vis ma vie
Passé : Début Juin 2023
Pré-Au-Lard
“Oui oui c'est bon, j'arrête de parler des ASPICS et des études.” Tu ne peux que remarquer l'air légèrement agacé de tes interlocuteurs et tu te mets à sourire. Ton bras s'enroule autour des épaules d'Eleanor et tu poses un baiser sur sa tempe. Comme à chaque fois que vous vous retrouvez tu n'as qu'une envie, l'étreindre de toute ta force -ce qui ne la met pas en grand danger, il faut le concéder- et ne plus la lâcher. Tu savais que quitter Poudlard, ne plus la voir tous les jours serait dur, mais tu ne t'attendais pas à ce qu'elle te manque autant. Tu pensais que les longs parchemins que vous vous écriviez serviraient à combler son absence. Tu t'étais bien leurré.
“Mais vous savez que si vous avez besoin d'aide je suis toujours à portée de plume. Je ne voudrais pas que vous redoubliez ou que vous ne puissiez pas atteindre vos objectifs. D'ailleurs qu'est-ce que tu comptes faire Ace? Rentrer en année pré... Ellie ! Reviens ! J'arrête !” Tu aurais dû le voir venir, tu aurais dû arrêter de parler du futur, du travail et simplement bavasser mais c'est toujours plus fort que toi. Tu as ce besoin viscéral d'être organisé et de savoir ce qu'il va vous arriver, tu ne vis que pour cela. Peut-être parce que ta vie sans ta petite-amie et ton meilleur ami te paraît stagner, presque fade. Aemon sourit face à toi apparemment amusé de tes déboires, tu passes ta main désormais libre sur ta nuque et poses ton coude sur la table.
“Je l'ai encore mise en pétard pas vrai ?” Tu soupires, désespéré. En un an, ce n'est que la troisième fois que vous êtes parvenus à vous voir. Une simple journée, et pour être certain d'être de congés lors de leur sortie trimestrielle au Pré-Au-Lard tu as du enchaîner des heures impossibles à Ste Mangouste. Ça ne te dérange pas en soit, d'une part tu adores ton travail quand bien même tu n'es pour l'instant que celui qui prend des notes et étudie alors que tes supérieurs exécutent et tu as de toute manière du temps à tuer vu que Liam n'a que peu d'heures à t'accorder, avec sa carrière dans le Quidditch. Il n'empêche que tu aimerais donc profiter de chaque instant avec eux. Cette journée n'a cependant pas fait exception, Ellie est partie te faire la tête pendant une heure ou deux. Quelque part, cela est rassurant puisque vous retrouvez votre dynamique habituelle, vos petites habitudes et malgré la distance vous avez toujours cette relation sincère et naturelle. Tu continues donc de boire ton café sachant qu'elle reviendra vous trouver une fois qu'elle t'aura pardonné ton manque d'allégresse et profite du temps que tu as avec ton meilleur ami. Vous plaisantez, tu écoutes ses histoires, celles du château, tu lui évoques tes idées pour quand enfin il sortira de Poudlard et vous rejoindra, celui de programmer des vacances en Amérique s'il souhaite y retourner. Les minutes passent et comme tu t'y attendais elle revient s'assoit à tes côtés, échange une blague avec Aemon. Ton cœur se serre légèrement parce que tu sais que d'ici deux heures vous serez tous les trois à nouveau séparés, mais tu gardes cela pour toi, essaie de profiter des instants qu'il vous reste tout en rêvassant des années à venir, lorsque vous aurez ce genre de réunion sur le Chemin de Traverse après une dure journée de travail.
