Noah bailla, longuement, lentement. Elle s’ennuyait grave les mecs. Comment pouvait-on créer une journée aussi déprimante que le lundi ? Les cours avaient déjà reprit et les « festivités » du week end s’étaient achevées… Le lundi, c’était juste mortel… au vrai sens du terme. En plus quoi, Noah n’avait pas encore bien récupéré de la soirée de la veille. Dire que d’autres avaient décliné son invitation à cause du contrôle d’astronomie ! Les débiles. Dans le cas de Noah, c’était un peu spécial, fallait avouer, elle n’avait pas trop besoin de bosser à cause de sa méga mémoire (à court terme). Et puis, il suffisait juste d’avoir la moyenne et hop. Pourquoi se casser la tête à avoir un O ? Ca servait à quoi diable les O ? A frimer ? Et puis elle n’allait pas se rabaisser à faire comme ces Ellio, Lily et Serdaigle stupides qui ne profitaient pas de la vie. Noah avait franchement mieux à faire. Elle avait vraiment du mal à imaginer ce qui pouvait bien se passer dans leur tête. Comme si travailler pouvait être amusant, enrichissant. Pff. Les fêtes du dimanche soir, chez les septièmes années et compagnie, CA c’était fun. Tout le monde riait, déconnait, faisait la fête jusqu’à pas d’heure. Noah était bien contente de ne pas avoir à passer ses BUSEs cette année. Elle pouvait alors tirer librement avantage des joies de Poudlard dont tant de personnes se privaient, sans même ressentir une once de culpabilité. A quoi ça servait d’être jeune si on ne pouvait pas en profiter ? Elle aurait bien le temps de bosser, plus tard, bien plus tard. A vingt-cinq trente ans, quand elle sera vieille avec plein de rides quoi (cherchez pas à comprendre, Noah est tordue). En attendant, il y avait plein de soirées qui n’attendaient que sa folle tête blonde. Et les gens, je vous confie un truc : Poudlard, c’est pas mal en matière de soirées. Alors si vous hésiter entre ça et une soirée histoire de la magie, vous savez quoi faire à présent. Si c’est Noah qui le disait, c’est que c’était forcément vrai. En matière de fêtes, c’est elle qui a le nez le plus fin de tout Poudlard.

Et donc, cette fantastique soirée avait eu pour conséquence ce matin, un bon dodo sur sa copie d’astronomie. Elle s’était même retrouvée avec de l’encre sur la joue mais elle avait quand même réussi à noter quelques trucs d’une main lasse. Le professeur l’avait un peu regardé de travers et un petit malin avait même placé sur sa table une mini-pancarte avec écrit dessus « chut, j’hiberne ! ». Mais bon, elle s’en foutait bien. Elle était venue en cours, et en plus de ça, elle avait fait l’effort surhumain de se présenter au test. Fallait pas demander la Lune non plus, non mais. (notez bien : si un jour vous voyez Noah s’investir à fond dans un cours/dans un contrôle, prenez une photo on a besoin de preuves, les paris sont nombreux sur le sujet)

Elle sécha les deux dernières heures de cours de la matinée afin de rattraper son sommeil, sous un arbre à l’ombre dans le parc. D’où le fait qu’elle arriva un peu à la bourre au déjeuner. Personne ne daigna de lever les yeux, elle avait l’habitude d’arriver en retard tout le temps. La ponctualité et elle ça faisait carrément deux. Plus personne ne s’en étonnait. Noah passa tranquillement devant la table des Serdaigles piquer une frite à un mec, puis emporta avec elle le verre un Gryffondor au passage. Noah se planta devant la table des Poufsouffle, essayant de juger en plissant des yeux quelle serait la meilleure place où s’assoir. Elle avait récupéré son sommeil de retard, mais n’était pas d’humeur à débattre sur les résultats du contrôle du matin avec les autres Poufsouffle de son année. Elle ne l’était jamais d’ailleurs… Elle repéra au loin une jeune fille au teint sombre qui semblait un peu perdue. Noah sourit. Allons bon. Cette pauvre Clementine qui perdait bien que trop souvent la mémoire (de choses tellement élémentaires parfois !) lui faisait un peu de la peine. C’était bien triste ce qui lui arrivait mais d’un côté… C’était assez divertissant. Au début, Noah l’avait ignoré royalement en pensant qu’elle n’était rien d’autre qu’une autiste cracmolle qui s’était retrouvé à Poudlard par erreur (elle était allée chercher loin, oui). Mais lorsqu’elle comprit ce qui lui était arrivé, Noah s’intéressa de plus près à elle… Et trouva même un moyen de faire tourner la situation à son avantage… Si vous croyez encore que Noah est du genre compatissante et généreuse, comme elle peut le paraître par moment, il serait peut-être temps de vous faire une raison. Parce qu’en ce qui concerne Clementine… On ne pouvait pas dire qu’elle avait le cœur sur la main, surtout en sa compagnie.

