Le bruit des gouttes d’eau qui glissent le long des carreaux humides du dortoir semble avoir bercé le reste de ses camarades alors qu'elle, Eden, elle se retourne dans son lit, dans tous les sens, sans parvenir à trouver le sommeil. Elle compte les moutons, en vain. Envolée, l’insouciance. Saccagée la tranquillité. Elle sait pas pourquoi elle souffre de ce genre d’insomnies ces derniers temps et elle ne sait pas comment lutter contre, elle n'y est pas habituée ; les cachets n’ont aucun effet et même le verre de lait avant le coucher qu’on lui a assidûment conseillé à l’infirmerie n’obtient pas l’efficacité escomptée. Elle commence à se dire qu'elle est un cas désespéré. A Poudlard tout est tellement plus compliqué que ce ne l’était à l’orphelinat. Enfant, elle aurait rejoins Stefan dans son lit et de ses bras protecteurs il l'aurait entourée, ce qui l'aurait très certainement apaisée et permis de s'abandonner doucement aux ailes de Morphée, déesse du sommeil. Au moins si ils avaient été envoyés dans la même maison, ils auraient pu passer outres les règles, mais leurs dortoirs étaient aujourd’hui si éloignées, elle était haut perchée dans sa tour, elle, et lui était si bas, si profond sous les fondations du château que la distance était trop grande pour la traverser la nuit sans se faire pincer.
Eden regarde son réveil et d’une main pesante qu'elle laisse presque tomber à son sommeil, elle allume une petite lumière. 4h30. Demain, elle a cours à 8 heures et elle ne dort toujours pas, ce n’est plus les heures de sommeil qu'elle devrait compter mais celle qu'elle rate avec ces fichues insomnies. Elle pousse sa couverture au bas du lit et saisit une robe de chambre bordeaux qu'elle a accrochée la veille au baldaquin de son lit. Elle l’enfile, pour le confort, pour la chaleur et elle se décide à aller boire un chocolat chaud, à nouveau, pour calmer ses nerfs qui sont, ces temps, mis à dure épreuve, pour s’apaiser et lui permettre de trouver le calme nécessaire à se plonger dans le monde des rêves.

Elle s’apprête à descendre le long escalier en colimaçon qui mène jusqu’à sa salle commune et elle hésite avant de se lancer. Descendre dans le noir, c’est risquer de se casser les deux jambes sans même crier gare. Elle tire sa baguette de la poche de sa robe de chambre et dans un murmure silencieux, murmure qui ne saurait être apte à réveiller ses camarades, elle prononce : « Lumos. » Une blanche lueur jaillit alors de ce petit bout de bois et elle entame sa descente. Elle sent une présence et se maudit d’être descendue. Elle n'a pas envie de compagnie, pas de préférence en tout cas, et, justement, elle se complait dans cette solitude interminable Eden, c’est triste à dire mais elle a appris à se contenter d’être seule, elle a appris à s’occuper sans l’aide de personne et rien n’est plus agréable à ses yeux que le silence doucereux qui la berce lorsqu'elle se plonge dans une solitude profonde, complète, parfaite.

Une voix fluette confirme ses pensées et, entre un bâillement que la jeune gryffonne obstrue par sa main droite, elle lui répond encore dans la lune : «Il est 4h45 exactement. » Elle s’approche de la tignasse blonde qu'elle peut apercevoir là, au bout de sa baguette et même si la compagnie n’est pas ce dont elle a besoin pour le moment, elle décide de ne pas être désagréable, l'autre doit être tout aussi embêtée de ne pas réussir à dormir, peut-être plus, peut-être moins. Elle se retourne. Eden esquisse ce qui devrait être un sourire mais qui à cet heure ci ressemble à une grimace et elle apprécie sa politesse et son regard bienveillant. Elle connait Mia, sa camarade, pas forcément bien, mais elle la connait, elles sont de la même année. Elle s'approche et elle prend une tasse dans la vieille armoire qui leur sert de garde vaisselle, elle lance un sort en espérant que ce soit le bon et elle est soulagée quand elle voit apparaître le doux nectar marron qui apparaît dans sa tasse. Le chocolat calme. Le lit aussi, à ce qui paraît. Ca l’aidera peut-être à dormir. Elle va s’installer sur le canapé en prenant ses aises et elle regarde le plafond, pensive.

