« Père,

Je vous serais reconnaissant si vous pouviez parler à mon oncle, une fois de plus, au sujet de Narcisse. Je doute que ses blessures ne se referment aisément si son propre père s'obstine à le traiter avec tant d'indécence et de lâcheté.
Je n'attends guère de réponse extasiée et convenue de votre part, aussi je vous propose un marché : je promets de considérer sérieusement les propositions de fiançailles avec les demoiselles que vous avez convenu pour moi, si vous accédez à ma requête.

Bien à vous,

Ainsley Charles. ” »

 

Ce fut lorsqu'il posa la plume dans son écrin de verre blanc et d'encre sombre que le Gryffondor esquissa un sourire forcé par sa propre insolence : relisant sa dernière phrase d'un oeil mutin et malicieux, il dévorait cette courte missive d'une attention rare, caressant les courbes manuscrites, fines et élancées, de ses rétines avisées. Enfin, lorsqu'il jugea que le contenu logeait en son sein assez de chantage pour que son père réfléchisse à sa proposition avec sérieux, Sin enroula le parchemin avant de le nouer d'un ruban ocre. Ce n'était pas la première fois que le jeune homme s'obstinait ainsi à demander quelques comptes rendus sur la relation chaotique qu'entretenait son oncle avec Narcisse : inquiet pour son cousin, Ainsley n'avait de cesse de renvoyer la balle à son propre père, le seul capable de mater la bête sommeillant chez Swensonn senior. Ce n'était pas pour autant que le Gryffondor remplirait sa part du contrat si son paternel acceptait le deal : frileux devant le sacre du mariage, il ne pouvait concevoir devoir réfléchir quant aux trois demoiselles à fiancer qu'on lui proposait. En toute probabilité, il ne se rappelait pas même de leur visage. Et en réalité, il en avait même omis leurs prénoms. D'un soupir las, Ainsley se leva de son bureau, enjamba les affaires éparpillées de son colocataire désordonné, et sortit de sa chambre d'un pas assuré qui lui conféra un air arrogant malgré sa cravate semi dénouée lui concédant un charme de dandy.

La volière s'ouvrit à lui dans un fatras de plumes et de hululements offensés, comme il en passa le seuil avec prestance sans jamais desserrer sa poigne de lion aguerri figée sur sa missive. Ce ne fut que lorsque ses rétines fauves se posèrent sur cette frêle silhouette tentant de le fuir, qu'un rictus narquois étira ses lèvres désirables. La lueur mutine de ses yeux sombres ayant repris ses droits dès lors qu'Ainsley avisa sa poupée, le garçon s'empressa de barrer la route à la douce enfant : tout de même, il n'allait pas laisser s'évaporer une telle occasion de s'amuser, quand bien même il sentit une nouvelle fois son estomac s'envoler dans une désagréable mais surtout méconnue impression. « Bonjour sweetheart. » Une voix suave et libidineuse, enveloppée d'un miel à la fois doux et mordant comme il dardait la jeune Lily avec appétence. Ses yeux vifs eurent tôt fait de piquer sur un détail qu'il ne releva pas de suite, mais qu'il rangea dans un coin de son esprit mesquin : quelques gouttes de sang perlaient sur son doigt à la peau neigeuse. Plus encore, ce fut ce morceau de papier visiblement rangé à la va vite et dépassant de son sac, qui attira l'attention du lion aguerri : ni une ni deux, Sin s'en empara avec dextérité, sans même que la Serdaigle n'ait le temps de s'en offusquer. « Je ne te savais pas si distraite ma Lily. Regarde, tu as oublié d'envoyer ta lettre... » Une oeillade en coin accompagnée d'un rictus amusé palliant le miel de sa voix pseudo compatissante, et Ainsley commença aussitôt la lecture à voix haute : « Chère Maman, je viens de me rendre compte que cela va bientôt faire dix jours que je ne t'ai pas écrit.  » Un faux sifflement feintant d'être choqué, et voilà qu'il commentait : « Voyez-vous ça... vilaine fille. » Se raclant subrepticement la gorge pour se donner d'avantage de constance encore (comme s'il n'en n'avait suffisamment pas pour effrayer la pauvre enfant...) et il poursuivit sa lecture théâtralisée : « J'espère que tu ne m'en veux pas, ...blablablabla. J'ai le temps d'écrire, ce soir, car j'ai passé mon week end à travailler. » Arquant les sourcils d'un air faussement admiratif, le ténébreux jeune homme braqua brièvement son regard pénétrant sur la frêle poupée. « Tu es travailleuse, c'est bien. » Timbre si sérieux qu'il en paraissait presque offensant, derrière les miroirs de raillerie qu'il aurait pu offrir. « Cela fait beaucoup de bien d'avoir du temps libre, et c'est très jouissant de voir mes amis remonter à la salle commune la tête basse, râlant contre le monticule de travail à faire qu'ils ont négligé durant le week end... » Le jeune homme se redressa, dégageant son épaule de l'encadrement de porte contre lequel il était nonchalamment appuyé, avant de laisser s'échapper un bref rire narquois de ses lèvres carmin. « Ca c'est vraiment pas gentil Lily. » Ironie, quand tu nous tiens. Et le Gryffondor de réellement s'en amuser, ne peinant pas à imaginer Lily Potter en vouloir à ses camarades parce que ces derniers n'avaient pas terminé leur devoir de botanique en temps et en heure. « Blablablabla... Assez parlé de cours, comment vas tu ?  » Un soupir suivi d'un haussement de sourcils trahissant son ennui, et Ainsley roula en boule la missive avant de la jeter à terre d'un geste méprisant. « Ennuyeux à mourir... Tu veux lire la mienne ? » murmura-t-il non sans planter son regard dans le sien, violant l'intimité de ses prunelles satinées. Il lui tendit alors sa propre lettre roulée avec minutie, son invitation sonnant moins comme une réelle complicité que comme un défi ou un ordre vicieux.