Présent : Septembre 2023
Londres
Ellie,Tu poses ta plume sur ton parchemin toujours vierge. Autour de toi, des dizaines de brouillons jonchent le sol. Tu ignores depuis combien de temps tu es assis au milieu de ton studio. Combien de fois tu as recommencé ta missive. Assez pour avoir les yeux qui brûlent et devoir ôter tes lunettes afin de les frotter. Tu te laisses tomber en arrière afin de reposer ton dos engourdi à force de te pencher sur cette table trop basse. Tes doigts sont tâchés d'encre et tu n'as toujours rien. A chaque fois tu écris des mots qui dépassent ta pensée. Tu hais cela, tu sais qu'elle cherche seulement à te soutenir dans la mesure de ses moyens. Pourtant, elle t'exaspère, elle t'étouffe. Tu fermes tes yeux, sais que tu es au bord de la rupture et risque une fois de plus de laisser des larmes t'échapper. Il en est de même à chaque fois que tu te permets de le penser, à chaque fois que tu laisses ta rancœur s'en prendre à elle. Tu ressens cette immense vague de culpabilité et te secouer. Depuis que vous êtes ensemble tu sais qu'elle est la bonne, l'unique. La sorcière qui est faite pour toi et tu as conscience qu'avec ton attitude elle risque de partir. Ça te bouffe de l'intérieur, tu exècres tout simplement cette idée. Tu sais ce que tu devrais écrire dans cette lettre. Tu devrais t'excuser, la rassurer ; seulement tu vas relire ses premières phrases et te mettre à nouveau en colère. Que s'imagine-t-elle ? Que subitement tout s'est arrangé ? Que tu t'es remis de la nouvelle de la mort de Liam ? Tu te demandes brièvement pourquoi ses missives te mettent toujours dans cet état de colère permanent alors que celles d'Aemon, elles te font sourire. Peut-être parce qu'il évite le sujet, peut-être parce qu'il a compris que tu as besoin de te changer les idées et que tu n'as pas envie de décrire de A à Z ce que tu ressens. Tu secoues la tête, ta rancœur est telle que tu te mets même à prêter des intentions qui ne sont pas dans les lettres de ta petite-amie. Tu es ignoble, tu te détestes et pourtant tu ne peux pas te modérer. Même le sortilège le plus puissant ne t'aiderais pas à atténuer ta colère, à ne serait-ce que songer à retourner à ta vie normale. Oh certes, tu continues tes gardes, à exécuter ton travail avec application, mais ton cœur n'y est pas. Ton cœur n'est plus. Toute ton âme est focalisée sur cette vengeance qui bout dans ton sang. Tu veux faire payer face de serpent et ne t'arrêteras que lorsque tu auras mené ta mission à bien. Quand bien même cela équivaut à être une mission suicide. Chaque nuit tu as le même rêve, ton frère s'écroulant au sol, sans vie et tes recherches dans le brouillard. Cette opportunité qui s'offre à toi, ta baguette qui se lève. Puis tu te réveilles en sueur. Même dans ton imaginaire tu ne parviens pas à réussir à exécuter ton plus profond désir mais tu sais que tu ne parviendras pas à trouver un quelconque repos afin d'avoir essayé. Non tu ne souhaites pas mourir, et non tu n'es pas un optimiste fini. Cela n'a aucun sens, pas même dans ton esprit, il n'est donc guère étonnant qu'elle ne parvienne pas à te comprendre. Et tu ne peux pas essayer de t'expliquer par hibou, que tu ne puisses lui fournir les informations qu'elle désire avoir. Tu n'en as jamais eu la confirmation, mais tu es persuadé que les missives de chaque élèves sont lues avant de leur parvenir et n'étant pas déclaré comme mangemort tu crains que les tiennes ne soient examinés qu'avec davantage d'intérêt. Alors tu te contentes de réponses vagues afin de ne pas lui mentir. Quelques mots à propos de ta tristesse et de tes journées. De quelques collègues. Des réponses bien plus fades que celles que tu avais l'habitude de lui envoyer. Pas étonnant qu'elle ne sache comment réagir, quoi t'écrire, qu'elle te pose mille et une questions. Elle ne te reconnaît plus. Tu ne te reconnais plus. Tu es définitivement un sorcier différent de celui qui a quitté Poudlard un an plus tôt et si ton meilleur ami semble l'avoir compris ce n'est pas son cas à elle.
Passé : Eté 2022
Poudlard
Le temps a filé à une vitesse que tu n'imaginais pas possible. Tu restes silencieux près de celui qui est devenu ton meilleur ami, le regarde joué avec une balle qu'il a déniché tu ne sais où. Tu devrais être en train de finir tes bagages mais tu as préféré le rejoindre et profité de quelques dernières minutes avec lui. Tu te mords la langue, te retiens de lui dire qu'il ferait mieux de regarder quelques grimoires et se préparer pour sa sixième année au lieu de rêvasser. Tu sais que ça ne servira à rien parce qu'il ne se lèvera pas pour autant pour se rendre à la bibliothèque. Il finit par briser le silence, chose que tu n'étais absolument pas prêt à faire. Parler ne fera que rendre ton départ plus réel, inévitable et tu n'es pas réellement prêt à accepter l'idée que vous allez être séparés pendant deux voire trois années. Tu te revois il y a environ trente et un mois (bon, exactement trente et un mois, douze jours une heure et... quatre minutes maintenant) debout devant lui et Eleanor te faisant de grands gestes. Tu la revois te pousser à l'aide d'un sortilège -qu'elle aurait pu exécuter mille fois mieux si elle s'était réellement concentrée- après t'avoir une fois de plus sermonné sur ton manque de sociabilité. Tu ne pouvais pas, selon elle passé tout ton temps libre dans les bouquins alors qu'elle était occupée avec ses amis. Tu ne voyais pas vraiment d'où le problème venait, tu aimais lire et apprendre et tu n'avais pas réellement envie de te mêler aux autres, réaliser que malgré tes efforts tu n'arriverais jamais à te fondre dans la masse. Tu ne lui as jamais dit que ton ressentiment était causé par une peur immense du rejet alors pour lui faire plaisir et lui prouver que tu n'étais pas le genre de personne avec qui le nouvel élève souhaitait passer son temps libre -à moins qu'il ne désire te rejoindre au bas de l'échelle sociale-tu avais accepté. Voilà qu'au jour d'aujourd'hui non seulement vous étiez amis, mais qu'il t'a également aidé à sortir de ta carapace. Depuis que tu t'es lié d'amitié avec Aemon, d'autres élèves te disent bonjour dans les couloirs, viennent à ta rencontre. Tu passes environ quarante-cinq minutes de moins avec Mme Pince chaque jour pour profiter de sa présence. Puis une autre heure pour passer du temps tous les trois avec Ellie. Ce n'est pas une surprise que les meilleurs souvenirs que tu auras de Poudlard seront ceux de votre trio. Tu soupires.
