Unleash the beast within.”

« Hey...ça va ? » Le jeune Blackwood ne daigna pas même lancer un regard pour son comparse rouge et or qui s'était penché par dessus son assiette, la voix étranglée de voir Sin soudain si blême. Taciturne et absent, Ainsley semblait encaisser difficilement le choc car son esprit divaguait déjà ailleurs sans jamais assimiler ses camarades dans sa bulle qui se refermait soudain : personne d'autre n'existait si ce n'étaient ces terribles mots écrits par ses géniteurs et qui se heurtaient avec virulence contre sa boîte crânienne. Déglutissant avec difficulté, il plia sa lettre d'un geste nerveux non sans laisser s'échapper un soupir glacé de ses lèvres semi closes. L'ardeur polaire de son souffle s'insinua jusque dans son échine, laquelle frémit et remonta son frisson désagréable jusqu'à sa nuque. Le Gryffondor finit par acquiescer lorsqu'il sentit ces paires d'yeux insistants se braquer sur lui, demeurant étrangement silencieux et perdant son regard sur un point invisible de la table. Oui bien sûr qu'il allait bien, par ailleurs ce petit rictus ourlant ses lèvres sanguines le prouvait outre mesure. Avide de ne jamais montrer ses faiblesses quand bien même il demeurait pâle comme un linge et sonné par la décision de ses parents, Sin se força à sourire et reprendre le fil de la conversation, mangeant sans appétit aucun son porridge qui se tassait dans son estomac noué et arrosant le tout d'un verre de jus de citrouille. Un bon grand verre de ciguë aurait été plus judicieux, pensa-t-il dans un soupir éteint.

La journée avait de ce fait bien mal commencée, et ce fut l'esprit absent et le regard trouble qu'Ainsley participa aux cours sans grande conviction. Son mutisme apparaissant comme docile étonna même les professeurs, trop habitués à voir le jeune lion faire le fier et jouer la provocation dès lors qu'il percevait une faille. A sa grande frustration, le jeune homme eut donc droit à des « Mr Blackwood, j'aimerais vous parler. » à chaque fin de cours, débouchant sur un tête-à-tête stupide et stérile dans lequel les enseignants les plus proches des mangemorts ne cessaient de lui ressasser que de toute évidence, son idylle avec une Potter ne faisait que lui pomper son énergie en plus de lui arracher jusqu'à la moindre parcelle de dignité. Le tout saupoudré d'une vraie fausse inquiétude où ils demandaient au jeune partisan des Obscurs de se reprendre voire de redevenir lui-même car apparaissant comme méconnaissable. Et Ainsley de répliquer soit par des silences provocateurs soit par des pics acérés, d'un timbre suave et chaud ou d'un regard d'acier. Décidément ce n'était vraiment pas sa journée, et personne ne semblait y mettre du sien, jusqu'à ce que... « Une fête ce soir ? » Ses sourcils froncés barraient son front lisse comme il plongea ses prunelles fauves dans le regard de son interlocuteur. Le sombre Serpentard lui faisant face eut un large rictus pour toute réponse et approuva d'un signe de tête avant de lui confier qu'il s'agissait là d'un 'petit' comité (relativement parlant) et qu'ils avaient élu la salle oubliée pour lieu de débauche. Ce fut d'une tape virile et amicale que Ainsley remercia son camarade, bien soulagé de pouvoir noyer tous ses doutes et ses angoisses dans un peu voire beaucoup d'alcool. En toute probabilité, Sin ne comptait pas rester sobre ce soir et espérait pouvoir veiller jusqu'au petit matin.

***

La fête était déjà bien entamée lorsque le jeune lion pénétra les lieux, perçant de son regard d'ambre l'épaisse fumée de cigarette pour y déceler les quelques silhouettes qui lui étaient familières. Bien vite et n'y tenant plus, le brun ténébreux s'enivra d'alcool au rythme des rires de ses camarades, échangeant avec eux, dansant avec eux, glorifiant les mangemorts avec eux... La vodka distillée dans ses veines avec trop de force et d'application lui faisait perdre les sens et faisait tanguer son esprit bien embrumé : non seulement Ainsley peinait à marcher droit, mais plus encore il s'échappait de ses lèvres des mots tantôt crus tantôt provocateurs (ce qui n'était pas en soi bien étonnant), mais aussi et surtout des propos incohérents ou virulents qui rappelaient au véritable Sin ; le jeune homme sans morale aucune et sans limite prédéfinie. C'est alors que dans l'euphorie alcoolisée du moment il aperçut au loin une jolie demoiselle qui ne lui était pas inconnue, dont la candeur fraîche le fit tiquer. Approchant de Loubelle d'une démarche sûre malgré son esprit tanguant comme un bateau ivre, il se laissa tomber lourdement à ses côtés sur le canapé. « Oh Luciole, qu'est-ce que tu fais ici, c'est pas un lieu pour les petites filles. » Sin eut un sourire charmeur et charmant malgré la lueur carnassière de ses prunelles. « Tu sais, ce qui est triste dans ma vie ? » Comme si son amie de toujours pouvait passer outre la question... Car Ainsley était déjà parti sur sa lancée. « Premièrement, je ne suis pas Serpentard. Je ne suis que Gryffondor et si tu savais, comme je les déteste. » Un soupir appuyé sans même que le brun ténébreux ne comprenne totalement ce qu'il racontait. Quand bien même il pointait un éclat bien sincère dans ses paroles de jeune homme ivre. « Deuxièmement, mes parents m'ont écrit ce matin et ils veulent me trouver une fiancée parce qu'ils trouvent Lily trop... trop, hmm... » Fronçant les sourcils d'une moue pensive, Ainsley ne sut dire combien de temps il resta là à chercher : quelques secondes, quelques minutes ? Son esprit était si brumeux et filandreux qu'il se contenta d'étouffer un bref rire sans même savoir pourquoi alors qu'il cherchait dans sa mémoire. Trop quoi ? Trop belle, trop jeune, trop... « Non attends pas trop rousse... J'sais plus. Bref. Troisièmement... » Sin prit une inspiration avant de la bloquer comme il fouillait encore dans son esprit bancal avant de sourire à la jolie Poufsouffle. « Ah non, le troisièmement j'aurais pu le dire la semaine dernière mais en fait... » Et le brun ténébreux de se pencher pour mieux souffler son secret vaporeux à l'oreille de la demoiselle. « J'ai couché avec Lily il y a quelques jours, c'était fantastique. » Il se redressa alors, sentant sa gorge sèche mais conservant ce sourire séducteur aux lèvres. « En fait c'est juste triste... Pour les deux trucs que je viens de te dire. » Et qu'il avait déjà partiellement oublié. « Et toi ? » Question bancale s'il en est, mais Ainsley restait persuadé qu'il tenait une conversation fertile et cohérente.