« Joli ruban. » « Ravi qu'il te plaise. » La voix chaude du jeune garçon coulait avec tant de délice qu'on ne pouvait que soupçonner quelque chose d'obscène derrière ces quelques mots à la saveur pourtant toute bénigne. Le regard fauve du jeune lion cependant, brillait d'une lueur dévorante comme il se remémorait la présence de ce ruban parfumé lors d'une nuit sensuelle, et dont les effluves vanillées laissaient à voir une propriétaire toute en rondeurs féminines : ainsi donc le cadet Blackwood espérait rappeler à son géniteur oh combien il demeurait entouré par le beau sexe, celui-là même que son paternel déplorait par son trop grand nombre autour de son don juan de fils. Le ruban ocre avait en effet noué lors d'une nuit érotiquement chargée d'encens et de battements de coeurs sauvages, les longs cheveux bruns d'une demoiselle peu farouche, autant que ses poignets graciles lorsque les étreintes s'étaient muées en un jeu libidineux. Et l'insolent Ainsley de s'en servir sans déférence aucune pour en nouer sa missive, summum de son effronterie autant que de sa témérité... Ainsi pouvait-il imaginer avec délice, les courbes juvéniles et fertiles de la jolie vierge qu'il avait face à lui , se tordre de volupté sous le joug d'un ruban de satin nouant ses fins poignets et l'attachant à la tête de lit. « ...vraiment. » souffla-t-il non sans un sourire en coin dont la légèreté piquée laissait penser à un diable prêt à conquérir les terres inviolées du paradis.