“Je n'ai jamais été très doué pour parler de ce que je ressens, et là je t'avouerai que je ne sais pas où j'en suis.” Tu tournes ta tête et voit le visage sérieux de ton ami ce qui te pousse à faire la requête qui traîne dans ton esprit depuis quelques semaines.
“Je n'arrive pas à croire que je vais partir, vous laisser tous les deux à Poudlard. Que je ne pourrais plus veiller sur Ellie. Je...” Parler non, montrer oui. Tu étouffes un sanglot et tu sais qu'il a compris. Qu'il prendra soin d'elle. Tu murmures un bref remerciement et tombe à nouveau dans ton mutisme, simplement profitant de sa présence à tes côtés quelques minutes. Avant de retourner faire tes bagages.
Tes bras entourent sa taille et ta main effleure l'une de ses larmes. Durant ces derniers mois tu n'as eu de cesse de penser à cette journée. Celle où vous devriez vous séparer. Tu as beau eu te préparer, cela n'en est pas moins déchirant. D'ici quelques minutes un mangemort va t'escorter en dehors de Poudlard, t'éloigner d'Eleanor. Vous pourriez rompre, cela serait plus simple, moins blessant, moins compliqué. Etre libres jusqu'à qu'elle soit à son tour diplômée, vous donner un rendez-vous et peut-être reprendre votre histoire. Vous pourriez. Mais l'idée ne te satisfait pas. Et si elle rencontrait quelqu'un d'autre ? Tu ne t'en remettrais pas. En trois années elle était devenue le centre de tes décisions, la raison de toutes tes actions. Tu sais que cela n'est pas sain mais il s'agit de la pure vérité. Tu la serres contre ton torse, essaies de respirer normalement mais ton souffle a des ratés. Ta main passe dans ses cheveux Un geste habituel, paisible qui te fait presque oublier que vous vous dîtes au revoir. Tu as conscience de ne pas pleinement réaliser que vous allez être séparés durant deux années entières. Tu ressens une pointe de colère envers cette règle interdisant les élèves de quitter le château. Mais que peux-tu faire ? Que peux-tu faire si ce n'est accepter la situation et attendre ? Tu pourrais postuler à Poudlard, devenir l'assistant d'un professeur ; après tout tu as toujours été bon élève. Mais ce serait risqué. Pour toi, pour elle, pour Aemon, pour tes proches. Tu as toujours été un piètre menteur et ta véritable allégeance ne tarderait pas à être découverte. Tu n'as jamais eu une grande résistance physique et tu crains de ne pas être en mesure de te taire. Tu sais qui tu es, ce que tu es capable de faire et même si ton cœur te supplie de rester, ta tête te prouve que ce n'est pas le bon choix. Tu veux te battre pour tes idéaux, mais dans la mesure de tes moyens. Etre un infiltré ce n'est pas pour toi. Alors tu tais ton égoïsme et tu poses tes mains sur le visage d'Eleanor. Malgré les années durant lesquelles vous avez effectué ce geste, ton cœur s'accélère et ton souffle se coupe avant que tu ne poses tes lèvres sur les siennes. Ses mains empoignent ta chemise avec force. Tu ne sais ce qu'il se passe dans sa tête mais tu serais prêt à parier qu'elle comprend d'avantage que toi ce qu'il se passe, qu'elle réalise mieux que toi. Cela a toujours été le cas. Tu entends quelqu'un t'appeler et desserres ton étreinte. Tu fais glisser ton écharpe bleu et bronze de ton cou et l'échange avec la sienne. Tes mains en enserrent les bouts, tu ne sais quoi dire alors tu restes sincère et simple.
