les pizzas commandées ? » Quoi ? Quelles pizzas ? Jeremiah avait imaginé pleins de choses lorsque cette porte s'ouvrirait mais très certainement pas à cela. Il était complètement déstabilisé là, pas qu'il ait préparé l'intervention mais il ne savait absolument pas ce qu'il devait dire ou faire. Peut-être qu'il devait aller chercher des pizzas en fait ou revenir. Visiblement elle attendait une venue qui n'était pas la sienne. Jeremiah arrête d'être con, s'il te plaît. Le silence se fit entre eux, l'un et l'autre étaient incapables de trouver les bons mots. « Alors ces pizzas ? » Toujours ces pizzas, pourquoi ? Maladroitement, elle posa alors sa main sur son épaule. Jeremiah commença alors doucement à se reprendre. Elle essayait, il fallait qu'il essaye lui aussi. C'était sûrement aussi dur pour elle que pour lui. Elle finit cependant par l'enlever. C'était peut-être trop pour elle ou il ne savait pas. Il faut dire il avait du mal à comprendre pour le moment. « Euh, bah, entre, reste pas là. » Jeremiah obéit machinalement et Taylor referma la porte derrière eux.

L'appartement de Taylor était un endroit chaleureux. En tout cas Jeremiah l'avait toujours vu comme ça, ce qui n'était pas le cas de son appartement à lui qui faisait froid. Il faut dire tout était en place, pas un truc qui ne clochait pas, très épuré et manquant un peu de personnalité. Contrairement à celui de Taylor qui était souvent désordonné, ce qui était le cas ce soir-là mais au moins il y avait de l'âme. Jeremiah mit alors les mains dans ses poches et se décida à parler, d'une toute petit voix. « Je, hum, je suis désolé. Je savais pas si je pouvais passer, je veux pas te déranger mais je voulais venir. » Il se tût scrutant la tête de Taylor pour voir sa réaction mais rien. Elle ne parla pas, ne bougea pas. Il semblait donc que c'était à lui de poursuivre. Quoi faire ? Peut-être que le mieux c'était directement d'aller à l'essentiel au lieu de se donner des excuses, demander des permissions, etc. « J'avais une mission avec Declan aujourd'hui pour le Lord. On... » Il ne put alors continuer. C'était dur. Il l'avait pourtant déjà dit à Zahara ce qui était très certainement la personne à qui l'annoncer la plus difficile. Jeremiah décida alors de se ressaisir dans un petit moment de bravoure. « Declan est mort, tué par des membres de l'Ordre du Phénix. » Il l'avait annoncé cash. C'était pas si dur enfin de compte, non ? Mais bien que ça semblait être facile du fait qu'il l'ait dit d'une traite, ce n'était pas du tout le cas. Mais Jeremiah n'était pas quelqu'un à la base expressif et surtout pas avec ses émotions. Jamais pas même pour Tamara ou même Taylor. Personne. Tout ce qu'il put dire dans un murmure fut : « J'ai, j'ai rien pu faire. » Taylor savait que Declan était son meilleur, qu'ils étaient vraiment très proches. Jeremiah connaissait beaucoup de gens, avait des relations cordiales avec quasiment tous mais des amis il en avait très peu. Et des amis comme Declan, il n'en n'avait eu qu'un et maintenant il était mort.

Les deux amants se retrouvèrent face l’un à l’autre et les mots ne sortaient pas. Cette situation n’avait jamais été vécue et leurs cœurs de pierres ne savaient pas comment réagir. Taylor était sûrement encore plus perdue que Jeremiah, car lui l’avait déjà vue pleurer, lui l’avait déjà réconforté et il avait déjà dû pleurer une fois dans sa vie. Taylor elle n’avait jamais calmé de crise, ne possédant ni frère ni sœur, ayant un père absent et une mère invisible, elle n’avait pas réellement soutenu des personnes depuis bien longtemps. Avoir se retrouver face à l’homme qu’elle estimait le plus au monde, mal en point, était une chose bien trop dur. Sans qu’elle sache pourquoi, elle tenta l’humour. L’expérience lui apprit que décidément faire des blagues n’était pas fait pour elle. Elle n’était réellement pas douée pour cela et n’avait aucune idée du moment opportun où il fallait les utiliser. Elle finit donc par le laisser entrer dans son appartement en se taisant. Elle referma la porte derrière l’homme et attrapa un tee-shirt qui traînait par terre. Sûrement sale et un peu trop grand, mais c’était mieux que rien. Elle tenta de l’enfiler, elle avait bien saisi que ce n’était pas l’heure à cela non plus. « Je, hum, je suis désolé. » La voix du mangemort l’a surpris alors qu’elle était en train de chercher le trou pour la tête de son tee-shirt. Elle se dépêcha de le mettre enfin, tant pis s’il était à l’envers. Même si l’étiquette risquerait de la gratter. Tant pis, elle ferait l’échange dans quelques minutes quand il irait au toilette ou quoique ce soit. « Je savais pas si je pouvais passer, je veux pas te déranger mais je voulais venir. » Un mince sourire se forma sur les lèvres de l’ancienne langue-de-plomb et elle lui répondit sur un ton égal -c’est-à-dire un murmure presque inaudible- « Tu ne déranges jamais, tu sais bien. Je faisais … hum du ménage. » La fin de la phrase avait eu du mal à sortir de sa gorge tant ce n’était pas flagrant. Ce bordel devait le gêner, elle ne l’aidait vraiment. La blonde était presque en train de culpabiliser. Soudain, sans transition aucune, le jeune homme annonça l’objet de sa visite. Si la demoiselle n’avait pas l’habitude des convenances et préférait aller directement au but au lieu de tourner autour du pot, elle fut tout de même un peu étonnée de rester debout et de ne rien pouvoir faire. « J'avais une mission avec Declan aujourd'hui pour le Lord. On... » La blonde acquiesça, cela elle le savait, elle-même avait eu une mission avec Zahara quelques jours auparavant et tout ne s’était pas bien déroulé, mais là n’était pas le sujet. Elle fronça les sourcils, inquiète. Jeremiah n’avait pas l’air blessé, quelque chose l’avait pourtant détruit de l’intérieur. Elle ne voulait pas tirer de conclusion, mais elle avait peur de la suite de la phrase. Elle savait que c’était quelque chose de difficile puisqu’il n’arrivait pas à parler. Elle fit un geste amical de la tête, pour l’encourager à continuer car elle ne savait pas quoi faire d’autre. Elle voulait l’aider pourtant. « Declan est mort, tué par des membres de l'Ordre du Phénix. » C’était sorti. La conclusion qu’elle ne voulait pas envisager -même si elle ne le connaissait pas si bien-, la conclusion qu’elle espérait ne pas être la bonne. Merde. C’était la seule injure qui lui venait en tête. Il ne pouvait pas mourir, non. Declan était le bras droit du Lord, c’était un homme doué, un excellent mangemort, tué par ces brêles de l’Ordre. Oh putain. Taylor en perdait son contrôle pourtant c’était à elle de consoler Jeremiah, pas l’inverse. Perdre un soldat du Lord n’était jamais une chose aisée, mais l’histoire était encore plus horrible quand c’était quelqu’un de confiance. Bordel. Elle inspira profondément, incapable de trouver une parole pour soutenir son fiancé. « J'ai, j'ai rien pu faire. » C’était la phrase qui trahissait l’amour de Jeremiah pour Declan. Certes Taylor le savait déjà mais le voir dans cet état était tout simplement horrible. La mangemort aurait aimé ne jamais vivre cela. Puis elle se rendit compte qu’elle l’avait déjà vécu : elle avait perdu Taylor et son père. Certes, la blonde n’avait pas été présente sur le lieu du crime, mais elle avait vu les deux corps, elle avait ressenti une haine intense pour le monde moldu, pour les meurtres… et avait décidé d’y rentrer encore plus pour se venger. Alors que là, Jeremiah faisait le choix de la tendresse et du réconfort. S’il venait la voir, c’était bien parce qu’il cherchait son soutien. Avec toute la douceur dont elle était capable, Taylor attrapa la main du jeune homme et l’enveloppa dans la sienne. « Tu ne pouvais pas faire plus que ce que tu as fait. » Une phrase un peu incompréhensible, mais qui se voulait gentille. Elle voulait lui montrer qu’elle le soutenait. « Ce n’est pas pour ramener tout à moi, mais … je comprends tu sais. Quand je suis arrivée et que j’ai vu mon père couché sur le sol. Je. » Elle se croyait insensibilisée. Cela faisait bien longtemps qu’elle avait vécu cette scène, mais voir Jeremiah dans cette position, le voir aussi affecté et repenser à l’horreur qu’est la mort, la rendait faible. La suite de sa phrase s’était perdue dans ses cordes vocales. Elle ferma les yeux qu’elle rouvrit bien vite pour offrir un regard sûr et déterminé à Jeremiah. « Je ne suis pas douée pour ça, mais je veux juste te dire que je te soutiens. Et que je t’aime. » Ce n’était pas un mot qu’elle employait souvent, cet amour, même si évident, ne s’exprimait que rarement par des mots. Aujourd’hui, c’était un jour où il fallait qu’il transparaisse, car la vie est si courte qu’il ne faut pas regretter ces paroles non dites, ces instants gâchés, ces jalousies, ces colères idiotes. Elle attira le jeune homme dans ses bras et le serra. Ni trop fort, ni trop peu, juste ce qu’il fallait. Collée à son oreille, la blonde entrouvrit la bouche pour chuchoter. « Il me reste du thé si tu veux boire quelque chose de doux et on peut faire de la place sur le canapé pour s’asseoir s’il le faut. » Elle était comme gênée de proposer ça, mais c’étaient ce que les gens avaient l’habitude de faire dans ce genre de situation. Après quelques secondes de silence, elle rajouta. « Et puis tu peux dire tout ce que tu veux, je t’écoute. » Peut être n’avait-il pas envie de parler ? Mais elle lui proposait tout de même, mieux valait prévenir que guérir. La surveillante resta encore collée contre lui, certes il était plus grand et c’était donc son visage qui était enfonçait dans son cou, mais au moins elle lui partageait son amour par cette caresse commune.