Elle décide alors de rompre le silence en s’adressant à son interlocutrice : « J’arrive pas à dormir non plus, non. Il doit faire trop froid dans ce dortoir, ou trop chaud peut-être, je sais pas vraiment. Ca fait longtemps que t’es là ? » Elle n'est pas du genre à lancer la conversation ni à taper la causette à des gens qu'elle ne connait qu'à peine, mais tant pis. La situation est déjà assez inconfortable ainsi, elles préféreraient toutes deux dormir, ça ne sert à rien d’envenimer les choses. Eden est d’humeur vivable aujourd’hui, qu’elle en profite, c’est pas courant.

Le monde se mettait à tourner à l’envers, voilà qu’elle décidait de se joindre à une solitude nocturne en compagnie de l’une des ex à Stefan. Elle se souvient encore leur relation, elle se souvient l’avoir vu d’un très mauvais œil et avoir conseillé à son ami de tout quitter, parce qu’il était mieux tout seul, parce que c’était tellement mieux quand il n’appartenait qu’à elle. Sirotant un thé, elle faisait presque preuve de mal politesse en fixant les flammes qui dansaient dans la cheminée au lieu de s’adonner complètement à son interlocutrice. Ca lui arrivait aussi, souvent, de regarder les flammes qui se trémoussaient dans la cheminée, dans une danse presque enchanteresse qui était apte à la transporter loin, très loin.

« Une heure ou deux, tout au plus. » Tant que ça ? La Gryffondor passe une main hésitante dans ses cheveux en pagaille tentant vainement de remettre en place une mèche un peu trop rebelle. Un soupir. Que les nuits étaient monotones au château, que le temps semblait s’arrêter à chaque fois que la lumière s’éteignait. Tout était tellement différent de tout ce qu’elle avait toujours pu connaître avant que ça en était presque déconcertant. Elle avait connu l’agitation, l’énervement, l’attraction, mais le calme, jamais. Elle avait grandis dans un orphelinat gargouillant d’enfants de tous les horizons, et dans cet entourage, la tranquillité était impossible et elle le savait, elle s’y était faite. Les premières nuits au château avaient été étranges, trop mornes pour la belle qui avait besoin de sentir la vie grouillant autour d’elle.

Le regard de sa camarade la transperce, elle le sait posé sur elle, elle le sent, mais ne regarde pas, trop plongée dans sa contemplation pour daigner en retirer son attention. Elle ne sait pas trop comment aborder la situation, elle n’est pas forcément sociable, pas forcément bavarde et elle ne répond souvent que par des phrases fermées, vides de sens, souvent des phrases qui ont plus pour sens de lui donner bonne conscience que de répondre à ceux qui la questionnent. C’est Mia qui se décide à briser la glace, à adresser une tirade à sa camarade, qui elle, pense interminable. Elle ne la regarde pas pour autant et, sceptique, elle tourne la tête au moment même où elle lui parle de défis. La jeune sorcière aime le risque, elle aime jouer avec le feu et l’enjeu que représentent les punitions et les heures de colle ne lui fait pas peur. La sensation de se sentir vraiment vivante grâce à une bonne bouffée d’adrénaline vaut bien ce modeste risque. Son regard d’azur, où dansent encore les flammes rougeâtres de la cheminée, est à présent posé sur sa camarade et, arquant un sourcil, elle ose une question, intriguée : « T’entends quoi par des défis ? »