L'arrogance piquée du prince obscur allait cependant bientôt se heurter à un problème de taille : la confrontation avec la réalité de ses sens et de ses sentiments. Car si le jeune homme ignorait les appels de son myocarde qui se réchauffait étrangement lorsque sa petite poupée était dans les parages, il ne le mettait que sur le compte de son orgueil qui l'empêchait de s'écouter lui-même. Pensant ainsi que ces papillons investissant son estomac n'étaient que l'effet pervers procuré par cette jubilation à torturer la Serdaigle, Ainsley n'avait jamais songé à autre chose. Comment le pouvait-il après tout, lui qui ne connaissait rien au panel sentimental, lui qui barricadait son coeur dans un écrin d'acier, lui qui préférait mille fois les jolies jambes des catins au beau sourire des filles sages. Pourtant ce masque apposé involontairement sur son visage princier se levait dès lors qu'il venait à se confier à Narcisse, son cher cousin, lui avouant ainsi dans quelques demi-mots l'obsession délicieuse qu'il éprouvait pour la Serdaigle. Ces lèvres framboisine qui tremblaient légèrement lorsqu'il apposait sur elle ses rétines sauvages, cette pâleur de peau lui rappelant à l'opale de la lune, ce grain de voix cristallin lui évoquant la fraîcheur des eaux douces. Après tout cela oui, comment pouvait-il savoir... « Figure toi Ainsley que ce cher Narcisse dont tu parles dans ta lettre, ton cousin je crois... » Rien dont il ne puisse tiquer : qui donc ne connaissait pas son cher cousin, lui qui était craint pour ses fureurs démesurées et son visage d'ange. Arquant un seul sourcil pour toute réaction méprisante, Ainsley attendait la chute qu'il jugeait déjà comme étant passablement fade et pitoyablement inintéressante.  «  Eh bien, je le connais. Oh, pas personnellement, disons... Qu'il m'a abordé de la même façon que tu l'as fait la première fois avec moi. Mais pas pour la même raison. » Le jeune homme fronça les sourcils dans une première attitude d'incompréhension : cette barre pesant sur son front blanc trahissait son incapacité à la suivre dans son raisonnement. De quoi parlait-elle ? ...Et soudain, l'illumination découlant de sa lucidité implacable : l'atroce réalité le frappa de plein fouet. Narcisse n'avait que peu d'éléments entre les mains concernant Lily Potter, pour qu'il ne vienne ainsi daigner intervenir dans le champ de vision de la Serdaigle... Aussi il fut aisé pour Sin d'en extraire une terrible déduction. Il savait que l'ingénue obsédait Ainsley. Il savait également que le jeune gryffondor avait mis une option malsaine et déroutante sur la petite poupée : elle était sa seule et unique bouc émissaire. Nul autre que lui n'avait donc le droit de lui faire du mal ni même de lui porter un amour purement sado-masochiste. Son cousin n'avait pu qu'aller la voir que pour l'une ou l'autre de ces modalités, restait à savoir pourquoi et dans quelle mesure précisément.

Gardant de sa superbe malgré cette lourdeur prenante dans son estomac, le brun ténébreux avança sa main afin de s'emparer dans une douceur infinie de celle de la demoiselle, lui ôtant la missive d'un geste doux et prévenant. Ses yeux sombres ancrés dans la turpitude des rétines claires de la belle enfant, Ainsley porta les doigts féminins à ses lèvres gourmandes pour en recueillir les perles de sang. Caressant la plaie d'un baiser alangui et d'une langue timorée, il déploya charme ténébreux et sensualité latente pour mieux troubler la demoiselle. « Et bien continue. Tu m'intrigues. » avança-t-il sans sourire aucun, cessant de recueillir du bout des lèvres la rosée rubis de ses doigts blancs. Le jeune homme refusait de se laisser déstabiliser, ignorant d'écouter l'assaut de sa raison lui sommant de faire profil bas, comme si l'un de ses précieux secrets tentait de percer l'écrin de son coeur pour mieux se mettre à nu. Et diable qu'il s'y refusait.