Declan mort, même cette affirmation semblait impossible, bancale comme si c'était quelque chose qui ne pouvait arriver. Jeremiah l'avait toujours vu comme ça, peut-être parce qu'il était dans un cercle privilégié. Declan et lui étaient des mangemorts, fils de bonne famille, appréciés à qui tout semblait réussir. Ils ne pouvaient tomber mais voilà que Declan lui était tombé aujourd'hui venant bouleverser tout le petit monde de Jeremiah. À travers la chute de Declan, il commençait à percevoir la sienne. Elle semblait s'être rapprochée ou même plus, être tout simplement apparue. Comme s'il avait une épée de Damoclès au dessus de la tête. Le danger était là, bien présent. Et pour la première fois de sa vie, il se semblait terriblement exposé. Il était... fragile ? Non il ne pouvait être fragile, il était Kriss Jeremiah McGregor. On ne pouvait l'atteindre, non ? Taylor lui prit alors la main. Il se tourna vers elle. Elle était encore là, elle. Le serait-elle toujours ou tel Declan, elle tomberait aussi ? Le fait d'imaginer Taylor mourir le mortifiait. Non, il ne pourrait pas vivre après cela. Mourir lui semblait être moins cruel que de devoir faire avec la mort de Taylor. Mais Taylor n'était-elle pas intouchable aussi ? Et alors, Jeremiah pensa au fait qu'elle faisait parti de la brigade et que par conséquent, elle était constamment exposée au danger. Elle devait arrêter, Jeremiah ne pouvait pas vivre avec une telle dose d'inquiétude mais elle refuserait de quitter la brigade. De toute manière, elle ne pouvait pas. Le Maître avait décidé, il se fichait bien des inquiétudes de Jeremiah. C'était trop pour lui. « Tu ne pouvais pas faire plus que ce que tu as fait. » Vraiment ? Il lui semblait aussi mais il fallait sûrement un avis objectif, sauf que personne ne pouvait témoigner. Seul les membres du Phénix présents pouvaient le dire mais ils ne les avaient pas sous la main. De plus, Jeremiah ne s'abaisserait sûrement pas à leur demander. Ces traîtres ne méritaient qu'une mort longue et douloureuse. Rien de plus mais rien de moins non plus. Les tuer rapidement serait trop miséricordieux et ce n'était vraiment pas le genre de Jeremiah et puis de toute façon, il n'allait pas les tuer. Il avait promis à Zahara de le lui laisser cela. Elle avait sûrement plus besoin de cela que lui. « Ce n’est pas pour ramener tout à moi, mais … je comprends tu sais. Quand je suis arrivée et que j’ai vu mon père couché sur le sol. Je. » Taylor faisait des efforts. Jeremiah avait du mal à assimiler toutes ces informations mais il voyait bien que c'était difficile pour elle mais elle essayait tout de même, sûrement parce que c'était lui. C'était ça l'amour ? Pas le plus beau techniquement mais dans les faits, n'était-ce pas le plus joli ? Celui qui est présent dans les épreuves les plus difficiles. Jeremiah aurait pu se montrer affectueux s'il n'avait pas trop mal. La voir souffrir ne lui procurait aucun bien. Il aurait tenté de la soulager s'il avait tous ses moyens mais il ne pouvait juste pas. Il avait besoin de se remettre lui-même d'abord.