« Poudlard sera vidé des sangs impurs... » Elle avait entendu cette phrase dans l'un de ses rêves de la nuit précédente alors qu'elle s'était encore une fois réveillée alors que la moiteur de sa peau la faisait collée au draps de son lit. C'était une songe très dangereux qui l'avait tourmenté au cours de cette nuit interminable où chaque seconde s'éternisait en des mois. Du sang, encore du sang, des corps et encore des corps. Elle ne voyait que cela depuis un moment. C'était insoutenable. Ses visions d'épouvantes lui revenaient en mémoire plusieurs fois dans la journée qui les suivaient. Loubelle se sentait impuissante. Elle ne pouvait pas sauver la terre, elle ne pouvait pas hurler à tout le monde qu'elle était un monstre de la pires espèce. Les sang purs trouveraient bien une raison de lui faire du mal parce qu'elle n'était pas normal, même si personne n'avait aucune idée de son passé, pas même elle-même. Parfois, ça la faisait pleurer, sans évènements déclencheurs aucuns. Comme ce matin. La petite Loubelle s'était réveillée le souffle court tandis que cette phrase se répétait encore et encore dans sa cervelle sans que jamais la voix ne se taise. Ce n'était pas sa propre voix qu'elle entendait. C'était une voix masculine, ressemblant à un râlement et c'était terrifiant. À croire que quelqu'un d'autre squattait son crâne sans gêne pour violer son esprit et la rendre carrément démente. Elle tombait à genoux et hurlait. La poufsouffle hurlait à en réveiller les morts, à en faire trembler les murs du château. Elle hurlait sa douleur, elle hurlait pour que ça s'arrête, mais la voix se mettait à hurler elle aussi et c'était insoutenable. Puis plus rien. Loubelle s'était évanouie et c'était réveillée, ses copines de chambre autour d'elle. « Ça va ? » Loubelle était en état de choque, mais elle ne désirait pas la pitié que tous ses visages lui offraient. Elle souhaitait s'isoler et se répéter seule à quel point elle était luciférienne. Beaucoup la croyait tarée, ou atteinte d'un maladie, en fait, c'était bien pire. La jeune femme ne voulait pas parler de sa particularité parce qu'elle avait peur qu'on ne la délaisse pour cela. Qui voulait d'un oiseau de malheur dans son entourage ? Qui souhaitait avoir pour amie une fille qui pouvait à tout moment s'évanouir et être prise de convulsions sans avertir ? Qui apprécierait de se faire annoncer sa propre mort par une connaissance ? C'était à donner froid dans le dos. Elle aurait été la première à rejeté un prédisseur de mauvaises aventures. « Qu'est-ce que t'en pense ? Dégage idiote ! » Grognait-elle pleine de sarcasme alors qu'elle poussait la poufsouffle pour s'enfuir là où personne ne la trouverait. Elle marchait sans pouvoir retenir ses larmes, sans avoir de direction définie. Sa course folle et larmoyante s'arrêtait dans une pièce vide où elle se séquestrait. Se laissant glisser contre un mur jusqu'au sol, les gouttes salées sous ses yeux suivirent le même parcours, Loubelle ne les retenaient plus. Elle pleurait son foutu sort. Elle pleurait l'avenir et son passé qu'elle ne connaîtrait jamais. Elle pleurait ses parents morts ou irresponsables et sans coeur. Elle se chagrinait de ne pas se connaître elle-même, elle sanglotait d'avoir du se construire seule. Sa peine dura, puis la tempête dut terminé. Le sol était couvert de pluie saumâtre, ses cheveux avait étés secoués par un vent de désespoir, mais elle avait survécut à la catastrophe naturelle, une fois de plus. La sorcière redoutait pourtant la suite de sa journée. Juste avant qu'elle ne quitte la pièce qui avait été témoin de sa crise de faiblesse, la voix retentit en écho derrière elle, lui donnant la chair de poule : « Poudlard sera vidé des sangs impurs... », puis elle continua à vivre. Elle rejoins le reste de Poudlard après être remontée pour se vêtir convenablement. Elle continuait à se muter dans son silence que seul certains savaient brisé avec brio. Roxanne Weasley était l'une de ses personnes. Elle approchait avec sa chevelure toujours aussi parfaitement coiffée et sa confiance en elle à toute épreuve. Son sourire à tout péter se posait sur elle tandis qu'elle ne se gênait pas pour lui dire « T'as une mine horrible ! » Oxana, de son premier prénom arqua un sourcil avant de ne lui répondre du tac au tac. « Merci, toi aussi. » Les deux cinglantes demoiselles s'adressaient des sourires complices avant de ne se perdre dans les diverses papoteries à propos des autres élèves de Poudlard. Ça leur faisait du bien, mais encore mieux, Weasley proposait que Loubelle l'accompagne à la fête d'obscurs qui avait lieux ce soir dans une salle nommée la salle oubliée. Loubelle accepta, parce qu'elle en avait vraiment besoin. Il fallait qu'elle oublie tout ce cauchemar qu'était sa vie, pour un soir au moins. Être délivrée de tout ses tourments et boire jusqu'à en perdre la tête. Ne pas être sage, danser avec ses sangs purs qui se fichaient bien en réalité de quelle pouvait être son origine de sang. Définitivement, c'était une bonne idée.