La belle marqua une pause silencieuse qu'Ainsley percevait comme pudique voire terrifiée ; le jeune Gryffondor avait bien compris que ses élans tactiles faisaient frémir la mésange d'une crainte dont il se nourrissait pourtant. Jeune vierge au teint clair, au regard candide et au sourire innocent... C'était sans doute cette aura lumineuse émanant de sa personne qui le captivait tant, lorsque de son regard de braise il s'amusait à dévorer sa beauté et à la terroriser par cette simple joute rétinienne. Qu'elle se sente souillée et nue par la seule force de son regard, c'était aussi un jeu mesquin qui ne déplaisait pas au vil jeune homme se lassant peu à peu de ses catins. Toutes prévisibles, toutes hardies ; rien ne les offensait, rien ne les offusquait, rien ne les faisait frémir. Aucun amusement si ce n'était que ces simples péchés de chair et ces nuits de luxure ; plus rien ne semblait surprendre ces filles aux moeurs faciles qui du haut de leur majorité encore fraîche semblaient avoir tout vu et tout vécu. Les ingénues quant à elles, préservaient le mystère de leur virginité, se drapaient dans cette fébrilité touchante, apparaissaient comme des poupées si aisément cassables... Un nouveau défi pour Ainsley qui ne souhaitait plus côtoyer que des oies blanches, mais également des biches effarouchées. Et l'attrait de Lily lui semblait irrévocable ; preuve en était de cette volonté pugnace de l'effleurer, la toucher, la caresser du bout des doigts. Pour un seul tremblement de la vierge c'était un soupir de satisfaction pour le garçon au regard de braise... Que dire de sa voix cristalline ricochant entre ces murs, fébriles et délicats. « Il te ressemble en caractère, je crois. » Le jeune homme plissa ses yeux sombres avant d'amorcer un pas, puis deux, commençant sa marche lente et funèbre autour de la belle, tel un oiseau de proie tournoyant autour de son repas. Intrigué par les aveux de la demoiselle, il l'écoutait d'une oreille attentive mais gardait braqué son regard sur Lily. Il la tenait en joue par le revolver implacable de son regard, prêt à dégainer une balle de plomb à la moindre insulte, provocation, ou dires qui lui déplairaient. Et tandis qu'il continuait de tourner lentement autour de l'intrigante, dessinant un cercle morbide autour de sa personne, la jeune fille continuait sans se sentir déstabilisée. « Tous les deux des manipulateurs... » Un sifflement railleur s'échappa de ses lèvres désirables, entre un souffle étouffé en un rire avorté, et soupir méprisant. « Un charme indéniable aussi. » « Vraiment ? » siffla-t-il d'un timbre sans équivoque et provocateur. Ne cédant pas aux flatteries improvisées de la demoiselle, Ainsley avait habillé sa question de cynisme intransigeant et de moquerie douteuse. Car ce n'étaient pas tant les compliments hypocrites qui attiraient son attention, mais ce que la petite poupée cherchait à faire. Autrefois si tremblante entre ses griffes, voilà qu'elle semblait se révolter. Que lui avait murmuré Narcisse pour qu'elle n'en ressorte ainsi rassérénée, prompte à affronter son bourreau ? « Il m'a clairement fait comprendre- par ces manières que tu connais si bien, Ainsley...Enfin. » Le jeune homme s'arrêta, braquant son regard de loup sur ce visage d'angelot greffé d'un sourire mutin. Ces traits tirés par l'amusement malsain lui seyaient si mal... Il préférait mille fois la voir innocente et ingénue que fielleuse et venimeuse. La martyr perdait considérablement en beauté à ses yeux, dès lors que son innocence était ternie par son attitude persiffleuse. « Il m'a fait comprendre par des moyens plus ou moins détournés qu'il n'aimait pas... »La belle s'était déjà approchée de lui, joueuse et enjôleuse elle se pencha à son oreille. Ces charmes forcés firent frémir Sin non pas de désir, mais bien de rétraction : il ne l'aimait ni outrageusement sensuelle ni vulgairement lascive. Il ne l'aimait pas, en catin déguisée. Il l'aimait innocente et fraîche. Lumineuse et pure. « L'influence que j'avais sur toi. »

