Théoxane les a longtemps ignorés. Elle avait cette capacité à les oublier. Le plus clair de son temps la tête perdue sur une planète encore inconnue, elle ne prêtait plus attention à ces hommes sombres qui traînaient dans les couloirs de Poudlard, le regard toujours menaçant, toujours suspicieux. Elle tâchait d'oublier que l'école-même était dirigée par le plus grand mage noir de l'histoire de la magie. Les rêves de la gamine et son étourderie l'aidait à survivre dans ce monde avili par la magie noire. Théoxane riait, souriait. Théoxane continuait de rêver. Puis il y avait eu ces incidents, la destruction d'une part de la bibliothèque, des mesures toujours plus drastiques. Et Code Phénix. Elle avait détesté Lucy et Hermès pour s'être fourrés dans cette histoire sans même lui en faire part, sans doute l'avaient-ils protégée en agissant ainsi, mais peu lui importait. Ils avaient souffert de ce soulèvement, ça les avait changé. Théo ne l'avait pas supporté. Elle n'avait plus supporté non plus d'être enfermée dans ce château. Elle n'avait plus supporté de ne plus rendre visite à sa mère et ne plus voir son père. Elle avait souvent craint de découvrir que le Lord lui-même en avait fait le festin de son cher serpent. Elle n'avait plus supporter de voir des gens tomber autour d'elle. Cette gamine qui s'était crée un monde de merveille et ne savait vivre autrement n'avait plus supportée de vivre un cauchemar.
Elle s'était enrôlée. Discrètement. Sans trop en parler. Elle avait commencé à prendre parti dans la résistance. Les mangemorts ne la soupçonnait pas ; la tête de cette enfant semblait trop vide, ses yeux trop rieurs ou rêveurs. Le sourire qu'elle leur décochait parfois innocemment, décelant peut-être en eux un homme effrayé par le mage noir plutôt que réellement mauvais, ou l'esprit simplement trop occupé à de belles pensées pour cesser de sourire à leur passage, semblait même faire d'elle une potentielle partisane du Lord et de ses pions. Théoxane avait commencé à agir pour la libération, pour sa libération et avait décidé d'arborer fièrement mais secrètement le Phoenix des Résistants.

LE TEMPS D'UN ÉTÉ. 1er septembre 2016.