“Je t'aime”. Tu poses brièvement tes lèvres sur son front et lui tend la lettre que tu lui as rédigé cette nuit ne parvenant pas à trouver le sommeil. Tu te saisis de la main d'Aemon qui est resté en retrait et l'enserre en lui tapant le dos, le remercie encore une fois et tournes les talons. C'est uniquement au bras du mangemort, observant son visage peiné que ton cœur se brise et qu'une larme t'échappe.
Ellie,
Peut-être viens-je seulement de te quitter, peut-être suis-je déjà parti depuis quelques heures. Quoi qu'il en soit je suis déjà à des kilomètres de toi et soit certaine que je suis en train de parler ou tout du moins de penser à nous. Peut-être suis-je en larme (tu sais à quel point je peux me montrer sensible) mais je suis heureux. Heureux que nous ayons pris cette décision, heureux de toujours répondre à cette appellation de petit-ami.
En cet instant je suis dans ma salle commune et tu me manques. Je n'ai jamais autant souhaité avoir ton courage et ta témérité, ainsi nous serions ensemble ce soir et profiterions de chaque dernier instant. A cet instant, je te serrerais dans mes bras, je plongerais mon visage dans tes cheveux, je me saoulerais de ton essence dans le but d'en apporter un avec moi. J'ai bien entendu hâte que ces deux années soient derrière nous, que nous puissions nous retrouver et enfin dormir l'un à côté de l'autre. Je rêve de pouvoir t'observer au petit matin toujours plongée dans les bras de Morphée, te réveiller par une caresse ou un baiser. Voir ton sourire illuminer ma journée. C'est cette pensée qui me donne la force d'accepter ce qui arrive, qui me convainc que nous sommes assez forts pour y parvenir. Je t'aime Eleanor, comme je n'aurais jamais pensé aimer quelqu'un. Tu as fait de ces dernières années les plus belles de mon existence. Je sais que notre monde est loin d'être idéal, que nous devons tous faire face à des difficultés et ta présence les rend surmontables. Je ne sais ce que je serais devenu si tu n'étais pas arrivée dans ma vie. Tu m'as ouvert les yeux et m'a fait découvrir ce qui nous entoure. Je me demande constamment si je n'ai jamais eu cet impact sur toi, si par mon contact tu as autant appris que moi par le tien. Je n'ai jamais compris ce qui t'as poussée vers moi et ne te serais jamais assez reconnaissant pour m'avoir choisi, pour me donner ton amour, ta confiance.
Comme tu le sais, tu as les miens et quand bien même tu ne peux pas me répondre de vive voix, j'aimerais que tu me fasses une promesse. Ne tente rien de stupide. Réfléchis avant d'agir. L'idée que tu puisses avoir des problèmes me glace d'effroi. S'il te plaît, je ne souhaite pas recevoir une quelconque missive m'annonçant que tu as pris des risques inconsidérés et que tu es blessée. Je tiens à te retrouver de préférence en un seul morceau. Prend soin de toi, je t'en prie. Je sais que tu es une dure à cuire qu'il en faut beaucoup pour t'impressionner, néanmoins être prudente ne te seras jamais aussi utile. J'espère que même à des kilomètres de toi, je continuerai à avoir une influence sur tes choix, que tu penseras à moi avant de te jeter tête première dans quoi que ce soit.
Tu me connais, je pourrais enchaîner des heures là-dessus et je ne souhaite pas que tu me lèves les yeux au ciel (si ce n'est déjà fait). Garde simplement à l'esprit que je t'attendrais impatiemment, t'aime profondément, et espère que tu sauras profiter de tes deux dernières années. (Si tu savais à quel point je me suis retenu d'ajouter paisiblement, sagement, prudemment ou n'importe quel autre adverbe trahissant mon inquiétude...) Quand bien même te lire me fera toujours un immense plaisir, vis ta vie avant tout. Tu as toute ma confiance
Je t'aime
JeffPrésent : Septembre 2023
Londres
Lorsque tu ouvres tes yeux, ils se posent directement sur l'écharpe roulée en boule sur le rebord de la fenêtre. Ça y est la culpabilité te ronge méchamment. Tu te surprends à porter un ongle à ta bouche et te lèves frustré. Tu t'empares de ta veste et te décide à faire un tour dehors quand bien même la nuit commence à tomber. Tu espères naïvement qu'à mesure que tu descends les marches tu sauras penser à autre chose, que tu laisseras Ellie et tes sentiments là-haut dans ton studio. Naïvement. A peine as-tu mis le nez dehors que tu tires une cigarette de ta poche, la mets à la bouche et tâtonnes tes poches à la recherche de quoi l'allumer. Tu pourrais retourner sur tes pas afin de régler ce léger problème mais ne te sens pas d'attaque à affronter la présence factice de ta petite-amie que ce soit par les parchemins traînant au sol ou le vêtement que tu lui as emprunté le jour de ton départ. Il ne te faut pas bien longtemps avant de trouver un passant capable de te prêter un briquet. L'avantage de vivre chez les moldus qui sont à ton avis bien plus accros à la nicotine que vous autres. Tu as conscience qu'il te faudra bientôt déménager. Un sorcier vivant volontairement chez les dénués de pouvoir n'est plus mornille courante. Cependant l'idée te déplaît. C'est le studio que tu as choisi pour vivre avec elle et le quitter serait comme la trahir. Admettre que votre histoire n'as plus de sens et touche à sa fin. A effacer toute trace de bonheur que tu as pu ressentir grâce à elle, à supprimer la seule preuve tangible que tu ne pouvais imaginer ta vie sans elle. Tu repousses l'idée, las de voir toujours tes pensées dériver vers Eleanor. Tu tires une bouffée et serres ton poing espérant atténuer la colère qui ne quitte désormais plus tes veines.