De toute manière, Taylor se reprit assez vite. Peut-être qu'elle était la plus forte d'eux deux au final. C'était même quasiment sûr après tout ce qu'il avait pu lui faire endurer. Après tout, des deux, c'est lui qui avait envoyé l'autre à Ste Mangouste. Repenser à cela le faisait toujours frissonner. Il était un monstre. Il ne méritait pas qu'on s'inquiète pour lui et pourtant elle le faisait. Ah c'était trop. Elle était bien trop bonne pour lui. « Il me reste du thé si tu veux boire quelque chose de doux et on peut faire de la place sur le canapé pour s’asseoir s’il le faut. » Du thé ? Voulait-il du thé ? Il n'en savait trop rien. Est-ce que ça pourrait l'aider dans quelque chose ? Il n'en n'était pas vraiment sûr mais en même temps ce n'était pas comme s'il était spécialiste de ce genre de situations. Il était clairement dépassé par celle-ci. Il ne savait donc pas ce qu'il devait faire. Ça le mettait énormément mal à l'aise, ça aussi. D'habitude c'est vrai, il savait toujours quoi faire. Ce n'était vraiment pas son jour. « Et puis tu peux dire tout ce que tu veux, je t’écoute. » Avait-il envie de parler ? Là encore il ne savait pas. Elle nicha alors sa tête dans son cou. Jeremiah ferma alors les yeux.  S'abandonner n'était-ce pas le mieux qu'il pouvait s'offrir ? Peut-être. Il vint alors placer ses mains dans le dos de Taylor pour la serrer tout contre lui. Geste tendre mais il en avait besoin. Ils restèrent silencieux comme ça quelques instants. Ne pas parler semblait être la meilleure des choses à faire pour le jeune homme. Mais il savait pertinemment que ça ne pourrait pas durer indéfiniment. « Merci pour le thé mais non merci. » Même dans la douleur, il restait poli, admirez la personne. « Mais je veux bien qu'on s’assoit. » Il écarta alors les bras pour qu'elle se libère de lui mais lui prit la main pour la guider jusqu'au canapé. Il hésita à la prendre dans ses bras mais il ne savait pas trop si elle le souhaitait alors il s'abstint.

Il avait bien envie de parler de quelque chose mais il avait peur de ne pas assumer, de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout. « Je n'avais jamais eu à faire avec la mort d'un proche avant sauf... » Il avait peur de dire son nom parce qu'il avait peur que ça foute le bordel entre eux. Il n'en n'avait jamais parlé à personne avant elle mais ce n'était pas pour autant qu'il allait en parler tout le temps. Il préférait taire son nom, c'était sans doute préférable. « Pourtant j'en ai tué des gens, tout le monde sait que je ne suis pas un enfant de cœur. J'ai fait ce que j'avais à faire, je ne regrette pas. » Même toutes les rousses, Jeremiah ? Stop, il avait arrêté depuis déjà un petit moment mais il devait bien avouer que ce soir, il irait bien en tuer une pour se soulager. Mais il était ici, est-ce que ça voulait dire qu'il était vraiment en train de changer ? Que Taylor était la solution à tous ses maux ? Il ne fallait peut-être pas crier victoire trop vite. « Je me dis que la mort est plus proche qu'on ne le croit, je... me dis qu'on est pas si intouchable que ça. » Il fit une pause avant de rajouter. « Et ne te moque pas s'il te plaît de moi, j'y survivrais pas mais j'ai peur pour moi, pour moi, pour toi, pour Tamara. Je suis pas quelqu'un qui a peur. » Il fronça les sourcils. Il n'aimait pas ce sentiment d’insécurité. Il était Jeremiah McGregor bordel de merde, il était le summum de la sécurité. « Est-ce que c'est débile de penser ça ? J'ai l'impression de me perdre Taylor et j'ai l'impression d'avoir abandonné Declan. Si je recommençais et si je t'abandonnais toi aussi ? J'ai peur de tout ça. »

La mort de Declan ne semblait pas naturelle à la jeune femme. Taylor avait l’habitude de voir des morts, elle avait l’habitude de donner la mort, mais à ceux qui la méritaient, Declan, lui, ne méritait pas de mourir. Si le bras droit même du Lord était atteint, qui était à l’abri ? Taylor refusait de penser cela. Des morts durant des missions il y en avait toujours eu. Avery, Karkaroff, Selwyn et autre. C’était aussi dangereux pour eux que pour le camp opposé. Seulement la mort de Declan affectait Jeremiah parce que c’était son ami. Et là cela changeait la donne, Taylor n’avait que très peu d’amis, elle était une mangemorte fidèle et respectable. Voilà pourquoi elle s’en était toujours tiré : ne faire confiance à personne, elle l’avait appris au vu de ses erreurs. Elle s’était entichée d’un né-moldu, son Taylor, et voilà qu’il était mort. Il ne fallait que s’accrocher à ceux qui pouvaient toujours survivre et se battre pour rester en vie. C’était la devise de Taylor et elle irait jusqu’au bout. Elle ne mourrait pas, même Jeremiah dans ses violents accès de colère avait menacé sa vie et pourtant elle était revenue. Elle ne pouvait mourir car elle en avait décidé autrement. C’était sa force, elle œuvrait pour ce qu’elle jugeait juste, elle se battait en ce qu’elle croyait. Elle n’avait aucune raison de penser qu’elle échouerait à un instant. Et voilà que devant elle, si forte, si fière de sa force, se trouvait son fiancé déboussolé. Un ami qui possédait la même force et qui avait tout lâché. Etait-elle prête à voir cela ? Non. Personne n’est jamais prêt, mais ce qui ferait que leur couple était le bon, serait la manière qu’ils auront de se relever. Alors elle essaya de reproduire les gestes à faire. « Merci pour le thé mais non merci. » Elle essaya on a dit, pas elle réussirait du premier coup ! Taylor acquiesça, de toute manière elle n’avait pas de thé, que de l’alcool dans son appartement. Heureusement qu’il avait refusé, enfin elle se serait débrouillée, comme toujours. Elle tenta de sourire, mais lorsque ses lèvres s’étirèrent, cela lui parut faux. Comment sourire alors que le meilleur ami, le supposé témoin !, de son fiancé venait de décéder. Jeremiah ne sourirait sûrement pas aujourd’hui et ce n’était pas avec son humour -inexistant- qu’elle réussirait aujourd’hui à le faire rire et changer les idées. Après tout ce n’était pas le meilleur moyen. Quand on est petit, les parents nous font rire pour oublier et passer à autre chose. Quand on est un adulte, il faut attaquer le problème à la source au lieu de lui tourner autour. « Mais je veux bien qu'on s’assoit. » Ah, elle avait raté le thé, mais il avait accepté cette main tendue. Ils allaient repartir, ils allaient s’en sortir. Oui, au pluriel, Taylor avait pris le mal être de Jeremiah sur son dos. Ils étaient un couple, c’est ensemble qu’ils vaincraient le mal.