Un homme fit irruption dans le salon de la petite maison des Mars, vêtu de noir et le teint trop pâle, arrachant à la minuscule blonde un couinement étouffé. Un vent froid glissa dans le cou de la gamine qui sentit son cœur s'exciter. « Théoxane Anushka Mars ? » Elle ouvrit la bouche pour répondre par l'affirmatif mais aucun son ne daigna sortir et elle se contenta de plusieurs hochements de tête vifs. Son père, qui s'était éclipsé dans la cuisine quelques minutes plus tôt en sortit avec deux tasses fumantes de chocolat sur un petit plateau à l'imprimé fleuri. Il s'arrêta net au seuil de la porte lorsqu'il aperçu l'inconnu et manqua à l'occasion de faire tomber tout le contenu du plateau. Son visage se décomposa. « Déjà ? » Ses yeux imploraient pitié. L'inconnu toisa le moldu avec dégoût et se retourna vers l'enfant. « Debout la mioche. Le maître n'accepte aucun retard. » Docile, apeurée, elle s’exécuta. Son regard se perdit sur son père, totalement désemparé. « Tu.. tu ne bois pas ton chocolat ? » Il se tourna vers l'homme en noir. « Monsieur, vous boiriez bien quelque chose avec nous ? » Il tenta un sourire. Totalement déboussolé. Il savait qui était cet homme, s'il n'avait pas toujours compris le monde magique, il avait parfaitement compris qu'on lui retirerait sa fille à l'âge de ses onze ans lorsque sa femme le lui avait expliquée. Il savait que cet homme était dangereux mais une seconde de plus aux côtés de sa fille serait plus précieux que tout autre chose dans ce monde. Le mangemort laissa échapper un long soupire de sa bouche et refusa l'invitation d'un mouvement de la tête. « Dépêches toi de faire tes adieux, Mars. » L'enfant, à peine âgée de onze ans ouvrit de grands yeux et couru vers son père qui avait déjà reposé le plateau pour éviter les dégâts. Il lui ouvrit ses bras et tous deux se serrèrent aussi fort qu'ils le purent dans leurs bras. « Fais attention à toi mon poussin. Reviens-moi vite. Je t'aime. » Il étouffa un sanglot dans les bras de sa fille qui tira une grimace à l'inconnu. Théoxane se retira des bras de son père, sans trop comprendre ce qu'il se passait réellement. Sa mère lui avait pourtant expliqué. Elle quitterait la maison pour huit années, elle étudierait dans une prestigieuse école de sorcellerie et elle adorerait ça. Ce ne serait pas long. C'est ce qu'on lui avait dis. Elle embrassa la joue de son père, lui sourit tendrement. « Ne pleure pas papa, je vais revenir vite. » Elle se retourna pour se saisir d'une valise bien trop imposante et lourde pour une enfant de son gabarit. Elle questionna l'inconnu du regard et celui-ci s'avança, menaçant, vers elle. Il grogna et arracha la valise des mains de Théoxane. « Accroche toi. » Elle releva soudainement la tête vers lui, les yeux ronds comme des billes. Il eut un rire sarcastique. « Tu t'attendais peut-être à une voiture ? Gosse de moldu. Accroche toi à mon bras et ne bouge pas. » Elle s'exécuta une nouvelle fois. Elle n'eut que le temps de jeter un dernier regard à son père et lui faire un signe de la main avant que celui-ci ne disparaisse. Il avait pris dix ans d'un coup, le visage déformé par la crainte et la tristesse. Trois années. Il avait fallu trois années pour que la vie ne lui retire les deux femmes de sa vie. S'il avait tâché de garder la face devant Théoxane - bien que l'enfant ne soit pas dupe - il ne lui serait plus possible de se relever sans la vue du sourire rayonnant de cette enfant.

Elle fut prise de nausée presque instantanément et préféra fermer les yeux. Une fraction de seconde plus tard, elle se tenait devant les grilles d'un immense château. Un murmure s'échappa de sa bouche « Poudlard. » Ses yeux se mirent à briller et un sourire éclaira son visage. C'était magique. Le raclement de gorge du mangemort lui fit vite comprendre qu'il valait mieux pour elle qu'elle lâche son bras et c'est ce qu'elle fit. « Rejoins les autres, en rang, et pas un mot. » Elle hocha la tête, émerveillée et obéit sans quitter le bâtiment moyenâgeux du regard. Elle adressa une pensée silencieuse à son père, pensant qu'il aurait aimé voir ça. Bien que la magie ne le dépasse, il aurait adoré voir la silhouette du bâtiment se détacher dans ce ciel crépusculaire.

Des élèves firent leur apparition tous accompagnés de mangemorts, à mesure que les minutes défilaient. La consigne du silence n'était pas si mal respectée malgré quelques chuchotements discrets, parfois réprimandés par un coup derrière la tête furtif. Théoxane demeurait muette. Un trop plein de sentiments différents se tenaient la main au sein même de son crâne. Émerveillement. Appréhension. Excitation. Fierté aussi, étrangement. Elle restait muette devant cette foule d'enfants. Théoxane n'était pas la plus à l'aise face au monde qui l'entourait. Si elle supportait la foule, elle ne s'y sentait pas plus à l'aise que cela. Elle préférait se fondre dans la masse. C'était malheureusement sans compter sur ses cheveux ivoires et sa façon d'être qui avait cette tendance étrange à choquer les plus simples d'esprits. Cette gamine dans la lune attirait parfois les regards sur elle, souvent on se riait d'elle. Elle avait appris à vivre avec ; pourquoi ne serait-ce pas les autres, les gens bizarres ? Après tout, elle avait toujours vécu dans cette bulle quelque peu fantasque, avec des parents totalement déconnectés de la réalité. Si son père avait été plus sensé dans ses jeunes années, il avait perdu la raison lorsqu'il avait rencontré la mère de Théo. Le temps n'avait rien arrangé.
Pourtant, il y avait ces personnes en qui elle vouait une confiance aveugle sans raison, sans même les connaître. Un simple sourire et ce mutisme disparaissait. Elle s'apprêtait à parler à une brune presque aussi minuscule qu'elle qui se tenait à sa droite lorsqu'elle le vit arriver, majestueux. La vue de ce qui le suivait en rampant sur le sol arracha un frisson à Théo. Le Lord. Il avait ce sourire carnassier à vous glacer le sang. La mère de l'enfant avait refusé de le lui décrire, Théo comprenait maintenant pourquoi. A mesure qu'il avançait, le silence prit place. Les visages trahirent parfois de la peur, sur d'autres on pouvait lire de l'admiration. Solennellement, il souhaita la bienvenue aux premiers années et les invita à le suivre. Aucun élèves n'osa se faire prier et la découverte du château fut silencieuse. Théo se sentait si petite au sein des murs du bâtiment, elle ne savait où donner de la tête tant il y avait à découvrir. « C'est immense. » avait-elle lancé à voix basse, pour elle-même. La brune à qui elle avait manqué d'adresser la parole lui répondit et Théo lui offrit son plus beau sourire.