Mia voyait-elle seulement les défis comme Eden les voyait? Etait-elle seulement aussi dérangée ? Eden scrutait sa camarade dans les moindres détails, chacun des traits de son visage lui semblait lui être inconnu. Elles s’étaient côtoyées, de loin, depuis 6 ans, les mêmes habitudes, les mêmes couleurs, les mêmes camarades, et pourtant… jamais l’occasion ne s’était présentée à elles de devenir plus intimes, de faire plus ample connaissance. Mia n’était qu’une camarade comme les autres et cette nuit allait peut-être tout changer, cette nuit peut-être naîtrait entre les deux jeunes femmes une toute nouvelle complicité. Elle s’approche l’une de l’autre et, d’un sourire malicieux, elle lui souffle une idée qui l’interpelle. La première personne à qui penses Eden, c’est à Ariel. Elle pense tellement fort à la vengeance qu’ellle pourrait tirer sur elle qu’elle en oublie presque qu’elle partage la même salle commune que Stefan. Oh et puis tant pis, elle en avait bien besoin, besoin de prendre un peu d’air, de déconner, l’espace d’une soirée. « Ca me tente ouai, pourquoi pas… Ca peut être marrant. T’as pas peur des conséquences que pourraient avoir nos actes ? T’es prête à assumer » La belle marque alors une pause, quelques instants, pour lui laisser le temps de réfléchir : « Non parce que des heures de colles, des punitions, elles pleuvent pour moi, je veux pas qu’après ça t’embête tu vois… Enfin c’est décalée, on est là pour se marrer, c’est toi qui vois, je veux juste pas être la seule à assumer au final.» Elle connaît les rumeurs qui courent sur elle, elles y vont bon train, elle sait que les gens la prennent pour une folle et que ses camarades se demandent parfois ce qu’elle a dans la tête pour être aussi décalée. Enfin bon, Mia ne lui aurait très certainement pas proposé ça si elle n’avait pas été au courant de son manque d’appréhension et de son caractère douteux dès qu’il s’agit de respecter les règles. Eden était partante, la suite de la soirée reposait à présent sur les épaules de Mia.
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Eden n’arrivait pas à saisir la source de cette idée complètement décalée mais elle lui plaisait, elle lui plaisait vraiment. Elle découvrait en Mia une jeune femme pleine d’envie, désireuse d’action gourmande de risque. Elle était totalement différente de l’image que la gryffone s’était façonnée lorsque sa camarade s’était lancée dans une relation avec Stefan. Pourquoi elle, qui d’habitude est si rancunière, acceptait aujourd’hui de discuter et de se lancer dans une telle aventure à l’une de celle, qu’autrefois, elle avait tant détesté de lui voler SON Kit, le sien, à elle, à personne d’autre. Mais de l’eau avait coulé sous les ponts depuis et ses deux camarades ne pouvaient, aujourd’hui, plus se voir en peinture et ne s’adressaient plus que des regards méprisants, rancuniers, hargneux même parfois. Une rivale de moins, se disait la blonde. Les deux n’arrivaient plus dormir et s’ennuyaient à mourir alors, le partage d’une nuit hors du commun pourrait être un bon moyen de se défouler, d’oublier, l’espace d’un instant, le monde environnant et toutes ses contraintes imposées par des surveillants peu scrupuleux. Eden fit un signe de la main à sa camarade lui signalant qu’elle serait vite de retour et gravit les quelques marches qui menaient à leur dortoir afin de se munir d’un gros pull pour lutter contre les courants d’airs meurtriers flottant dans les couloirs du château. Elle revint peu après munie de ce vêtement un peu plus lourd et adressa un sourire entrainant à Mia. Elles semblaient toute deux avoir besoin d’une pause, une soirée, une seule, un moment de liberté sans penser aux conséquences de leurs actes. Agir, puis réfléchir, telle était la devise de la blonde depuis bien des années déjà.

Mia mit fin aux doutes d’Eden en une seule phrase, rassurante ou pas, au moins elle était franche et c’était une des qualités qui était importante pour la gryffone, bien plus que la fidélité, la franchise était nécessaire à tout lien et qu’importe la nature de ce lien « Oh ne t'en fais pas pour ça, je suis pas du genre à faire des conn****s et laisser les autres assumer pour moi et puis, je dois t'avouer que, j'en ai un peu rien à faire des stupides punitions qu'on pourrait nous donner. Ce qui compte c'est surtout de bien se marrer et, dans ces cas là ça vaux toutes les heures de colles du monde. » Elles se lançaient toutes deux volontairement, ne se lâcheraient pas, ne se dénonceraient pas, chacun pour soi mais ensemble, elle savait que leurs actes pouvaient avoir de lourdes conséquences. Mia semblait impatiente, Eden l’était aussi et non pas qu’un peu. Eden adressa un sourire en coin à sa camarade et réopndit d’une voix sèche, sa voix habituelle pourtant, cette voix qui, quand on ne la connaissait pas, passait souvent pour une pointe d’arrogance : « Tu trouves aussi ? » Elle saisit sa baguette posée sur la table de chevet et réduit la distance qui les séparait. « Alors faisons ça, c'est partie pour une soirée de folie » D’un signe de tête, Eden donna son approbation et les voilà qui partaient, toutes deux, ensemble vers les ténèbres des couloirs sinueux d’un château qu’elle ne connaissaient que trop bien.