Le silence oppressant surplomba leurs têtes lorsque l'aveu tomba tel un couperet ; stoïque, Sin se rembrunit cependant et congratula Lily d'un regard des plus sombres et ténébreux, aux abords d'une menace menée par ses simples rétines. De quoi parlait-il... De quoi parlait-elle. Pourquoi Narcisse avait-il mentionné une influence, lorsqu'il n'y en avait de toutes évidences pas. Certes la martyr obsédait ses pensées, et il était vrai que Sin avait intimé à son cousin de ne jamais la toucher. Peut-être bien n'était-il pas tout à fait le même lorsqu'il s'agissait de Lily Potter, entre le bourreau et le prince. Mais pourquoi lui avait-il livré de pareils aveux. Pourquoi Narcisse avait-il su ouvrir les yeux sur les sentiments de Sin, lorsque ce dernier demeurait aveugle ? Ses yeux fauves irrévocablement attirés par la courbe mutines des lèvres de la Serdaigle, Sin ne put dissimuler ce désir lubrique luisant dans ses yeux d'or. La convoitise avait laissé place à la répulsion. Peu importait si il ne l'aimait pas ainsi, s'il la trouvait beaucoup moins belle et désirable une fois affublée de cette attitude de catin. Il ne pouvait s'empêcher de la trouver sublime, captivante, appétissante.... Il se pencha lentement, déposa un baiser délicat et langoureux à la coupe de ses lèvres framboisines quand glissant une main conquérante dans le creux de ses reins il s'assurait de ne pas laisser s'échapper sa proie frémissante, et enfin se redressa solennel. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » fit-il dans un sourire railleur dont le mépris tranchait considérablement d'avec la sincérité de son baiser. Et comme pour s'éloigner de la tendresse d'un instant qu'il n'avait su contrôler, le jeune homme empoigna sa lettre d'un geste brusque et tourna les talons, s'avançant avec orgueil vers l'un des volatiles pour y nouer sa missive. « A l'avenir Potter, évite de gober tout ce qu'on te raconte. Tu es bien mignonne mais tu es franchement désespérante. »

Ces plaisirs violents ont des fins violentes dans leurs excès, ils meurent tels la poudre et le feu que leurs baisers consument. Las ! La plume d'un illustre écrivain n'aura guère su apaiser le palpitant du jeune homme que l'on pensait de glace ; embrasé au contraire par les effluves sucrées de la demoiselle la martyr, il se laissait embaumer par son parfum qu'il pensait de miel et d'abricot. Le loup pris au piège sans même le savoir ignorait qu'en vérité, l'ange n'était que vipère et que c'était par la force de son opium qu'elle parviendrait à l'endormir. Chacune de ses pulsations nourries autrefois de mépris et de haine pour la jolie poupée dont le seul crime était de porter le nom de Potter, se rengorgeait à chaque battement d'un peu plus de sentiments étourdis. Maladroit. C'était bien le mot qui définissait au mieux Ainsley, ce bourreau qui n'avait cessé de lacérer la chair et l'âme de la jolie Lily ; il l'avait charmée tout en la repoussant, l'avait torturée tout en la protégeant d'autres éventuels prédateurs tel que son cousin. Par ailleurs cette dichotomie des sentiments n'irait pas en s'arrangeant depuis qu'il avait posé ses lèvres à la coupe des siennes : lui qui s'était promis vouloir effrayer le moineau en feintant lui arracher son premier baiser de force, se contentant d'effleurer le coin de sa bouche framboisine par provocation, voilà qu'il n'avait su se retenir. Emporté par les tourbillons malsains d'un coeur qui ne cessait de s'affoler, tant il n'était pas habitué à cette cascade sentimentale si mal gérée. Ivre de ses émotions qu'il ne comprenait plus, le Gryffondor ne parvenait plus à penser correctement : devait-il achever la jeune fille, la garder pour lui ou la laisser partir ? La torturer d'avantage ne reviendrait finalement qu'à se mutiler lui-même, puisque la sentir si près semblait lui arracher des spasmes aussi douloureux qu'agréables. Sadique mais non adepte du sado-masochisme, Sin tira rapidement un trait sur cette option, préférant finalement libérer la mésange. Ainsi lui avait-il tourné le dos, prétextant l'envoi d'une missive pour la laisser filer... et glisser au passage une tirade sarcastique de son cru qu'elle accueillit dans une relative lucidité. « Je l'ai cru grâce à toi. Je te ferais dire que tu me... harcèle depuis presque quatre mois. » Un frisson glacé lécha son échine sous le joug de la sagacité qu'elle lui imposait : avait-il réellement harcelé sa petite martyr à cause de sentiments irrévélés jusque maintenant ? Certainement pas. Il se souvenait avoir posé les yeux sur elle parce qu'elle était une Potter... et que sa candeur fragile l'avait arrivé. Un nouveau frémissement vint nourrir le long de sa nuque sous cette pensée révélatrice, comme il crispa ses doigts oblongs sur le rebord de pierre. « Puisque tu me trouves désespérante... » Sin claqua une langue rustre contre son palais tandis que la voix cristalline de la belle s'élevait de nouveau, agacé par ses dires qui brisaient sa carapace d'acier bien plus qu'il ne se l'avouait. La jeune Serdaigle avait paré ses mots d'une acuité et d'un discernement particuliers, à tel point que le brun ténébreux ne comprenait plus lui-même le revirement un peu trop nerveux qui se jouait sous ses yeux. Observer sa frêle martyr s'approprier soudain des armes par la pointe perspicace de ses mots, alors qu'elle n'avait jamais su faire autrement que d'éviter avec fébrilité son regard carnassier et son sourire prédateur, relevait de l'irréel. Que s'était-il passé dans l'esprit de la demoiselle pour qu'elle se rassérène d'une telle manière ? Aveuglé par ses sentiments prenants qui le désarçonnaient par l'inconnu qu'ils représentaient, contrit par cette situation nouvelle, Sin ne parvint guère à user de son don d'observateur aguerri. Abattu par un coeur aux abois, écoeuré par ces papillons prenant leur envol dans son estomac noué, l'impénétrable Ainsley se concentrait d'avantage sur ce qu'il considérait comme des symptômes d'une maladie inconnue, que sur l'étrange attitude de Lily. Cette dernière osa même achever sa phrase en mentionnant le surnom de son bourreau, fait que le Gryffondor ne releva pas aussitôt. Ces foutus papillons n'allaient donc jamais trépasser ? Ses mains se crispèrent d'avantage sur la pierre, à en faire blanchir ses jointures.