Pour une soirée de fin août la nuit est plutôt fraîche. Tu remontes le col de ta veste et erres dans les rues sans but précis. Tu vois ton souffle se matérialiser en buée et sens ta main droite trembler autour de ta cigarette. Tu jettes négligemment le mégot avant de réaliser que tu es arrivé devant son appartement. Celui dans lequel tu as séjourné en sortant de Poudlard afin d'être proche de ton travail et en attendant de te dégoter ton “petit nid d'amour” comme l'appelait Liam. Tu es resté un peu plus de trois mois chez ton aîné. Tu te souviens de vos moments complices, de votre facilité à vivre ensemble. Tu te mets à sourire en te remémorant vos parties de batailles explosives, vos légères disputes et votre manière de régler vos conflits en jouant à cette console moldue. Tu souris avant de te rappeler que cela appartient au passé, que tu ne le verras pas passer la porte et te serrer dans ses bras. Te demander des nouvelles d'Ellie, de tes nouveaux patients. Que vous ne partirez pas côte à côte au Chaudron Baveur et que tu ne le verras pas faire une énième tentative de charme à l'une des serveuses. Tu t'écroules sur le banc et saisis et baisse la tête dans tes mains, empoignes tes cheveux et laisses tes larmes t'échapper à nouveau. Ton frère n'est plus et tu as encore du mal à te faire à l'idée, à être le seul à te souvenir de tout ce que vous avez vécu ensemble. Il a été ton modèle, ton ami, ton confident, ton pillier et il est parti.
Passé : Eté 2019
Poudlard
Tu remarques instantanément le regard moqueur de Liam alors que tes bras se desserrent de la taille d'Eleanor et la laissent filer à l'intérieur de la salle commune. Il n'a pas besoin de dire quoi que ce soit tu te mets à le suivre. Tu sais d'ores et déjà quels seront ses premiers mots. Oui, il avait eu raison depuis le début et avait réalisé ce que tu avais mis des mois à comprendre. Comme d'habitude. Cela pourrait énerver bien des personnes mais cela n'était pas ton cas. Tu appréciais qu'il te connaisse autant, qu'il puisse même prédire ce que tu allais faire sans que tu n'en aies conscience. Il en était ainsi depuis que vous étiez gamins et cela s'était intensifié avec vos années communes à Poudlard. Cinq années. Bien que séparés dû à la répartition qui vous avait placée dans deux maisons différentes vous passiez énormément de temps l'un avec l'autre. Il t'a pris sous son aile dès que tu es arrivé au château et t'a guidé. Il t'a mis en garde contre les professeurs qui te donneraient du fil à retordre à cause de vos origines, t'a présenté à ses amis pour qu'ils te protègent contre ces sangs-purs qui recherchaient des têtes de turcs dans les premiers années. Tu n'as jamais été quelqu'un de particulièrement fort et Liam n'a pas perdu de temps avant de gérer ce problème. S'il t'a sauvegardé physiquement, il ne t'épargnait cependant pas ce qu'il se passait. Hors de question que tu sois dans une bulle magique et qu'elle n'explose à son départ. Alors il t'a poussé à le rejoindre chez les résistants. Ce qui n'a pas été bien difficile. Tu savais à quel point le régime mis en place était despotique et devait être arrêté. Quand bien même tu étais incapable de faire de mal à qui que ce soit, pas même pour défendre ta propre vie tu souhaitais apporter ta pierre à l'édifice. En deuxième année tu avais déjà le phénix cousu sur ta manche. Tu ne t'en vantais pas, restais invisible que ce soit en cours, dans le château, lors de vos réunions mais tu étais là, observait et n'en ressentais pas moins. Etrangement tu n'as pas tant changé que cela en trois ans. Tu étudies toujours avec application, est toujours incapable de te battre, suis toujours ton aîné comme si ta vie en dépend. Tu réponds à son sourire alors qu'il pousse la porte d'entrée de l'école afin de se rendre dans le parc.