Le temps n'étant pas à la visite, les mangemorts firent entrer les élèves dans une immense salle, pour ne pas changer du reste du château. La répartition. « Théoxane Mars. » Son cœur fit un bond dans sa poitrine et elle se fraya un chemin dans les derniers élèves qui n'avaient pas encore été appelés. Ses petites jambes foulant rapidement le sol, elle eut presque du mal à monter sur le tabouret. Elle se mordilla un peu les lèvres en attendant le jugement du Choixpeau et alors son coeur fit un nouveau bond. Son sourire s'élargit et elle sauta du tabouret pour rejoindre la table convoitée. Poufsouffle. C'est en manquant de renverser son verre qu'elle fit la connaissance d'Hermès, un petit blond aux yeux rieurs. La fameuse petite brune les rejoint la seconde d'après et ce fut le début d'une histoire sans fin.
Ils seraient les Indestructibles. Parce qu'ils ne se quittaient plus. Parce qu'ils s'aimaient profondément. Parce qu'ils avaient besoin les uns des autres. Parce que leur amitié semblait plus forte que tout, Théoxane avait pensé à ce dessin animé moldu. Faute de manquer d'une personne pour former Les Quatre Fantastiques, ils formeraient les Indestructibles. Des amis en béton.


LE TEMPS D'UN AUTOMNE. 19 octobre 2020.