Noah afficha un grand sourire doucereux et s’approcha à grand pas de la Poufsouffle de cinquième année, assise un peu à l’écart, comme perdue. « Salut Clem ! » Lança-t-elle gaiement en posant sa main sur son épaule. La jeune fille leva la tête, surprise, et la regarda de ses grands yeux naïfs. Elle ne parut pas la reconnaitre. Comme toujours… soupira intérieurement Noah. L’amnésie chronique de Clementine était des plus singulières. Il y avait de quoi s’inquiéter, de quoi vouloir porter une attention particulière à Clementine. Ce à quoi Noah s’en donnait à cœur joie.

Après un silence, Clementine dit, hésitante : « Noah, c'est ça ? Tu es...Tu es mon amie, hein ? » Elle fit une tête un peu bizarre, comme contrariée. Elle avait l’habitude, mais bon, c’était tellement étrange de la voir répéter à chaque fois les même choses, Noah en venait à se demander si elle ne se foutait pas un peu de la gueule du monde… « Tout va bien ? Assieds-toi à côté de moi, il y a de la place ! » Noah ne se fit pas prier. « Mais non ! Je ne suis pas ton amie. Je suis ta meilleure amie voyons. » Elle prit un air légèrement triste en s’asseyant à ses côtés. Elle baissa les yeux vers son plat encore vide. « Clem, je sais que c’est dur ce que tu vis. Le truc c’est que ça me fait mal moi aussi, de voir ma meilleure amie ne pas se souvenir de mon propre nom… J’ai l’impression de ne vivre cette amitié que d’un côté. C’est comme si on n’avait rien vécu. » Elle reporta son regard vers sa soi-disante « meilleure amie ». Comme si Noah pourrait supporter une amie aussi bizarre ! Jamais de la vie. Elle enfonça encore plus le couteau dans la plaie en prenant une voix presque larmoyante, histoire de la faire culpabiliser comme il le fallait. « On se connait depuis si longtemps pourtant. Et toi, on dirait que tu viens de me rencontrer… » Et hop, dans la poche. Dans quelques instants, Clementine allait surement implorer son pardon, se mettre à pleurer ou faire un autre truc stupide. Et là, elle pourrait commencer à s’amuser.

Si Noah affichait une mine triste et malheureuse, en réalité, elle était en train d’élaborer un énième plan machiavélique. C’était une journée tellement ennuyeuse. Pourquoi ne s’amuserait donc pas ? La pauvre Clementine semblait si déprimée. Il fallait bien la bouger un peu, lui montrer comment rire. Eh oui, parfois Noah était vraiment généreuse. C’était dur, mais elle y parvenait parfois. Qu’allait-elle donc faire subi… hum, pardon, comment allait-elle donc s’y prendre pour que Clementine passe un déjeuner mémorable ? Car oui, il allait l’être, c’était le moins qu’on puisse dire. Il fallait juste qu’elle se remue les méninges. Ca n’allait pas tarder.

« P...Pardon...J'sais que ce n'est pas toujours facile de...de me supporter...Je...Je voudrais...pouvoir être une amie bien meilleure que je ne le suis. Mais je...je suis juste...médiocre... » Ouais, ça tu peux le dire… Heureusement que les trois quart du temps, Clementine ne se souvenait pas d’elle. Parce que vous imaginez bien vous trainer un tel boulet ! « Mais non, mais non, je sais que tu fais te ton mieux. » Tenta Noah en posant une main sur l’épaule de son « amie ». Clementine baissa la tête, et Noah devina que c’était pour cacher des larmes. Ca ne devait pas être facile tout les jours, ce qu’elle vivait, elle voulait bien l’admettre. Noah se mordit la lèvre. Ca y est, elle qui voulait faire culpabiliser Clementine, c’était elle qui commençait à jouer les sentimentales ! Elle secoua la tête.


« Tu...Tu me pardonnes, dis ? Je...J'sais que je t'en demande beaucoup...j'suis désolée. Je voudrais qu'on reste amies...les meilleures amies du monde... » Noah fit mine de réfléchir puis. « C’est dur. Honnêtement. » Bon pour l’honnêteté Noah on repassera… « Je sais pas, faudrait que j’aie une bonne raison de te pardonner. A quoi ça me sert donc de t’avoir comme amie si à chaque fois je dois tout t’expliquer ? Une amie c’est fait pour confier ses secrets, pour partager des idées, des délires quoi. C’est lourd à la longue. » Noah avait conscience d’y aller fort. Mais où était le mal ? Elle regarda Clementine se dépatouiller avec sa fourchette. Elle leva discrètement les yeux au ciel, exaspérée, puis lui planta la fourchette qu’elle venait de lâcher dans sa main droite. « C’est mieux ainsi. Vas-y essaie ! » Dit elle en souriant de toutes ses dents, de nouveau pour l’encourager. Allez Noah, réfléchis ! Qu’est-ce qui pourrait bien amuser la galerie aujourd’hui ? Elle avait déjà tant usé de Clementine, ses idées farfelues commençaient à s’épuiser…