Loubelle s'était préparée en quelque sorte, dénouant son interminable chevelure qu'elle avait brossé délicatement avant de revêtir une robe blanche plutôt courte qui lui donnait des airs angéliques tandis que son coeur de démone battait au plus profond d'elle. Un fois que es escarpins lui donnant quelques centimètres de plus furent chaussés, elle alla rejoindre Rox qui l'attendait à mi-chemin entre la salle commune des poufsouffle et celle des serpentard. Comme elle l'enviais d'être dans cette maison. Les serpents étaient durs et puissants, ce que Loubelle avait toujours rêvé d'être pour défier cette image de fille faible et fragile qui émanait de chacuns de ses gestes. Les deux blondes avaient rejoins la salle oubliée, commençant à porter des verres à leurs lèvres avec des rires dès qu'elles y mirent les pieds. Bien vite, un harem de garçon tournait autour de la magnifique sorcière de serpentard. Avant qu'elle n'ai pu se demander ce qui se passait, la chétive jeune femme était abandonnée dans cette jungle cruelle. Légèrement ivre, elle se sentait bien. Elle avait envie de danser, de se défouler comme sa copine le faisait surement. Danser avec un garçon sans noms duquel elle n'aurait aucuns souvenirs le lendemain. Pas un mec comme... Ainsley ? Qu'est-ce qu'il foutait ici ? Il s'approchait d'elle avait cette audace lui collant à la peau tandis que le torse de la gamine se tordait de douleur, ses lèvres s'entrouvrant sous l'effet de ce coup de poignard brûlant dans sa poitrine. Il avait toujours cette allure de prince des ténèbres qui la poussait à vouloir se jeter à son cou pour enfin lui voler un baiser. Elle n'en fit rien, restant figée sur le canapé où il s'échouait en lui lançant : « Oh Luciole, qu'est-ce que tu fais ici, c'est pas un lieu pour les petites filles. » Sin souriait et habituellement, Lou l'aurait fait aussi. Parce que quand il faisait son charmeur, elle ne pouvait pas résister. Pourtant ce soir elle comprenait ses paroles différemment. Ça la frappait de plein fouet alors qu'elle réalisait que pour lui elle n'était qu'une gamine sans importances, qu'une luciole minuscule qui vole et qui ne brille pas assez pour éclipser les étoiles comparables à Potter. Loubelle esquissait un sourire qui n'était pas des plus sincère alors que le jeune homme plus avancé dans sa soirée qu'elle continuait son discourt. « Tu sais, ce qui est triste dans ma vie ? » La belle fronçait un sourcil interrogateur, attendant la lumière au bout du tunnel. Elle pensait qu'il allait lui faire une confession sur sa relation avec Lily se dégradant ou un truc du genre. Évidemment, elle fut déçue. « Premièrement, je ne suis pas Serpentard. Je ne suis que Gryffondor et si tu savais, comme je les déteste. » Ils soupiraient à l’unisson, Loubelle à la fois compréhensive et agacé de cette conversation, de sa présence lui retournant l'estomac. « Deuxièmement, mes parents m'ont écrit ce matin et ils veulent me trouver une fiancée parce qu'ils trouvent Lily trop... trop, hmm... » Conne ? Idiote ? Dégoûtante ? Immonde ? Incapable ? Insatisfaisante ? Il y avait beaucoup de qualificatifs négatifs pour décrire Lily Potter. C'était au moins une bonne nouvelle. Ou en fait, pas vraiment. Loubelle n'aurait qu'une autre idiote dans les pattes pour l'empêcher d'avoir ce que, de toutes façons, elle n'aurait jamais.« Non attends pas trop rousse... J'sais plus. Bref. Troisièmement... » Loubelle ne souriait pas du tout. Son visage de porcelaine était figé, vide d'expressions. Elle n'avait pas envie d'entendre son discours d'ivrogne. Elle avait envie de coller ses lèvres aux siennes pour qu'il la rejette et qu'enfin elle l'oublie, qu'elle se délivre de cette torture qui avait trop durée. « Ah non, le troisièmement j'aurais pu le dire la semaine dernière mais en fait... » Il se penchait vers elle. L'odeur de son parfum délectable se mélangeant aux effluves de whisky de sa torpeur alcoolique de la nuit. Ses lèvres approchant son oreille pour venir la chatouiller dans un souffle brûlant qui pourtant lui glaça le sang. « J'ai couché avec Lily il y a quelques jours, c'était fantastique. » Il se relevait, se foutue sourire de tombeur au lèvre alors qu'il venait de lui crever le coeur. Pourquoi lui dire cela à elle ? Elle récupérait son souffle avec difficulté alors que dans sa tête lui apparaissait les images de Sin et Lily dans des ébats passionnés. Elle allait en crevé, c'était certain. D'ici la fin de la soirée, Loubelle se lancerait de la tour d'astronomie faute de ne pouvoir endurer la douleur qui assaillait son coeur à cet instant. Des larmes montèrent à ses yeux, mais elle les ravalaient, trop fière pour pleurer devant Ainshy. « En fait c'est juste triste... Pour les deux trucs que je viens de te dire. Et toi ? » Et elle ? Soit il plaisantait ou il se fichait de sa gueule ? Il était véritablement le seul aveugle de la place ? Ce qui sautait aux yeux de tout le monde ne semblait pourtant pas être chose acquise pour lui. Loubelle n'était pas calme en cet instant. Une tornade sommeillait au creux de son ventre alors qu'elle détournait son regard de sur lui.