Jeremiah posa son postérieur sur le coussin moelleux, sans reprendre la demoiselle dans ses bras. Elle y vit un signe de refus, comme s’il préférait être seul. Elle hésita, certaines avaient besoin de présence accentuée, d’autre non. Comme elle n’était pas particulièrement câline et tactile, elle respecta son choix, mais posa une main sur son genou, pour continuer de montrer qu’elle était là. Pour de bon. Pour toujours. Il commença alors à parler. Sa voix était serrée, comme celle de Taylor quelques secondes plus tôt lorsqu’elle avait évoqué son premier amour. La jeune femme ne le força pas à finir sa phrase, malgré sa curiosité qui la poussait à vouloir comprendre. Elle garda un visage impassible, ne voulant pas froncer les sourcils. « Pourtant j'en ai tué des gens, tout le monde sait que je ne suis pas un enfant de cœur. J'ai fait ce que j'avais à faire, je ne regrette pas. » Le jeune homme enchaîna, sans lui expliquer ce qu’il avait sur le cœur. Elle se permit un léger sourire, elle était arrivée aux même conclusions que lui quelques minutes plus tôt. Elle ne regrettait pas les morts qu’elle avait laissés aux familles. Non, tous méritait son sort tueur, vraiment. Elle plongea son regard dans le siens et, cette fois-ci, senti qu’il doutait. Chose qui ne lui arrivait normalement jamais. Elle retint, inconsciemment, sa respiration, avec une crainte dissimulée de ce qu’il allait pouvoir dire. « Je me dis que la mort est plus proche qu'on ne le croit, je... me dis qu'on est pas si intouchable que ça. Et ne te moque pas s'il te plaît de moi, j'y survivrais pas mais j'ai peur pour moi, pour moi, pour toi, pour Tamara. Je ne suis pas quelqu'un qui a peur. Est-ce que c'est débile de penser ça ? J'ai l'impression de me perdre Taylor et j'ai l'impression d'avoir abandonné Declan. Si je recommençais et si je t'abandonnais toi aussi ? J'ai peur de tout ça. » Elle l’avait laissé parler jusqu’à la fin, sans l’interrompre, même physiquement elle avait caché ses émotions. Elle ne souhaitait pas le mettre mal à l’aise. Un silence s’installa entre eux deux, un léger silence qui pourtant dans l’atmosphère pesait lourd. Lui semblait anxieux de sa réponse, elle avait besoin d’assimiler tout ce qu’il lui avait dit. Il avait peur. Ce n’était pas normal, cette mort l’avait beaucoup trop touché. Pourtant elle avait connu la peur et maintenant elle l’engendrait. Cela voudrait-il dire qu’elle ne la ressentait plus ? Si. Quand elle courrait dans les forêts et les montagnes aux côtés de la Brigade, elle ressentait une excitation malsaine, l’adrénaline montait et pourtant un sentiment autre l’habitait. La peur de rater, la peur de décevoir, la peur non pas physique mais morale et émotionnelle. Et celle-là était bien plus dangereuse. « Je ne moque pas de toi, jamais. Enfin jamais plus, mais ça n’a plus d’importance. » Elle avait fait allusion à toutes ces anciennes fois, où au ministère ils se cherchaient et s’humiliaient. Cela semblait si lointain, dans un autre monde, dans une autre dimension. Elle secoua la tête et prit la main de Jeremiah dans la sienne. «Tu sais combien je déteste être faible et je considère la peur comme une faiblesse, mais je la vis aussi. Elle m’a habité pendant toutes ces années avant de devenir mangemorte. C’est un sentiment -malgré moi- familier. Et pourtant on peut vivre avec, j’ai appris à le contourner pour l’inspirer à autrui. Aussi étrange que cela puisse paraître, cela peut être un atout. » Elle était convaincue par ce qu’elle disait car elle l’avait vécu. Combien d’autres mangemorts pouvaient en parler avec autant de facilité ? Taylor revenait de loin, vraiment. Elle n’était pas une petite enfant bien sage dans ses baskets qui transpirait d’une éducation stricte et mangemorte. Non, elle avait été libre, elle avait connu l’amour dans son enfance. Taylor serra les doigts de Jeremiah et continua à parler. « Tu n’as pas à avoir peur pour moi, je serais tentée de dire que c’est mignon, mais ça va te rendre malade. Il ne m’est jamais rien arrivé et il ne m’arrivera rien. Parce que je l’ai décidé. Je ne veux pas dire que Declan a eu un instant de faiblesse, mais personne ne sait ce qu’il s’est passé juste avant. Et, Jeremiah, écoute, tout le monde est différent. Tout le monde meurt