« Dis...Tout va bien, hein ? Je veux dire...à part le fait que je t'ai...blessée... » Pauvre Clementine. Cette fille lui faisait de la peine. Vraiment. « Ouaip. Mais quand t’ira mieux j’irais mieux, t’sais. » Lança-t-elle. Clementine sembla soudainement perdue dans ses pensées. Oh non. Ca ne lui disait rien qui vaille. En général elle faisait après des trucs chelous comme…« Ah, c'est ça, Poudlard ! » Noah sursauta. Elle était sérieuse ? Mais à quoi jouait-elle ? Noah ouvrit grand les yeux et le rouge lui monta aux joues. Et en plus, il fallait qu’elle la ridiculise ! Elle rit nerveusement et faisant de grand gestes avec les mains pour détourner l’attention : un bon nombre d’élève s’étaient retournés vers elles. Il valait mieux faire comme si elle ne la connaissait tout simplement pas. Heureusement qu’elle n’avait pas pour habitude de la fréquenter plus que ça. Son amnésie était pratique dans un sens. Elle pouvait la manipuler sans qu’elle la traine dans les pattes.

« Je...J'suis vraiment désolée...J'arrête pas de t'embarrasser...Comment j'pourrais m'faire pardonner ? J'suis désolée... » Là, ça devenait intéressant. Noah se retint de sourire de toutes ses dents. Elle joua la carte de la fille distraite. « Hum… Je ne sais pas. J’aurais tendance à dire que t’as pas besoin de te faire pardonner… » Elle se détourna un peu d’elle pour se concentrer sur le contenu de son assiette, encore vide puis entreprit de se servir, mine de rien d’un peu de porridge. Ce n’était pas la première fois qu’elles avaient une telle conversation. D’ailleurs, la plupart des fois, c’était comme ça que Noah arrivait à obtenir quelque chose d’elle. La routine quoi. « Mais si t’insiste… » Elle n’avait rien à lui demander en particulier aujourd’hui. C’était le lendemain d’une fête, rien ne pourrait être plus amusant que ce qui s’était passé la veille. « En fait, non j’ai besoin de rien, ça va aller. Ta seule amitié compte pour moi ! » Evidemment qu’elle n’avait pas dit son dernier mot. Si vous connaissez un minimum Noah, vous sauriez que tout cela n’est qu’une feinte… « Tiens, regarde qui arrive. Mais oh! Suis-je bête ! Je suis en train de perdre la mémoire moi aussi on dirait. » Lança-t-elle théâtralement, d’un air entendu. C’aurait été quelqu’un d’autre que Clementine, pour sur on l’aurait regardé d’un air ‘mais tu t’fous de ma gueule ou quoi ?’. Parce que Noah avait beau prétendre le contraire, c’était vraiment une très mauvaise actrice. Mais une bonne menteuse en revanche… Ellio était en train d’arriver dans la salle, et s’apprêtait à quitter Emily, à son bras pour rejoindre la table des Serdaigles. Il fallaut vraiment être cruche pour ne pas se douter qu’ils formaient un couple… « Tu te rappelles quand même qu’Ellio est ton petit ami j’espère ? » Le pauvre chou. Si Ellio avait une petite amie pareille, il n’aurait pas tenu une demi-journée ! Il avait Emily, qui était quand même vachement mieux. C’était pas sympa ce qu’elle allait lui faire, mais elle savait qu’ils en rigoleraient après donc… Elle mangea un peu du contenu de son assiette, pensive. Son plan n’était pas encore bien clair, mais elle aimait bien tâtonner de la sorte. Ca pourrait donner des choses marrantes. « Tu pourrais aller le voir. Il doit se faire du souci… Viens ! On y va ! » Elle se leva brusquement en l’entrainant avec elle par la main. « J’oubliais ! Vous avez un jeu tous les deux. Tu lui tires juste l’oreille droite le plus fort possible en lui murmurant ’ mon petit dragée d’amouuur’ » Elle se détourna légèrement de Clementine pour esquisser un sourire qu’elle ne pouvait décidément plus contenir. « C’est votre rituel quand vous vous croisez. Heureusement que je suis là pour te le rappeler ! » Eh oui, Noah était une amie en or. Non mais sérieusement, mis à part avec Clementine, tout le monde savait qu’on pouvait compter sur elle, en n’importe quelle circonstance…