Le bâton de rose pâle trouve la lèvre inférieure, et, délicatement entraîné par la main qui le tient, dépose un petit peu de lui sur la lippe veloutée, lui abandonnant un peu de se sa couleur, lui donnant un aspect légèrement scintillant. Avec la même délicatesse, le khôl pare le dessous des yeux, et le mascara les cils. Cyanure est toujours légère lorsqu'elle se maquille. Il s'agit de s'arranger, de charmer, et non de séduire. Son public ? Des jeunes, encore des enfants, des adolescents, difficiles créatures entre deux âges, et de jeunes adultes. Pour les plus jeunes, l'objectif est de les intéresser, de leur donner envie d'apprendre et, au-delà de ne plus redouter d'avoir de la terre sous les ongles, rechercher le contact, devenir manuel, observer, écouter. Pour les plus âgés, cette phase est dépassée. Il faut maintenir l'ordre et la discipline chez ceux tentés d'instaurer le chaos, tout en dispensant un enseignement de qualité pour ceux qui sont intéressés. La botanique n'est pas la matière que les élèves préfèrent, d'ordre de général. Cyanure s'en fout. Elle n'est pas là pour les chouchouter, elle est là pour les éduquer et les instruire. L'instruction est primordiale, l'éducation est secondaire, d'avantage un objectif personnel, qu'elle s'est fixée en voyant la rapidité à laquelle des valeurs comme le travail et le mérite se dégradent, puis disparaissent. Maquillées, ses lèvres s'ourlent d'un sourire. Sa réputation, elle ne l'a pas volée.

D'ordre général, elle ne vole rien, et ne doit rien à personne. Cyanure s'est faite toute seule, elle a été élevée ainsi. Son père lui a appris à ne jamais avoir honte de ce qu'elle faisait ou aimait, s'est toujours enorgueilli de l'avoir suffisamment bien élevée pour qu'elle aime et fasse des choses qui ne soient pas répréhensibles. La moquerie est partout, ainsi que la condescendance, mais tous deux s'éventent aussi rapidement qu'une étincelle face à un mur d'indifférence. Sa mère, quant à elle, a complété le tableau qu'est devenue Cyanure en attendant toujours d'elle bien plus que le parent moyen. Pourquoi ? Parce que sa fille possède bien plus qu'une intelligence moyenne. Leçon très importante que celle-ci. « Apprends à voir où se situent les limites des autres, ainsi tu ne seras jamais déçue car tu n'attendras jamais rien qui les dépasse. » Mrs Grindelwald est une femme éclairée, qui n'a jamais rougi, elle, royale suédoise, d'être mariée à un paria du monde magique. « Sois fière, Cyanure. » lui ont-ils toujours seriné. Alors, elle est fière. Elle est fière, et orgueilleuse. Elle ne laisse personne la rabaisser, et ne se laisse jamais, au grand jamais, intimider. Elle est d'une assurance souffrant nulle comparaison, d'un aplomb que rien n’ébrèche. Les grandes vérités de la vie, elle les connaît et compose avec elles en son âme et conscience. Intransigeante, c'est un professeur qui ne jure que par le mérite. Son indifférence au statut social ou à la pureté du sang de ses élèves est une réalité au nez à la barbe de la fantaisie macabre de ses collègues, pour lesquels elle a un niveau d'exigences très élevé. A ses yeux, n'importe qui n'est pas un bon enseignant, et n'importe quelle pédagogie n'est pas applicable de façon universelle. Elle méprise le sadisme et le favoritisme.