un jour. » Des paroles gnan-gnans, merci Taylor. La blonde ferma les yeux et inspira avant de prendre. « Tu ne m’abandonneras pas parce que tu ne l’as pas abandonné. C’est normal de se sentir coupable après coup, crois-moi je sais ce que c’est. Seulement ça va te pourrir la vie, tu vas te chercher des excuses, tu vas te remettre en cause. Ce qui est fait est fait. C’est trop tard, c’est horrible à dire, mais c’est trop tard. Affronte le problème, tue ces salauds de phénix qui se croient tout permis, mais surtout, ne t’en veux pas. Ce n’est pas de ta faute. Tu aimerais, si c’était le cas inverse, qu’il se lamente sur ton sort et ne fasse rien ? Non. Alors bats-toi. » La jeune femme reprend sa respiration avec soulagement, elle s’est lancée dans un monologue intarissable, elle ne se connaissait pas toutes ces qualités d’orateur, enfin pas sûr que ce soient des qualités. Elle avait encore deux mots à dire avant de le laisser s’exprimer, deux petits mots qui prouveront qu’elle a fait son choix et que son choix c’est lui. « Bats-toi, pour moi. » Il avait compris qu’elle ne parlait pas de se battre comme un coq en rut pour la garder, non, elle n’irait jamais voir ailleurs, cela n’avait pas de sens dans leur couple. Non, c’était juste que lui, s’il ne pouvait s’en sortir seul, il pourrait s’en sortir via elle. Il lui fallait un but pour se redresser, un marchepied pour surplomber les autres et elle jouerait ce rôle. Elle serait son roc pour qu’il puisse se dresser et hurler au monde entier la rage de vaincre qu’il possédait en son fort intérieur.

Le silence. Au fond ça n'étonnait pas Jeremiah. Ils étaient comme ça, des handicapés sentimentaux en rémission. Oui ça allait de mieux en mieux mais ils n'étaient pas totalement guéris, ils ne le seraient peut-être jamais d'ailleurs totalement. On changeait pas une personnalité acquise en plus de vingt-cinq ans en quelques mois. Ils avaient traversé des épreuves difficiles et on leur avait appris à se fermer. C'était dur de passer outre même s'ils s'aimaient. Jeremiah ne pouvait pas en vouloir à Taylor et puis même si elle avait réagi différemment, il n'aurait sûrement pas apprécié. Trop bizarre. Il faut dire qu'il n'avait pas l'habitude d'avoir peur. Non des fois, il était inquiet mais il n'avait jamais peur. L'inquiétude était devenue en fait sa peur. Et des fois, il s'inquiétait énormément notamment pour sa petite sœur. Pas qu'elle était quelqu'un qui prenait trop de risques mais c'était comme ça. Il était son grand-frère, c'était dans l'ordre des choses qu'il s'inquiète pour elle. Il s'inquiétait aussi quand Taylor partait en mission mais là aussi c'était normal. C'était l'ordre des choses. Ce soir-là, c'était vraiment différent et pour le coup vraiment effrayant. Trop, même. « Je ne moque pas de toi, jamais. Enfin jamais plus, mais ça n’a plus d’importance. » Au moins c'était une bonne chose. Jeremiah croyait bien savoir ce qu'elle parlait. Leur petit jeu au ministère ce qui n'avait bien sûr rien à voir avec aujourd'hui. Enfin techniquement si mais ce n'était tellement pas la même situation que non, on ne pouvait comparer. Mais l'effort était vraiment sujet à être salué. Jeremiah n'était pas tellement en état mais le pensait c'était déjà mieux que rien, non ? Jeremiah sentit le contact de la main de Taylor sur la sienne. Contact très agréable et doux. Un petit geste mais qui voulait pourtant dire beaucoup. « Tu sais combien je déteste être faible et je considère la peur comme une faiblesse, mais je la vis aussi. Elle m’a habité pendant toutes ces années avant de devenir mangemorte. C’est un sentiment -malgré moi- familier. Et pourtant on peut vivre avec, j’ai appris à le contourner pour l’inspirer à autrui. Aussi étrange que cela puisse paraître, cela peut être un atout. » On aurait pu se dire que c'était assez vaniteux de la part de Taylor de parler d'elle et de sa petite expérience mais Jeremiah ne le voyait pas comme ça. Il ne l'avait même pas pensé durant une fraction de secondes. À ses yeux, Taylor prenait sur elle pour lui raconter ce qu'elle avait ressenti afin que lui-même puisse avancer. Oui qu'il puisse surmonter la peine et sa frayeur. C'était courageux de sa part. N'était-ce pas une preuve d'un amour véritable ? Pour eux, si.