Il était tôt, très tôt, trop tôt pour qu’un élève ose se dresser sur leur route. Tous leurs camarades devaient déjà s’être offerts aux bras de Morphée depuis de bonnes heures. Les temps étaient durs, les cours devenaient lourds et éprouvant et tous tombaient de fatigue. C’était normal après tout, c’était trop à supporter pour des adolescents, cette atmosphère sombre, cette ambiance lugubre où les cœurs étaient devenus froids depuis si longtemps. Eden en avait marre, elle se sentait emprisonnée, une terrible impression d’être bloquée dans le fond d’une cage, entourée par d’autres pigeons tous autant dociles qu’elle. Cette sensation était désagréable, déroutante, déstabilisante, mais que pouvait-elle y faire ? Les professeurs eux aussi devaient dormir, peut-être pas… peut-être étaient-ils simplement entrain de déblatérer sur les nombreuses punitions données au cours de la journée au beau milieu de la salle des professeurs, autour d’un café, de quelque chose. Ils semblaient tous s’entendre si bien, préserver une entente parfaite entre tous les membres du personnel et si ce n’était pas le cas, il n’en démontrait pas une bribe aux élèves, pour préserver leurs faiblesses, très certainement. Ils étaient un peu comme la mère d’Eden, il y’a longtemps, elle qui toujours cachait ses problèmes. Elle était tout le temps lé, droite, tâchant de faire bonne allure alors que souvent, trop souvent, le monde s’écroulait sur sa tête, elle avait eu la vie si difficile que les soucis pour elle semblaient tous surmontables, passant des assistantes sociales à l’électricité qu’elle avait du mal à payer, toujours fière. C’était en tout cas le souvenir qu’Eden avait gardé de sa mère, faisant pour sa part abstraction de l’alcoolisme qui la rongeait, mal de l’enfer qui l’avait pris sans crier gare et qui, très certainement, l’avait conduite à sa perte. Avait-elle bu le jour de l’accident ? Personne ne saurait le dire et de toute façon, aujourd’hui, le mal était fait.

Mia était partie la première, longeant les murs comme l’aurait fait une ombre décidant de se cacher. Derrière elle, Eden lui emboitait le pas d’un air un peu plus las, avec moins de discrétion peut-être, elle avait moins à perdre, qu’elle se fasse pincer ou non n’avait pas grande importance pour elle. Elles arrivèrent bien vite aux cachots, sans encombre et devant la porte de la salle commune de leurs ennemis, Eden ne put empêcher une pensée pour Stefan de s’introduire dans son esprit. Personne ne connaitrait le nom des coupables, mais lui saurait. Il saurait parce qu’ il la connaissait tellement bien, qu’il la connaissait par cœur. « A toi l'honneur Eden. » Oh ça oui alors qu’elle allait commencer, elle le ferait et même avec le sourire, mais avant ça, elle sorti un stylo et un post it de la poche avant de son sweater et y inscrit : sans rancune. De toute façon il saurait, de toute façon il se vengerait, elle le savait. A ce moment là, elle réfléchit un instant et posa le post it contre le mur avant de prononcer une phrase incompréhensible et de projeter une à une des limaces par terre. Elle aurait bien utilisé le sortilège de crache limace, mais ça n’aurait pas forcément été agréable pour Mia. En attendant que sa camarade le lance, Eden la dévisagea et l’interrogea presque un peu trop brusquement : « Alors, tu te dégonflerais pas quand même ? » Qu’importe, elle attendait la réponse de Stefan à sa blague, la couleur était donnée.