Vous marchez en silence, appréciant la présence de l'autre tant que vous le pouvez. D'ici quelques jours il quittera Poudlard son diplôme en poche. Tu sais qu'il n'a effectué cette dernière année que pour deux raisons. Faire plaisir à votre Serdaigle de mère et rester un peu plus longtemps avec toi. Tu sais qu'il a d'ores et déjà reçu des invitations afin de jouer dans quelques petites équipes de Quidditch. Son rêve. Alors que vous vous asseyez il te saisit la tête dans le creux de son coude et t'emmêlent les cheveux de sa main libre. Tu ne cherches pas à te débattre sachant qu'il est inutile de lutter contre sa force de batteur. Il est toujours d'un naturel heureux mais tu sens qu'il exulte. Tu comptes mentalement dans ta tête. Trois, deux...
“Alors je ne te l'avais pas dit ? Toi et la petite Ellie. Mon frangin a enfin sa première copine.” Tu ne peux t'empêcher de répliquer.
“Qu'est-ce que t'en sais, elle n'est peut-être pas la première.” Il se met à rire, son hilarité est si forte qu'il te relâche et doit s'allonger pour reprendre son souffle. Evidemment qu'elle est ta première petite-amie. Tu n'es pas ce genre d'adolescent après qui les sorcières courent après. Ce qu'elles souhaitent c'est quelqu'un de fort, qui puisse les protéger. Pas un rat de bibliothèque qui peut corriger les fautes de syntaxes d'un imbécile qui les martyrisent. Pourtant... pourtant c'est ce qu'Eleanor voulait. Et tu n'as jamais compris pourquoi. Ça n'a jamais eu aucun sens pour toi. Elle est tout ton opposé, tu lui tapes sur les nerfs à vouloir l'aider à corriger ses parchemins avant qu'elle ne les rende, à répéter par réflexe les formules qu'elle prononce maladroitement. Et pourtant elle revient toujours. Tu as cru qu'elle finirait par se lasser, après tout elle était jeune. Ce n'est pas arrivé. Et tu as craqué. Tu as cédé à ses avances cette après-midi lorsque vous étudiez à la bibliothèque et qu'elle t'a convaincu de faire un tour sur le terrain de Quidditch à la place. Tu n'as su résisté à son visage illuminé par la joie.
“C'est quoi ça ? Tu t'es battu avec une chouette ?” Tu regardes le bleu qu'il pointe et marmonne un
“tombé d'un balai” dans ta barbe.
“Toi ? Sur un balai ? Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que... ah je vois.” Il te reprend sous le coude. Il n'a pas mis longtemps avant de faire le lien entre ta réponse et tes joues rougies.
“Elle tombe vraiment à point nommé. Tu seras entre de bonnes mains avec elle. Pas besoin que je m'inquiète pour mon petit Jeff, Ellie sera là pour le défendre.” Cela te fait légèrement passer pour un benêt, mais il dit vrai. Eleanor est semblable à Liam et elle prendrait ta défense si quelque chose t'arrivait. Tu te promets de changer, de devenir plus fort afin de toi aussi être capable de t'imposer en cas de besoin et être là pour elle.
“Je veux que tu me tiennes au courant de ce que tu fais à Poudlard et de l'état de votre relation. J'ai l'impression que vous êtes collés ensemble pour un bon moment.” Une tape dans l'épaule et le silence à nouveau. Il est certain que ton aîné va te manquer. Enormément. Mais tu sens qu'il a raison. Qu'Eleanor et toi c'est fait pour durer et que tu as de quoi attendre avec impatience les années qui arrivent, ce malgré tout ce qui peut se passer de détestable et injuste autour de vous.