En tout cas on ne pouvait pas douter de la sincérité de ses propos. Avec le temps, Jeremiah arrivait plutôt bien à deviner si elle mentait ou pas. Là elle disait la vérité à coup sûr. « Tu n’as pas à avoir peur pour moi, je serais tentée de dire que c’est mignon, mais ça va te rendre malade. Il ne m’est jamais rien arrivé et il ne m’arrivera rien. Parce que je l’ai décidé. Je ne veux pas dire que Declan a eu un instant de faiblesse, mais personne ne sait ce qu’il s’est passé juste avant. Et, Jeremiah, écoute, tout le monde est différent. Tout le monde meurt un jour. » Elle essayait de le rassurer c'était vraiment mignon. Ça marchait, un peu. C'est vrai qu'elle s'en était toujours sortie. Après tout dans un combat singulier, elle s'avérait être une excellente adversaire. Bon il gagnait quand même parce que voilà, il était meilleur. Non mais il fallait dire les choses mais elle lui donnait quand même du fil à retordre. « Tu ne m’abandonneras pas parce que tu ne l’as pas abandonné. C’est normal de se sentir coupable après coup, crois-moi je sais ce que c’est. Seulement ça va te pourrir la vie, tu vas te chercher des excuses, tu vas te remettre en cause. Ce qui est fait est fait. C’est trop tard, c’est horrible à dire, mais c’est trop tard. Affronte le problème, tue ces salauds de phénix qui se croient tout permis, mais surtout, ne t’en veux pas. Ce n’est pas de ta faute. Tu aimerais, si c’était le cas inverse, qu’il se lamente sur ton sort et ne fasse rien ? Non. Alors bats-toi. » Ne pas s'en vouloir. Il pouvait le faire. En tout cas, elle lui donnait envie de le faire. Elle le faisait se sentir puissant, capable de tout. Elle le faisait dédramatiser les choses. Comme si au fond, ce n'était pas grave ce qui c'était passé, comme si ç avait beaucoup moins d'importance qu'il ne le pensait. Il était sur la voie de la rédemption, il fallait le croire. Ou au moins se rattacher à cet espoir. « Bats-toi, pour moi. » Il releva la tête pour bien lui faire face et voir ses yeux. Se battre pour elle et non plus contre elle. Ce changement lui plaisait énormément. En fait c'était tellement plaisant, qu'il voulait sincèrement en faire son nouvel objectif de vie. Il pouvait y arriver, il pouvait faire tout ce qu'elle avait dit pour elle. C'était peut-être gnan-gnan, cul-cul, tout ce que vous voulez. Franchement il s'en foutait royalement. Ouais il aimait Taylor et alors ? Qu'on le blâme pour cela si c'est que certains souhaitaient, il n'en n'avait pas honte.

Il s'approcha alors d'elle, oui encore plus pour capter ses lèvres. Les gestes étaient plus forts que les mots. Et même si l'on pourrait juger ses actes comme étant primitifs et archaïques, il avait réellement envie d'exprimer ce qu'il ressentait totalement de manière physique. De toute manière, il se sentait incroyablement maladroit avec les mots et c'est aussi le meilleur moyen d'évacuer la tension emmagasinée. Et il ne doutait pas que Taylor puisse avoir aussi envie que lui de faire l'amour. Il continua de l'embrasser plus goulûment si l'on pouvait dire alors qu'il était déjà en train de défaire sa veste. Ils avaient déjà couché sur ce canapé auparavant mais ils allaient bel et bien recommencer à cet instant.