« Tu veux une médaille ? Pourquoi tu me dis ça... Tu me dégoûte... Tu ne vois pas que... Ah laisse tomber... » S'était-elle exclamée avec hargne avant que son aveux ne se bloque dans sa gorge. Elle avait faillit tout lui dire, lui avouer ce qui lui déchirait les entrailles depuis si longtemps. Encore une fois, elle n'avait pas eut le courage. Soupirant longuement alors que pourtant, ses mains frêles se seraient autour de son verre avec de plus en plus de force. Elle eut un rire nerveux, n'osant toujours pas poser son regard sur le gryffondor de peur qu'il ne comprenne tout en la laissant comme un bouquin de potions. « Ça va à merveille, tu t'es tapé Lily, j'ai passé une soirée merdique et hier j'ai passé la nuit à rêvé à des gens qui s'faisaient tués. Sérieusement ? Ça va à merveille Ainsley, mais toi t'en a rien à foutre de moi parce que t'es avec Potter et que c'est tout ce qui compte ! » Sa voix montait dans des tons de plus en plus haineux, mais pourtant, jamais elle ne parlait plus fort que son ton habituel. Son regard vert se dardait avec violence dans celui du jeune homme. C'était le temps, c'était ce soir. Elle devait l'affronter si elle voulait un jour voir le bout du tunnel. L'alcool lui avait déjà fait dire beaucoup de choses qu'elle n'aurait jamais osé dire habituellement. Et encore, ce n'était qu'un début.

« Tu veux une médaille ? Pourquoi tu me dis ça... Tu me dégoûte... Tu ne vois pas que... Ah laisse tomber... » La réaction de son amie n'avait pas été celle qu'il avait espérée. Agressive et froide, Loubelle fustigeait le Gryffondor d'une rare acerbité dans ses propos, laissant même le regard d'abord troublé du garçon répondre par un froncement de sourcils méprisant. Dégoûtée, vraiment ? Il avait contre le palais ce goût amer qui n'était en rien propre à la vodka sinon celui de la déception, le coeur sec et les poumons contrits Ainsley se ressassait cette attaque virulent contre sa personne, dires vénéneux que la jeune Poufsouffle ne lui avait jamais soufflés. L'audacieux lion avait pourtant maintes fois subit ces mêmes assauts : ses détracteurs lui crachaient leur dégoût, autant que ses idylles de courte durée et au palpitant brisé. Mais dans l'un comme l'autre des cas ce n'était que prestige et fierté que Sin en retirait car ces guérillas verbales rehaussaient sa débauche, son inconstance, ce parfum capiteux qui émanait de lui. L'attaque de Loubelle était néanmoins toute autre ; sale et injustifiée, elle collait à la peau de Sin avec cette désagréable impression qu'elle y resterait longtemps, même en la désinfectant par quelques pointes d'excuses ou une complicité retrouvée. Dégoûtée. Ainsley la jaugea de haut en bas, s'armant d'un masque polaire et dédaigneux tandis qu'il l'observait sous un autre jour, vipère dissimulée sous la colombe et qui en l'instant lui insufflait colère et mésestime. Ses traits se figèrent comme ses yeux fauves s'illuminèrent d'une flamme farouche sous l'arceau de ses pupilles ; il la mitraillait sur place de son regard de guerrier, loin d'être abattu et la mettant en joug par la pointe de son fusil. La facette sombre du Gryffondor le gagna à mesure qu'un rictus glacé se substitua à son sourire chaleureux, que son esprit embrumé n'était plus que hargne et mépris, que ses poings détendus ne se crispent alors même qu'il fixait Loubelle d'une rare intensité. Prêt à lui sauter dessus, prêt à en découdre. Le lion allait lui dévorer la gorge et exulter sa colère... mais l'alcool alourdissant son corps tout entier enrailla ses gestes qui demeuraient plomb. L'ivresse avait eu raison de lui, brodant incohérences et pertes de repères. Sin se contenta de clore les paupières un instant, dans l'espoir que le mépris ne passe et que le mot 'dégoût' ne s'efface de sa mémoire. En vain cependant, car alors qu'il rouvrit les yeux sur Loubelle il pouvait percevoir en lui cette même hargne tressaillir, ses tripes se tordre, ce mot souiller son front et s'imprimer dans la chair. « Ça va à merveille, tu t'es tapé Lily, j'ai passé une soirée merdique et hier j'ai passé la nuit à rêvé à des gens qui s'faisaient tués. Sérieusement ? Ça va à merveille Ainsley, mais toi t'en a rien à foutre de moi parce que t'es avec Potter et que c'est tout ce qui compte ! » Cette fois les paroles fourbes lui étaient insupportables ; la jolie Poufsouffle l'accusant de trop de griefs pour que Sin ne laisse couler et n'érige pas sa fierté en étendard. Car en l'espace de quelques secondes, elle le reléguait au rang d'égoïste et d'être écoeurant... Faits qui n'étaient pas sans fondements ni même franchement hâtifs ou mensongers. Mais comment pouvait-elle lui dire qu'il se fichait bien d'elle ? En toute probabilité la luciole avait sans doute raison ; depuis son idylle avec sa Serdaigle, le loup avait changé et s'était mué en agneau. Petite chose faiblarde et douce dont il s'était si souvent moqué autrefois, n'ayant d'yeux que pour sa dulcinée et assénant ses amis des coups lents de son absence. N'était-il pas venu voir sa tendre amie en l'accablant de ses 'moi je' tellement semblables à Sin l'égocentrique, mais si renfermés sur l'éternel sujet qui perlait à ses lèvres depuis bien longtemps : Lily Potter ? Il y avait tant à dire et à expliquer sur l'attitude nonchalante du jeune homme, néanmoins ce dernier demeurait aveugle et sourd, insensible aux appels à l'aide et autres regards tournés.

Dégoûtée. D'un plissement de nez volontaire, par mépris et colère, Ainsley se leva alors – d'un bond trop brusque qui brouilla sa vue quelques brèves secondes – avant de laisser siffler sa voix suave. « Je pensais que tu étais mon amie mais je me suis visiblement trompé. J't'emmerde okay ? J't'emmerde, si toi aussi t'es du côté de ces cons de Potter qui peuvent pas avancer sans leurs foutues oeillères. » Des propos qui auraient pu passer pour incohérents et qui pourtant trouvaient toute leur explication solide dans l'esprit de Ainsley : ni plus ni moins, il accusait Loubelle de suivre la tendance stupide entreprise à son encontre. Le condamner, parce qu'il sortait avec Lily. Et dans sa colère vivace, Ainsley ne se rendit pas compte combien il se montrait égocentrique encore une fois. « Baise un bon coup si t'es frustrée, mais fous moi la paix ! D'ailleurs, j'me casse ! Vu que je dégoûte madame, ce sera au moins une bonne action de faite ce soir à défaut de pouvoir sauter une coincée pour la dérider. » L'alcool le rendait coupable de ses propos grinçants, mais n'excusait pas tout. Et certes, le Gryffon n'était ni connu pour sa délicatesse ni pour sa galanterie et gratifiait en cela ses interlocuteurs d'un vocabulaire peu soutenu – euphémisme – mais jamais il ne s'était adressé à sa douce amie de cette façon. Ses yeux fauves brûlèrent la peau de la demoiselle quelques secondes encore avant qu'il ne tourne les talons, incapable d'écouter ce qu'elle avait à dire tant la colère enflammait ses veines et noyait son myocarde.