Ses élèves la détestent en raison de sa sévérité. Ils sont persuadés qu'elle l'ignore, mais elle est parfaitement au courant. Cyanure n'est ni conciliante, ni accommodante. Elle attend de ses élèves qu'ils soient attentifs et impliqués. Dans le cas contraire, elle leur impose à tout le moins le silence, et s'en désintéresse. Pendant son cours, on peut jouer aux cartes, du moment que c'est en toute discrétion. Après tout, elle n'est pas payée au prorata des élèves qui réussissent dans sa matière, et l'échec n'est pas son problème. Elle estime qu'elle a des armes à donner aux jeunes qui passent par la porte de ses serres, mais elle ne leur courra pas après pour les leur donner. Libre à eux de les prendre quand elle les leur tend. Cependant, elle est intolérante, intraitable avec celles et ceux qui perturberaient son cours, n'hésitant pas une seule seconde à recourir à la violence et/ou la magie. On récolte ce que l'on sème est son mentra. En l'occurrence, on ne sort pas indemne de son cours quand on est un petit branleur de seize ans qui a voulu jouer au plus malin avec une sorcière de son niveau. Il est arrivé par le passé que Cyanure soit désavouée par certains de ses collègues, qui la trouvaient trop extrême. Elle s'en est toujours moqué et s'en moquera toujours. Dans la vie, il y a toujours plus fort et plus faible que soit. Il est important, selon elle, que les élèves l'apprennent rapidement. Elle n'est pas là pour couver qui que ce soit. Elle est là pour enseigner, et l'enseignement, à ses yeux, dépasse sa simple matière. Elle désire leur donner un aperçu de la cruauté et du caractère impitoyable du vrai monde. Ainsi ne risquent-ils pas de tomber des nues sitôt la grille rassurante de l'école passée.

Toutefois, bien que les apparences ne jouent pas en sa faveur, on ne peut pas qualifier Cyanure de « méchante ». En fait, elle est non manichéenne. Son éducation stricte ainsi que son parcours semé d'embûches l'ont endurcie, la rendant forte, forgeant sa détermination, ses valeurs morales. Mais ce n'est pas tout. La blonde nordique est également une femme pragmatique, avec un regard acéré sur son temps, sur les courants socio-culturels. Elle voit le monde de façon froide et désenchantée, parfaitement consciente que nécessité fait loi. C'est cette raison, plus qu'un accord d'idéaux, qui lui vaut sa place chez les mangemorts. Les aspirations de Cyanure sont simples. Elle a toujours désiré enseigner, transmettre son savoir et ses valeurs, qu'elle tient de ses parents, pour qui elle a le plus grand des respects et des estimes, et bénéficier d'un certain confort. Par les temps qui courent, le confort et la tranquillité, et encore relative, ne s'acquièrent que du côté des partisans du Lord. Cependant, elle ne cautionne pas ses actions, pas plus qu'elle n'adhère à ses principes. Sa survie, elle ne la doit qu'à l'occlumencie, domaine dans lequel elle excelle par nécessité. Sa volonté a toujours été particulièrement forte, de forte qu'une cible comme elle est impossible, ou extrêmement difficilement, à soumettre à l'imperium. De ce fait, l'apprentissage de l'occlumencie s'est imposé comme une évidence. Sa mère lui a toujours répété que les pensées étaient un trésor inestimable à protéger, à défendre, envers et contre-tout, et l'expérience lui a donné raison.

Cyanure évolue dans un nid de vipères, dans lequel elle est un cobra. Le sourire qu'elle affiche trahit son assurance, l'aise avec laquelle évolue sur ce terrain miné. Bien qu'orgueilleuse, elle reste pourtant emprunte d'humilité. Ses ambitions ne sont pas aussi folles que celles des Résistants ou des Phoenix. Elle, elle désire agir à la source, sur la jeunesse, les dirigeants de demain... C'est pour en faire des personnes intègres et morales qu'elle leur fait la vie dure et les confronte à l'échec, à la frustration, et surtout, qu'elle fait tout son possible pour leur montrer l'exemple, l'exemple d'un professeur intraitable, sans passe-droit, qui récompense et puni en fonction des efforts fournis et pas en fonction d'un résultat. Et ils la détestent pour ça. Mais... Elle s'en fout. Envers et contre tout, son sourire reste.