Elle était partie. Non sans une tirade qu'il pensait particulièrement antilogique : ne venait-elle pas d'affirmer qu'elle voyait derrière ses actes crapuleux, l'avènement de sentiments puissants ? Et certes, c'était le cas... Néanmoins il était surprenant d'entendre une victime parler de la sorte. Le regard ambré de Ainsley se posa sur le paysage tandis qu'il sentit son corps raidi par les foudres d'un palpitant agité, se décontracter d'avantage. Tant et si bien que les prunelles pénétrantes du garçon toisèrent le vide qui s'offrait à lui... Captivant. Hochant la tête avec force afin de s'extirper de cette léthargie malsaine l'enquérant presque de sauter de la fenêtre pour mieux flirter avec le vide, Ainsley finit par amorcer deux pas en arrière avant de se retourner. S'échapper d'ici pour mieux fuir le néant... dans tous les sens du terme. Ne plus penser à cette fille dont le simple regard faisait vriller son myocarde et dont le nom hantait son esprit sans relâche. Ainsley Blackwood, bourreau des coeurs et tortionnaire aguerri prenait soudainement conscience des sentiments qui l'habitaient : dissimulés si longuement derrière ses démons l'intimant de martyriser la demoiselle, il s'avérait qu'il avait déguisé cette 'faiblesse' en une arme tranchante. Maladroit, encore et toujours. Sans doute était-il plus sage de laisser partir la mésange, se trouver un autre martyr et se noyer dans les affres suffocantes de la luxure de nouveau. Utopie cinglante coupée dans son élan, car à peine allait-il passer le seuil de la volière qu'une silhouette furtive lui sauta au cou, figeant son coeur dont le battement loupé lui extirpa un dernier souffle.

Lily Potter dans le creux de ses bras dont la langueur avait capturé maintes catins, et qui aujourd'hui se calaient contre les courbes d'une virginale ingénue. Pouvait-il savoir, en ce funeste instant, qu'il paierait ses crimes et ses sentiments par le mensonge que la Serdaigle était en train de broder ? Sans doute pas, car le jeune homme d'abord figé de stupeur, d'un souffle passant difficilement la barrière de ses lèvres, finit par resserrer son étreinte à son tour. Peu de luxure et d'avantage de tendresse, pour un mensonge qui achèverait l'arrogant garçon dont la légende lui prêtait un coeur de pierre. Ces plaisirs violents ont des fins violentes, aimez-vous modérément.