Evitant les mains le retenant sur la piste de danse, s'abreuvant d'un dernier shoot de vodka pris sur le vif, Ainsley déambula jusque la porte de la salle qu'il eut bien du mal à trouver. Perdu dans les brumes de l'alcool et l'ivresse de sa colère, il lui avait semblé traverser l'espace-temps pour mieux rejoindre la sortie alors qu'il n'avait fait que quelques mètres. Et lorsque la porte se referma derrière lui, engloutissant les derniers échos festifs frappant contre les murs, Ainsley avisa les couloirs glacés d'un regard dépité. « Fuck... » souffla l'éméché avant de se rappeler que sa salle commune était loin, si loin... Et qu'il n'avait plus aucune idée de où il se trouvait. Néanmoins sa fierté déplacée le rengorgea et lui ordonna de ne pas revenir dans la salle pleine, aussi le jeune homme commença à déambuler tout en prenant, bien sûr, la mauvaise direction. Mais au moins, l'air frais des couloirs le dégrisait quelque peu.

Loubelle avait bu un peu, mais pas assez pour en perdre ses sens et dires des bêtises, du moins c'était ce qu'elle croyait. Néanmoins elle s'était perdue dans un discourt enflammée et aux mots d'une violence probablement déroutante pour son meilleur ami. Elle le voyait froncer ses sourcils broussailleux sans pour devenir se qui allait se passer. Elle était peut-être voyante, mais elle ne connaissait l'avenir qu'en brides qu'elle contrôlaient mal. Chaque mots sortant de sa bouche était une libération de quelques grammes du faix qu'elle portait sur son coeur qui s'affolait comme s'enflamme une brindille. Toutefois, c'était la même rengaine. Aussitôt que Loubelle élevait un peu le ton, montrait ses crocs à travers des paroles cinglantes et surprenantes, on rejetait se qu'elle disait, on la fuyait. Comme si elle n'avait pas le droit de n'être autre chose qu'un joli minois taciturne aux traits calme malgré les forces de ses dires. Elle s'émerveillait de l'auguste visage de son vieil ami. Ce masque de perfection qu'elle rêvait secrètement de caresser du bout des ses mains, ses lèvres imbibées d'alcool qu'elle aurait dévoré comme son dernier repas, ses yeux si sombres qu'on pouvait voir son âme de la même couleur tout au fond, si on regardait très bien. Son nez se plissait, c'était de très mauvaise augure. Sans un mot, il se levait en sautant de sa chaise. Le dédain et l'aigreur émanaient de tous les pores de sa peau, ne faisant qu'écorcher encore d'avantage mon coeur à vif, mon coeur presque mort d'avoir souffert toutes les misères du monde. Pourtant, même lorsqu'il était en colère, le bruissement de sa voix restait agréable, une mélodie sur laquelle je rêvais de tomber dans les bras de morphée. « Je pensais que tu étais mon amie mais je me suis visiblement trompé. J't'emmerde okay ? J't'emmerde, si toi aussi t'es du côté de ces cons de Potter qui peuvent pas avancer sans leurs foutues oeillères. » Elle arquait un sourcil, incertaine de comprendre ce qu'il voulait dire par ses mots et à la fois fâché qu'il ne veuille pas comprendre ce qu'elle se tuait à lui dire. Si quelqu'un portait des œillères, c'était bien lui. Je n'étais même plus une femme pour lui, j'étais son amie et il n'acceptait même pas de reconnaître ce que tout le monde avait compris depuis trop longtemps. Il ne comprenait pas que ce n'était pas d'être avec Lily Potter, c'était d'être avec qui que ce soit d'autres qu'elle-même. Loubelle le voulait rien que pour lui, dans l'égoïsme qu'elle se permettait d'avoir pour une fois dans sa vie. Les paroles du gryffondor n'était que des coups de poignards supplélementaire dans sa poitrine déjà un lambeau. Elle agonissait déjà, un de plus, un de moins, elle allait en crever de toutes façons. « Baise un bon coup si t'es frustrée, mais fous moi la paix ! D'ailleurs, j'me casse ! Vu que je dégoûte madame, ce sera au moins une bonne action de faite ce soir à défaut de pouvoir sauter une coincée pour la dérider. » Et voilà, il l'avait tuée la pauvre petite vierge qui n’espérait que depuis trop longtemps de connaître les plaisirs de la chair en compagnie de celui dont elle était amoureuse plutôt qu'avec n'importe quel idiot qui n'arriverait pas à se remémorer son prénom en seulement. Sa débouche se déclouait, sans pour autant qu'elle n'arrive à piper mot. Jamais il n'avait tenu de tels propos à son égard, elle en perdait tous ses sens. Son regard de flammes la gratifia quelques instants avant qu'il ne tourne les talons. Loubelle était figé sur place alors qu'elle le regardait s'éloigner, le coeur en miettes et les larmes aux yeux, elle ne pouvait pas laisser cela se faire. Il fallait qu'il sache son secret parce qu'elle n'en pouvait plus de le garder pour elle.

C'est ainsi que la douce enfant se fraya un chemin entre les corps pour le poursuive. Son sentier sinueux et rapides à travers le champs de bataille de sorciers ivres morts ne manquait pourtant pas de son élégance habituelle, mais elle n'était pas certaine de retrouver le jeune homme. Alors qu'elle se retrouvait devant le porte qu'elle ouvrait, elle l'apercevait, chancelant au loin. Elle ne tarda pas à le rattraper, sans pour autant savoir de quoi son discours allait être fait. Elle devait laisser aller son coeur pour une fois, rien qu'une fois. Même si le moment était mal choisi, même si les larmes menaçaient de déborder sur ses joues si elle se faisait encore du mal.