Les paroles de Taylor étaient pleines de sens. Elle ne savait pas si c’était ce que le jeune homme attendait, ni si c’était ce qu’il fallait dire dans ce genre de situation, mais au diable les convenances. Ni Taylor ni Jeremiah n’étaient des adeptes de la bienséance et des convenances. Bien sûr l’un comme l’autre avaient été élevé dans ce dessein, seulement au vu de leur vie actuelle, il était impossible de dire qu’ils suivaient à la lettre leur éducation passée. Alors Taylor parlait et pour une fois, elle parlait avec le cœur. Les mots qui quittaient ces lèvres n’étaient rien de plus que les sentiments que son cœur contenait. Elle aimait Jeremiah, elle l’avait décidé un jour, un matin en se réveillant elle avait cessé de le haïr parce qu’il était son fiancé par obligation, elle s’était levée et s’était dit je l’aime. Parce qu’il représentait exactement celui avec qui elle pourrait passer sa vie, oh bien sûr il faudrait d’abord qu’elle lui apprenne à se relaxer et à être moins accro sur le ménage, mais elle avait décidé de l’aimer. Et chaque jour elle renouvelait ce désir et cette volonté d’être à ses côtés. Bien sûr, c’était difficile, certains jours elle devait se battre avec elle-même, d’autres jours elle avait envie de tout lâcher, mais jamais elle ne regrettait son choix. Jeremiah était plus que l’homme avec qui elle allait passer sa vie, Jeremiah est l’homme de sa vie. La nuance semblait fine, mais elle existait aux yeux de la blonde. Et cela ne voulait pas dire qu’elle était devenue une guimauve qui explosait d’amour à tout bout de champ, oh non, elle était resté fidèle à elle-même : se réjouissant de la douleur des élèves, riant à pleine voix devant la mort d’un moldu, se battant avec rage contre les résistants à l’emprise du Lord. Taylor sourit d’ailleurs au souvenir de leur vie amoureuse, quel couple s’envoie à Sainte Mangouste pour une blessure causée par torture afin de savoir lequel des deux céderait le premier. Quel couple s’engueule à propos d’un meurtre mal effectué ? Ok, ils ne l’avaient jamais fait, mais cela pourrait être la prochaine raison, ça leur correspondait bien. Non, les deux amants n’avaient rien d’un couple ordinaire, mais ils avaient tout d’un couple extraordinaire qui se battrait jusqu’au bout l’un pour l’autre. Le regard de Jeremiah qui se perdit dans les pupilles de la jeune femme lui prouva qu’ils savaient où ils mettaient les pieds. L’un comme l’autre se soutiendrait jusqu’au bout, la mort de Declan leur aura au moins permis d’apprendre cela. C’était triste à dire, mais il avait au moins eu une dernière utilité : les lier ensemble définitivement. Ah, l’amour.

Taylor avait terminé de parler et plongea son regard dans celui de son fiancé. Il ne prononça pas un seul mot, mais ses pupilles lui suffirent. Il émanait quelque chose de si intense de ses yeux que toute parole aurait été vaine. Taylor avait appris à lire dans un regard et savait que celui de Jeremiah était plein de promesse, mais aussi plein d’amour. Elle aurait pu lui répondre par la parole, pour le remercier ou lui dire qu’elle l’aimait, mais comme il ne l’avait pas fait elle ne desserra pas non plus les dents. Le silence qui habitait la pièce n’avait rien de perturbant, rien de gênant. Ce silence était leur sauvegarde, leur cocon. Cet instant calme possédait un sens bien plus évident pour eux que pour n’importe qui. Ils avaient été élevé dans un silence chargé de secrets, un silence cruel, un silence qui devait leur apprendre à boucler leur grande bouche pour qu’ils gardent des détails rien que pour eux. Seulement le silence qui parcourait cette pièce était tout autre. Ils se taisaient non pas parce qu’ils avaient peur de se trahir ou de dévoiler un secret, mais parce qu’ils savaient tout l’un de l’autre. Ils s’étaient tout dit. Un sourire s’étira sur les lèvres de la demoiselle et elle répondit au baiser de Jeremiah. Une autre forme d’échange plus ou moins silencieux allait remplacer leur combat de regard. Il avait pris possession des lèvres de la jeune femme et maintenant il allait prendre possession de son corps. Le rythme cardiaque de Taylor s’accentua et répondit avec fougue à son baiser. Leurs corps se rapprochèrent quand le dos de celui de la demoiselle s’allongea sur le canapé. Elle ferma les yeux et savoura l’instant présent. Ensemble ils allaient terminer la nuit d’une autre façon, une nuit comme tant d’autre mais qui avait une saveur propre. Prendre possession du corps de Jeremiah était toujours un plaisir pour la demoiselle et chaque fois était unique. La passion qui s’exaltait de ces nuits leur promettait toujours un moment plus intime et un rapprochement entre eux deux. Un geste d’amour pour deux amoureux, quoi de plus banal, mais quoi de plus beau ? Taylor débarrassa son amant de sa chemise et l’embrassa avec plus de vigueur, oubliant tout le reste. Cette nuit était à eux, leurs soucis attendraient le lendemain pour se manifester.