Lily & Sin.”

Les rayons d'un soleil réchauffé chatouillèrent son nez qui plissa dès lors de mécontentement. Bien loin de réveiller le jeune Ainsley d'une manière fraîche et dispose, le fêtard enfouit sa tête sous son coussin avant de maugréer quelques paroles incompréhensibles rendues pâteuses par le sommeil. Il avait bien tenté de se rendormir et de se laisser bercer par les bras apaisants de Morphée, mais c'était là sans compter le vacarme intérieur de sa boîte crânienne dérangée par un pic-vert et un orchestre fou, comme le tumulte parvenant de la salle commune. Les conversations vives et enjouées remontant jusqu'à sa chambre trahissaient des esprits réveillés depuis longtemps, aussi le Gryffondor pouvait estimer l'heure aux environs de midi... Soit l'heure exacte de son rendez-vous avec Lily. « Fuck ! » Un sursaut anima son corps endormi qui s'était redressé si brusquement qu'un tournis désagréable s'empara de son crâne. Assis sur son matelas, paupières closes pour éviter toute agression lumineuse venant piquer sa gueule de bois, et main désespérée frictionnant ses tempes dans l'espoir vain que la migraine ne passe, Ainsley dut attendre quelques minutes de répit avant de se lever avec agilité – et avec quelle force, il n'aurait su le dire tant il n'avait toujours pas décuvé de la fête de la veille – et de se précipiter dans la salle de bain. Douche fraîche, coiffure rapide d'un seul geste pressé de la main, et rasage laissé pour compte qui laissa apparaître une barbe de quelques jours, Sin se hâtait avec précipitation et nervosité, injuriant tout ce qui pouvait être injurié pour mieux passer ses nerfs. Ainsi un jet d'eau trop froide lui arracha un autre 'fuck', la cravate nouée de travers suscita un 'you bitch' colérique, et l'incapacité de remettre la main sur son rasoir lui inspira un grand et délicat 'shit' pour finalement abandonner l'idée de se raser de près. Enfin, lorsque apprêté d'un jean et d'une chemise noire – puisque le jeune homme avait bien sûr abandonné la bataille avec sa cravate hargneuse qui se riait de ses doigts rendus engourdis par la gueule de bois – Ainsley sortit en trombe de sa chambre, passa la salle commune en un éclair, et se retrouva aux portes de Poudlard non sans sentir cette migraine atroce frapper encore et toujours contre sa tête.

« Pas en retard, pas en retard... » Ces quelques prières touchantes et païennes rythmaient sa course comme Sin s'était lancé sur le chemin de Pré-Au-Lard, sonné par l'ivresse de la veille qui s'acharnait encore sur lui, mais penaud d'avoir laissé Lily seule à son rendez-vous. Bien sûr que Ainsley n'arriverait jamais à l'heure puisqu'ayant quitté sa chambre bien après l'horaire convenu de leur rendez-vous, néanmoins le Gryffondor se surprenait à espérer naïvement, un peu comme si répéter cette chanson honteuse dans sa tête repousserait le moment échéant où sa Serdaigle se lèverait de table pour partir, accordant que son petit ami n'était qu'un goujat lui ayant posé un lapin. Sans compter que ce tête-à-tête amoureux convenu aux Trois Balais était le premier depuis leur fameuse nuit où elle s'était donnée à lui, vierge en offrande à l'ancien pécheur, et où lui s'était offert à elle autant par le corps que par le coeur. Car de mémoire de Don Juan, Ainsley n'avait jamais couché avec une fille en étant amoureux. Ainsi donc, une multitude de situations rocambolesques traversa son esprit et le força à lutter contre la nausée fourbe d'une douloureuse gueule de bois : peut-être penserait-elle qu'il l'avait plaquée à présent qu'il avait eu ce qu'il désirait, ou bien était-elle déjà en train de le maudire et de l'accuser de ne pas avoir tant changé finalement ? Sin accéléra le pas de course autant qu'il le put, condamnant son imagination fertile, pestant contre tout l'alcool ingéré la veille, vociférant contre ce marathon lui arrachant jusqu'au moindre souffle.

Quand enfin le jeune homme arriva aux Trois Balais essoufflé, il dut calmer ses poumons durant de longues secondes avant de se redresser, et accrocha au passage le regard vide d'un client passant le seuil du bar. Après tout, peut-être n'était-il pas si en retard que cela. « Quelle heure est-il ? » souffla-t-il à l'adresse de l'inconnu, lequel fronça les sourcils car incommodé par le manque de politesse du Gryffon. « Treize heures quinze. » D'accord, il était en retard. Et d'une bonne heure et quart, pour saluer le tout. D'un soupir frustré, Ainsley s'avança dans la salle vers le coin habituel, le coeur prêt à lâcher s'il ne l'apercevait pas. Son regard fauve fouilla les lieux avec une certaine nervosité malgré sa mine presque placide, conscient qu'en plus il ne devait pas être très présentable, et à juste titre. Ses cheveux bruns décoiffés et sa chemise froissée lui conféraient des airs sauvages, quand sa barbe tout juste naissante lui offrait un aspect négligé mais qui rehaussait visiblement son âge puisqu'il lui sembla attirer le regard de quelques femmes d'une bonne vingtaine d'années. En espérant que Lily en ait la même appréciation et ne s'offusque pas de le voir quelque peu relâché.

Un autre soupir passa la barrière de ses lèvres quand il aperçut cette silhouette familière ; Ainsley hâta le pas et vint prendre place face à Lily. Honteux et essoufflé, les mots se bousculaient dans sa gorge et son regard troublé par le stress ne daignait pas rester calme, tant et si bien qu'il ne s'aperçut pas aussitôt du changement physique de sa belle ni même prit le soin de l'embrasser. Il fallait qu'il s'explique, avant qu'elle ne le traite de goujat. « Je m'excuse pour mon retard, mon réveil n'a pas sonné et... Enfin si il a sonné mais j'ai fait la fête hier, très tard et... » Le Gryffondor se stoppa, marqua une pause, entrouvrit les lèvres de surprise et esquissa un sourire comme enfin il détailla sa Lily. « T'es allée chez le coiffeur en m'attendant ou... ? » Les jolis cheveux roux de sa Serdaigle étaient tombés, lui conférant un air de garçonne mutine. L'aspect moins jeune fille angélique et plus jeune femme affirmée lui plaisait d'avantage, néanmoins il n'aurait jamais cru Lily capable d'une telle initiative plutôt renversante.