« Ainshy... » Sa voix habituellement si calme et en contrôle se cassa alors qu'elle ravalait un sanglot. Elle aurait pu lui servir des excuses bidons du genre ''c'était pas ce que je voulais dire'' ou se traiter d'idiote, lui dire qu'il avait raison, mais ce n'était que faire perdurer le supplice qui l'entraînerait inévitablement vers sa mort. Elle le rattrapait dans sa course pour glisser sa main dans la sienne et le faire s'arrêter. Alors qu'il se retournait vers elle pour y poser ses yeux toujours rageur, la poufsouffle perdait le contrôle de ses gestes. Ses yeux, son corps près du sien. Elle lui sautait au coup. Elle entourait sa nuque de ses mains tandis que ses lèvres allaient lentement rejoindre les siennes. Toutes les cellules de son corps explosaient alors qu'elle tentait de lui faire comprendre ce qu'elle n'arriverait jamais à lui dire avec des mots. Tout son corps s'allumait d'un coup alors que ses lèvres se régalaient des siennes dans un geste désespéré et qu'elle savait inopportun étant donné la situation, mais surtout l'état de son compagnon depuis leur première année. Elle les jetaient dans le gouffre sans réfléchir, elle risquait de le perdre sans issus que tout redevienne comme avant entre eux. Elle s'aventurait sur un terrain dangereux, mais elle fermait ses paupières devant le danger qui l'avalait déjà. Elle profitait de ce moment béni alors qu'elle savourait le goût de ses lèvres qu'elle n'oublierait jamais. La saveur de ce baiser qui finirait par l’obséder, la rendre accro. Loubelle n'était pourtant pas une briseuse de couple, Ainsley avait toujours été sien, seulement, il ne le savait pas encore.

« Ainshy... » Un éclat de voix perdu dans les brumes nébuleuses de son ivresse, cassée et éraillée par la lourde peine qu'elle traînait dans son sillage essoufflé, ramena Ainsley à lui malgré ce souffle à peine audible. Le jeune homme avait tressailli à l'appel de ce son familier, soulagé déjà de sentir le timbre de la réconciliation car sachant pertinemment qu'il ne pouvait se brouiller avec sa Luciole bien longtemps. Bien sûr qu'ils avaient déjà eu quelques disputes auparavant, mais elles étaient minimes et souvent teintées d'une affection maladroite comme lorsque sa Loubelle interdisait à Sin de se rendre vers les tours les soirs où elle sentait son attrait pour le vide s'exacerber, ou qu'il avait oublié son écharpe un jour de grand froid. Ce soir le ton était donné, ferme et cassant il avait filtré sous leurs peaux toutes ces paroles aussi blessantes que du verre pilé qu'un alcool pas assez présent dans leur sang n'effacerait pas. Mais plus encore, Sin qui s'était aventuré de quelques pas dans les couloirs, perdait déjà sa route car blotti dans les nuages pervers et vicieux de son esprit ivre qui l'emmenait il ne savait où. Enfin, il avait un repère auquel se raccrocher. Enfin ses sens s'éveillaient pour quelque chose qu'il connaissait bien ; un parfum, une mimique, une voix. Le Gryffondor s'était dès lors retourné vers sa tendre amie, encore fâché malgré le soulagement qui réchauffait son coeur . Mais ce n'étaient là que les derniers vestiges d'une fierté qui se mourrait bientôt pour mieux faire naître sur ses lèvres un sourire de pardon. Lui non plus n'avait pas été délicat, usant de mots comme on s'arme de fusil et incriminant la pauvre jeune fille d'une honte qui n'était pourtant que vertu : sa virginité. Fort heureusement Loubelle connaissait bien son ami de toujours et lui attrapa la main pour mieux le voir se retourner, le forçant à abattre ses dernières barrières de fierté et de regarder la réalité en face : ils ne pouvaient pas partir fâchés. Même si cela devait induire des excuses timides prononcées du bout des lèvres ou d'un regard furtif, ils n'avaient pas le droit de froisser une amitié à cause d'un peu trop de vodka et de nerfs à vif. Après tout ce n'était facile pour personne, surtout au regard de l'ambiance échauffée du château.

Ainsley alla pour parler, offrir en retour quelques mots de son cru sans qu'il ne sache vraiment lesquels puisque son cerveau ivre peinait à trouver un vocabulaire cohérent. Et lorsqu'enfin il envoyait les signaux à ses cordes vocales, celles-ci refusaient d'obtempérer... Le temps qu'elles changent enfin d'avis et le Gryffon avait déjà oublié ce qu'il était censé dire pour la rassurer sur leur complicité sans faille. En d'autres termes il resta là la bouche entrouverte, sourcils froncés de confusion et regard perdu sur le mur dans l'espoir que celui-ci ne lui relance de l'inspiration ou ne lui fasse recouvrer la mémoire. Ce qui en suivit fut cependant tout autre, attisa la magie, rapprocha les corps, éveilla les sens... par la grâce d'un baiser volé lorsque sa Loubelle lui sauta au cou. D'abord pris au dépourvu, Ainsley ne put nier y avoir répondu : d'abord parce qu'il était grisé par l'alcool, ensuite parce que c'était agréable et que cela le rappelait à son passé de séducteur invétéré, enfin parce qu'il se produisait quelque chose. Ce n'était pas un de ces baisers lubriques et sales ni les lèvres d'une catin facile qui entrouvrait la bouche comme elle souhaitait par la suite écarter les cuisses. Il y avait dans ce baiser quelque chose qu'il n'avait jamais suspecté mais qui pourtant se produisit, comme une évidence. Quelque chose qui ne se traduisait par aucun mot et ne se décrivait que par le langage tacite des sentiments. De l'envie, du désespoir, de l'amour. Un mélange de sel de ses larmes et du miel de sa sincérité amoureuse. Le garçon ne profitait pas du baiser ; il le sublimait. Sans jamais vouloir en faire trop cependant, se laissant toujours porter par cette agréable surprise et ce fruit interdit, quand au fond de lui même, dissimulée sous ces effluves trop lourdes d'alcool, sa culpabilité se manifestait à coups lents contre son cerveau. Il avait Lily, il en était amoureux, mais il en embrassait une autre et ne la repoussait pas. Il aurait été de mauvaise foi de tout mettre sur le dos de l'ivresse ; certes elle contribuait au relâchement de Sin et son impressionnante facilité à se laisser aller sous l'appel de la chair, comme un autre besoin vital, mais elle n'était pas assez prenante pour qu'elle ne prenne le contrôle de sa conscience et ne l'aveugle. Ce fut donc lui qui, au bout de longues et délicieuses secondes, mit fin au baiser tout en sentant fourmiller en lui mille sentiments contraires : plaisir, honte, exaltation, culpabilité, l'envie de fuir, le désir de rester.