Présent : Septembre 2023
Londres
Tu regardes autour de toi et ne comprend ce qui vient de se passer, pourquoi tes mains sont rêches, comme terreuses, pourquoi ta paume droite te lance, pourquoi le sol est jonché de débris et de pétales écrasées. C'est encore arrivé. Tu as encore eu un épisode. Tes mains tremblent et tu te mets à hurler avant de t'enfuir en courant. Peu de temps car rapidement tes poumons sont en feu et tu as le souffle couper. Foutue idée que de te mettre à fumer. Comme si cela allait parvenir à te calmer. Tu réalises que tes joues sont humides, que tu es à bout de force. Tu aurais pensé qu'à mesure des semaines tu parviendrais à mieux gérer ta colère, ton sentiment d'injustice. Tu aurais pensé être capable de penser normalement et te focaliser sur ton but. Ta vengeance. Cela n'a pas l'air d'être au programme. Tu te regardes dans la devanture d'un magasin multimédia, ton reflet est flou, brouillé et tu remarques qu'il pleut. Tu tends la main, sens à peine les gouttes sur ta peau. Exactement comme le jour de ses funérailles. Tu te mets à rire de fatigue. Ses funérailles. N'étaient-ils pas censés enterrer un corps pour qu'il soit question de funérailles ? Son torse et sa tête Voilà tout ce qui vous a été donné. C'est à ce moment-ci que tu as explosé, que tu as voulu te jeter sur ce mangemort irrespectueux qui vous regardait d'un air dédaigneux. Il a fallu que ton père te lance un sortilège pour te calmer, te retenir de dépecer cette saleté de sbire à mains nues. Tout ton pacifisme venait de s'envoler, d'un claquement de doigt. Tu te rappelles vaguement être monté dans ton ancienne chambre et détruire tout ce que tu avais à portée de main. Ta mère accourir et t'enlacer, te priant de te calmer. Et deux jours plus tard, vous avez rassemblé le peu de famille que vous possédiez, tu es resté des heures après que l'on ait recouvert le cercueil, trempé, lui jurant de le venger, de le rendre fier. Tu ignores encore ce qu'il s'est passé, Tu sais seulement qu'il était en mission pour l'ordre, qu'il devait protéger l'un de ses membres clés. L'un des Weasley. Qui de toute manière n'a pas survécu. Un moldu te bouscules et tu reprends tes esprits, regarde les nouvelles toutes aussi désastreuses les unes que les autres, conscient qu'il en est de même chez vous, dans le monde des sorciers. Tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas ce qui a bien pu se passer pour que vous viviez dans un monde aussi injuste, haïssable, égoïste. Il te paraît maintenant évident que si vous souhaitez survivre vous devez devenir cette copie conforme. Et tu es prêt à faire ce sacrifice. A abandonner qui tu étais pour être capable de mener ton objectif à bien. Tu es prêt à renier ton éducation.
Passé : Eté 2014
Stackpole
“Erbin, est-ce que tu es prêt ? Ton accompagnateur ne devrait plus tarder.” Tu regardes quelques secondes ta chambre, réalisant à peine que la prochaine fois que tu y mettras les pieds tu auras dix-sept ans. Ou dix-huit. Dix-huit probablement. Depuis que tu es petit ta mère est persuadée que tu vas atterir dans la même maison qu'elle. Les Serdaigles. Elle a probablement raison, tu as déjà dévoré le moindre livre présent dans votre maison perdue dans le Pays de Galles.
“Oui M'man. Je regarde juste par la fenêtre une dernière fois.” Tu ne sors que très peu de la maison, mais ce n'est pas pour autant que tu n'apprécies pas la vue depuis ta fenêtre. D'ici tu peux apercevoir le ruisseau qui coule en bas et au loin les montagnes vertes qui caractérisent ton pays natal. Tu vois presque Craddock ton frère te faire de grands signes pour que tu le rejoignes ce qu'il faisait constamment il y a deux ans. La seule fois où il avait pu revenir vous voir. Perdu dans tes pensées tu ne te rends pas compte des minutes qui passent. Tu sursautes alors que tes parents rentrent dans ta chambre. Une fois de plus ils te rappellent d'être prudent, d'éviter les grands noms de mangemorts qui te donneront du fil à retordre. Carrow, Macnair, Avery.... tu les as mémorisés et comptes bien suivre les conseils qui te sont donnés. Tu sais qu'avoir le nom de famille et le prénom de deux résistants lors de la bataille à Poudlard ne joue pas en ta faveur. Tes grands-pères tous deux employés aux cuisines et qui ont donnés leurs vies afin d'empêcher votre actuel directeur d'avoir main mise sur l'école et le ministère. Probablement deux noms qui sont tombés dans l'oreille d'un sourd, deux sorciers qui n'ont eu que peu d'importance. Mais ils se sont battus pour leurs idéaux et c'est cela que tu devais retenir. Tout feu commence avec une étincelle, une goutte peut faire déborder le vase, tant d'expressions moldues que ta mère te répète. Tu sais qu'ils espèrent qu'un jour tout changera, que le temps de Tu-Sais-Qui sera révolu. Si ce n'est du leur, du tien, ou celui de tes enfants. Il suffisait de faire véhiculer l'image de ce qu'était le Royaume-Uni auparavant. Un endroit où il faisait bon vivre. Vous descendez dans le salon et attendez dans le silence. C'est votre façon à vous d'apprécier votre présence. Tu es assis entre tes parents, droit comme un i et te lèves comme un ressort aussitôt que le mangemort se matérialise devant toi. Il se saisit de ta valise et te tend son bras. Ta mère t'embrasse le front.