Un silence pieu comme un sacrement s'installa dans le couloir désert. Le temps qu'ils recouvrent leur souffle et le temps qu'ils comprennent : lui de ce que ce baiser impliquait vraiment, elle de ce qu'elle avait fait sous un élan impulsif. C'est alors qu'Ainsley plongea son regard dans les prunelles humides de Lou, à la recherche de cette lueur significative qui lui ferait tout comprendre.... Enfin il la vit, en l'espace d'une demi seconde le jeune homme avait compris. Les sourires tristes de sa Loubelle lorsqu'il lui parlait de sa rouquine, leur étrange conversation dans le parc où elle lui avait ouvert son coeur en filigrane, ces regards fuyants, ces joues rougissantes, ces touchers pas si anodins, ces étincelles jalouses tues dans ses rires sonnant faux, et enfin cette dispute. Et Sin se remémora de tout comme il prit conscience de l'horrible bourreau qu'il avait été durant toutes ces années, à lui exhiber ses conquêtes et lui parler d'elles. De leur beauté, de leur intelligence ou de leur stupidité, de leur performance au lit – gentleman qu'il était. Et de cette façon qu'il avait toujours eu de la traiter comme une petite fille et non pas une jeune femme, pièce du puzzle de son univers mais sans jamais prendre conscience vraiment qu'elle était une demoiselle. Loubelle avait toujours été pour lui son amie, sa confidente, mais sans la saveur érotique que lui inspirait habituellement la gente féminine. Pas parce qu'elle n'était pas à son goût (comment aurait-il pu juger, lui qui ne l'avait jamais regardée finalement?) mais parce qu'aux yeux de Sin, Loubelle était un ange. Elle était donc asexuée. Et il n'avait pas compris combien il la torturait en pensant inconsciemment la préserver. « Depuis quand ? » souffla-t-il dans un murmure, un peu perdu par toutes ces révélations, sonné d'être enfin réveillé, et appréhendant surtout la suite. Depuis toujours était la réponse qu'il redoutait. Car plus longtemps la belle avait été sous son charme, plus longuement la bête l'avait alors torturée malgré elle.

Tant de nuits, tant de lunes étaient passées depuis la rencontre des deux êtres. Ils se connaissaient mieux que personne et pourtant, ce soir des secrets encore jamais révélés retombaient sous leur nez sans qu'ils ne passent à travers de mot. Le tout s'était transmit par un geste impulsif, mais pourtant empli de délicatesse. Les lèvres de Loubelle avaient harponner celles de son éternel allié pour les faire siennes. La demoiselle avait laissé sa cervelle de côté le temps de profiter de ce moment bénit. Elle ne se tourmentait pas de questions, laissant tout simplement ses lèvres le couvrir de tout cet amour refoulé. Pour la première fois depuis longtemps, la poufsouffle laissait ses sentiments prendre avantage sa maîtrise personnelle habituelle. C'était une libération, mais c'était à la fois un grand danger. Elle avait perdu pieds et s'était lancée dans le vide pour la première fois de sa vie. Bravant des tempêtes sombres, des terres inconnues, des promesses de misère. Ses jambes l'avaient abandonnée sous l'effet du sang frémissant sous son épiderme exsangue et angélique. Leur embrassade perdurait tandis que la bouche de Blackwood ne résistait pas aux caresses charnelles de la sienne. Son coeur titubait alors brisait leur suave contact. La crainte de le perdre la submergea alors que les idées revenaient dans sa tête trop peu imbibée d'effluves d'alcool. Pourtant ses prunelles brûlantes lui firent espérer le contraire. Ils ne pouvaient pas se perdre, ils s'appartenaient religieusement. Elle était sa Loubelle et il était son Sin. Son pêché, son seul et unique pêché. Il la rendait faible, elle ne pouvait pas lui dire non, il lui faisait faire des idioties, lui avait volé son raisonnement et toute son affection. Elle était maintenant une sainte damnée rien que pour avoir posé ses lèvres sur le pêché sous sa forme la plus tendre. Heureusement, elle s'en foutait, convaincue d'avoir perdue son âme en même temps que sa mémoire.

Le silence avait établis son refuge dans le couloir depuis que les mains de la demoiselle étaient retombées mollement de chaque côté de son corps squelettique. La réalité la heurtait dans la nuit muette : elle venait de lui avouer son amour. Le mensonge n'était plus une issue, son amour lui avait été révélé dans un geste tendrement désespéré. Leurs yeux se noyaient ensemble pour se comprendre d'avantage qu'avec les mots. Dans ses prunelles ce soir brillait quelque chose qu'il n'avait jamais prit la peine de regarder avant, mais qui était bien là, là depuis toujours. Le lion brisa finalement le silence avant une question qu'elle aurait préférer fuir : « Depuis quand ? » Le regard de Loubelle quittait son ami pour s'encrer profondément dans le sol. Elle ne voulait pas lui dire à quel point elle avait été pathétique après toutes ses années à l'aimer en silence sans jamais ne lui monter clairement. Ce baiser aurait pu être volé bien avant, avant Lily, avant ce soir, avant qu'elle ne s'écorche le coeur en restant taciturne. Comment le lui dire sans que naisse en lui la pitié écoeurante pour la pauvre idiote qu'elle était ? La jeune femme prenait un longue inhalation d'aire pour se donner le courage qu'elle n'avait pas tandis qu'elle soufflait sa réponse.

« Trop longtemps... » Ce soir elle réalisait tout. Son malheur était sa faute, crée par sa peur d'être rejetée alors qu'elle avait trop attendu. La fragile enfant avait espéré qu'une fois son adolescence terminée, ses pulsions se calment pour laisse place à un jeune homme enclins aux sentiments véritables. Elle avait espérer lui avouer cela juste à temps pour qu'il soit prêt à bâtir quelque chose de fort, d'indestructible. Loubelle sentait d'or et déjà le rejet s'abattre sur sa nuque qu'elle briserait. Comment pouvait-il en être autrement alors qu'il n'avait d'yeux que pour Lily ? C'était ce qu'elle redoutait depuis le début alors que la fatalité allait bientôt l'abattre. Bien que peu aguerrie, elle trouvait la bravoure de greffer son regard au sien alors qu'il lui dirait qu'il l'aimait bien, mais qu'il y avait Lily qu'il aimait plus. Loubelle n'était pas à la hauteur de Ainsly et n'arrivait même pas à la cheville de ses concubines. Elle avait simplement joué à un jeu cruel où elle perdait d'avance, mais dans lequel elle avait foncé tête baisée.

« Trop longtemps... » Il frissonna sitôt ses doutes certifiés. Toutes ces années passées à la martyriser sans qu'il ne le sache vraiment, avortées en un baiser sincère et chaud qu'il n'avait pourtant pas le droit de refuser. Sin détailla la demoiselle, silencieux il lui fallut du temps pour remettre ses idées en place et comprendre toute l'ampleur de la situation. Ce n'était pas tant cette pseudo culpabilité d'un baiser volé auquel il avait répondu puisqu'ayant éprouvé du plaisir qui le travaillait, c'était de savoir quoi dire, comment réagir, que faire pour ne pas la blesser ni lui souffler trop d'espoir malgré ce désir nouveau naissant dans l'alcôve de ses yeux bruns. Le Gryffondor l'avait toujours connue en tant qu'amie, estimée comme une camarade proche et complice, confondue avec la silhouette d'une soeur. Il la découvrait jeune femme, avec une beauté et des formes, des envies, des besoins, une sensualité rayonnante. Et si le Ainsley assagi n'avait plus qu'à passer son chemin pour demeurer fidèle, le Sin éveillé par le baiser et l'alcool devait admettre que la Poufsouffle était soudain désirable, autant par son audace que par sa belle fragilité. Un frisson de nouveau, et Ainsley reprit ses esprits. Comme si tout l'alcool ingéré s'était d'un seul coup évaporé par tous les pores de sa peau, tant il était resté dépourvu face à ce geste exquis. « J'ai vraiment été aveugle tout ce temps. » fut la première phrase que Sin parvint à souffler, un léger sourire en coin quelque peu gêné tandis qu'il parlait sur le ton de la plaisanterie malgré l'évidence même de ses propos. Juste histoire de détendre l'atmosphère, de ne pas plomber l'ambiance, de ne pas alourdir cette gêne qui les pesait. Elle, parce qu'elle s'était enfin livrée au détriment d'une chute possible. Lui, parce qu'il semblait perdu. Comme matant la tentation droit dans les yeux et ne parvenant pas à lui scander un non définitif. « Ecoute je... » Glissant les mains dans ses poches, le jeune dandy désenivré par la situation particulière posa durant quelques secondes à peine son regard noisette sur la porte d'où provenait la musique sourde, s'assurant qu'aucun curieux ou élève ivre mort ne viendrait casser ce moment. Incertain face à ses mots qui peinaient à venir, Ainsley humecta ses lèvres d'un rapide coup de langue comme pour mieux les laisser glisser et darda à nouveau sa Loubelle. « Je suis désolé pour tout ce que j'ai dit, c'était stupide. Que ce soit pour tout à l'heure et pour... tout le temps en fait. » Et plus il y pensait, plus Ainsley était accablé par la gêne et la culpabilité. Car avec le recul il comprenait à présent l'ampleur de leurs quiproquos, leurs discussions révélant en filigrane les sentiments de sa Loubelle sans que jamais le jeune homme ne s'en rende compte, la façon qu'il avait eu de l'abandonner. « Si j'avais su, j'aurais fermé ma grande gueule. » S'il avait su, les choses auraient pu en être autrement. Bien que le pensant très fort, le jeune homme se tut un instant afin de trouver ses mots. Qu'il était difficile de ne pas la blesser elle, et de réprimer ses démons à lui. L'ancien Sin aurait sauté sur l'occasion, respectant bien sûr son amie de toujours mais ne lésinant pas sur la séduction pour combler leurs envies à tous les deux. L'actuel Ainsley était tout autant troublé, mais restant figé dans sa fidélité apparaissant comme imperturbable pour sa Lily. Il mettait par ailleurs son hésitation sur le dos de la pression qu'on infligeait à leur couple et qui usait ses nerfs comme son énergie. « Mais niveau timing, tu avoueras que c'est plutôt raté. » Un sourire de nouveau, comme insistant pour ne jamais alourdir l'atmosphère et tenter de lui arracher des rires plutôt que des larmes malgré sa gêne apparente. Il ne pouvait pas quitter Lily sur un baiser, quand bien même celui-ci l'avait marqué et que... « T'es fun, t'es intelligente, douce et sexy... » Une première venant de Ainsley à l'encontre de sa douce amie qu'il avait découvert sous un autre angle ce soir. « Si je n'étais pas en couple, bien sûr que je t'aurais sauté dessus. » Une maladresse un peu crue sans doute, de la part d'un garçon qui désirait seulement esquiver cette délicate situation en ne mâchant pas ses mots et en préservant la fierté de la jolie Poufsouffle. Aussi finit-il dans un sourire avant de répliquer une dernière fois. « Viens, je te raccompagne. » Parce qu'au final, c'était bien plus sage ainsi.