“Passe une excellente scolarité mon petit aiglon”. Tu vois ton père lever les yeux au ciel. Tu sais qu'il aimerait te voir dans la même maison que Craddock mais cela relève de l'impossible, vous êtes tous les deux le jour et la nuit. Il te serre dans ses bras.
“A dans sept ans Erb'”.
“Ou huit” ajoute ta mère. Tu es triste de les laisser mais alors que tu sens une forte pression tu te rends compte que tu es également excité à l'idée de finalement aller à Poudlard et revoir ton aîné.
“Serdaigle”. Ce n'est pas une immense surprise. Tu rejoins ta table et jettes un coup d'œil à celle où se situe ton frère. Il hausse les épaules et te sourit. Il est l'un des rares à applaudir à tout rompre quand bien même tu n'es pas accueilli dans sa maison. Les autres doivent probablement être ses amis dont il t'a tant parlé dans ses lettres. Ton repas terminé tu suis la foule des premières années afin de te rendre pour la première fois dans ta salle commune. Tu entends quelques exclamations et une main te touche l'épaule. Une quatrième année il te semble elle te montre ton frère accourant criant un mot à plein poumons que tu ne saisis pas. Tu te détaches du rang et te lances à sa rencontre.
“Tu as vu ? M'man avait raison Cra...” “Tatatata. Ici on m'appelle Liam et toi tu seras Jefferson désormais. Jeff.” Tu ne comprends pas pourquoi sur un coup de tête il se met à utiliser vos deuxièmes prénoms. Il ne l'a jamais fait.
“On doit se fondre dans la masse non ? Alors autant le faire correctement mon Serdaigle préféré.” Il te serre brièvement dans ses bras et te fais signe de rattraper tes camarades qui s'éloignent.
“On se voit demain, je t'expliquerai comment tout fonctionne ici.”Présent : Septembre 2023
Londres
Encore une fois tu arrêtes un passant et demandes du feu. Ça ne te calme peut-être pas, mais ça te remet les idées en place. Tu te promets de ne plus juger Ace là-dessus si vous vous revoyez un jour. Tu arrives en bas de chez toi, tu es trempé mais tu décides de rester dehors jusqu'à que tu termines ta cigarette. La première chose que tu fais une fois à l'intérieur, te laver les mains, mettre ton manteau dans la machine à laver, effacer cette odeur qui empeste mais dont tu ne peux te défaire. Le tabac froid, la peur, la culpabilité. Tu te sers un verre de whisky-pur-feu et retourne à ton parchemin. Tu remarques la terre toujours incrustée sous tes ongles, preuve de ta perte de contrôle. Pour la première fois tu te décides à lui mentir. A être égoïste.
Ellie,
Comme tu t'en doutes c'est toujours difficile, je n'arrive toujours pas à réaliser qu'il n'est plus là. Je suis repassé à son appartement ce soir et j'avais l'impression qu'il était là-haut, prêt à m'accueillir. Cesse de t'inquiéter cependant. Mes parents sont à portée de transplanage et mes collègues me sortent de ma morosité. Pense à toi avant tout, à cette année qui t'attend, la classe préparatoire n'est pas de tout repos. Il se fait tard et j'ai une grosse journée qui m'attend demain. Je te promets un parchemin plus détaillé de mes journées lorsque j'aurais un jour de congé.
Toutes mes pensées,
JeffTu noues la lettre à la patte de ton hibou et lui donnes quelques graines avant qu'il ne prenne la route. Tu allumes la télévision que tu as récupérée de chez Liam et décide de tuer le reste de ta soirée à regarder des stupidités moldues. Non tu ne parles plus à tes parents depuis l'enterrement, depuis qu'ils ont essayé de te garder auprès d'eux “pour ton bien”. Ton naturel timide qui t'a empêché de nouer de réelles amitiés s'est transformé en manque de sociabilité qui a repoussé les rares sorciers qui t'adressaient la parole. Tu n'as personne. Plus personne. Et tu sais que si Eleanor venait à découvrir celui qui tu es devenue, elle s'enfuirait également en courant. Tu ne peux pas te le permettre, tu ne veux pas y penser. Tu préfères te bercer d'illusions pendant une autre année ou jusqu'à que tu tentes le tout pour le tout et probablement le payes de ta vie. Tu es néanmoins rassuré par la pensée qu'Ace sera toujours là, pas loin et pourra veiller sur elle.