C'était la première fois que Théoxane mettait les pieds ici. Lucy et Hermès, dans la résistance depuis bien longtemps, n'avaient cessé de l'encourager à y venir. Théo ne savait pas trop, elle était de ces gens qui préféraient faire de la résistance à distance. Elle n'aimait pas les mangemorts, elle n'appréciait pas les Obscurs et pourtant elle n'avait jamais pensé se joindre aux réunions de résistants. Cette fois, elle avait cédé et ils l'avaient entraînée jusqu'ici. « Un bar ? Sérieusement ? Vous m'avez sorti tout ce baratin pour que j'accepte d'aller dans un bar ? » Sourcils arqués, bouche bée, elle tenta de comprendre l'éclat de rire qui les saisit. « C'est pas n'importe quel bar, Théo. C'est.. LE bar. » fit Lucy avec un large sourire. Tandis que l'un lui ouvrait la porte, l'autre la poussa à l'intérieur. Elle atterrit dans une foule d'élèves riant, brandissant des baguettes, discutant à voix basses autour d'une table. Tous les regards se tournèrent vers elle et elle sentit ses joues rosirent. « Je.. viens en paix ? » Des rires éclatèrent mais pas un regard ne l'abandonna. Lucy et Hermès débarquèrent, tout sourire. « Elle est avec nous, ça va on se détend. Elle est des notre. » Les visages se détendirent et chacun retourna à ses occupations, ignorant à nouveau la quatrième année. Un long soupire s'échappa de sa bouche et ses joues reprirent leur couleur naturelle, elle lâcha un regard mécontent à ses deux amis qui tentèrent de ne pas rire, en vain. Elle leva les yeux au ciel et s'avança un peu plus dans la salle. Une élève que Théoxane supposa être en cinquième année se planta devant elle, un sourire réconfortant sur les lèvres. « Moi aussi j'ai été un peu perdue la première fois, mais finalement on se sent bien ici ! Pas de mangemorts, pas d'Obscur. Pas d'idiot quoi. » Elle eut un rire et se présenta. Théoxane en fit de même alors que son regard se perdait sur une bande d'élève derrière la jeune fille. Ils brandissaient leur baguette dans le vide et avec une concentration admirable, ils formulaient des mots que Théo n'arrivait pas à saisir dans le brouhaha ambiant. Alors, des étincelles argentées s'échappaient de leur baguette. La Poufsouffle observa avec émerveillement les étincelles former des animaux ; chien, chat, oiseaux ou encore gazelle, tous étaient là, s'agitant autour de leur propriétaire. « Qu'est-ce que c'est ? » L'autre se retourna et sourit. « Le sortilège de patronus. Il est interdit de le pratiquer dans le château parce qu'il sert à repousser les détraqueurs. Alors on s'entraîne ici. Dean, c'est lui qui me l'a appris. Et je m'en sors plutôt pas mal, je crois. » Elle pointa un brun plutôt élancé du doigts. « Je peux essayer de t'apprendre si tu veux ? » Le sourire de Théo s'élargit. « Vraiment ? Tu ferais ça ? » L'autre élève hocha la tête et lui indiqua de la suivre. Théoxane fit un signe à Lucy et Hermès et suivit l'autre rapidement.

Les premiers essais ne furent pas des plus concluants. Quelques étincelles jaillissaient mais jamais son patronus ne se formaient. « Pense à quelque chose de doux, Théo. Un souvenir profondément heureux ancré dans ta mémoire. » Le regard de la gamine se perdit sur ses deux meilleurs amis. Leur rencontre. Leurs promesses. Leurs fous-rires. Son corps se détendit mais pas une étincelle de plus ne se forma. Son visage se décomposa. « T'en fais pas, ça vient rarement du premier coup. Reviens une autre fois et on réessaiera. » La cinquième année avait un sourire tendre mais Théo redressa la tête. Obstinée la blonde. « Non. » Elle prit une profonde inspiration, leva sa baguette et ferma les yeux. Un souvenir doux comme du coton. D'une voix douce mais décidée, elle lança distinctement : « Expecto Patronum. ». Une petite boule argentée se forma au bout de sa baguette et les pattes se dessinèrent peu à peu. Théoxane ouvrit les yeux, ce qu'elle vit la fascina et fit frissonner son corps tout entier. Son patronus effectua un bond gigantesque et elle se mit à rire sans raison, sans pouvoir s'arrêter. Son patronus était un magnifique petit crapaud, capable de bondir à des hauteurs impressionnantes. Il bondissait tout autour d'elle, soulevant dégoût ou admiration suivant les personnes qu'il croisait. Et Théoxane riait comme une enfant, les yeux brillants. Elle baissa sa baguette et son patronus s'évanouit. « J'ai réussi. » fit-elle pour elle-même et la jeune fille qui l'avait aidé. « J'ai réussi ! Merci ! Merci beaucoup ! » Elle serra celle-ci dans ses bras pendant quelques secondes et s'éclipsa vers Lucy et Hermès un large sourire aux lèvres. « Félicitation ! On t'avait dis que tu te plairais ici. » Elle hocha la tête. Elle reviendrait, elle le savait. Théoxane, si elle ne se décidait pas encore à faire parti des membres les plus actifs de la résistance, viendrait ici chaque fois qu'elle le pourrait. Elle s'entraînerait, elle apprendrait. Elle respirerait un peu. Elle les soutiendrait.
Puis un jour peut-être accepterait-elle d'aller plus au devant de la scène et d'engager la lutte contre l'occupant.


LE TEMPS D'UN HIVER. 8 décembre 2021.

Elle se balance Théoxane, comme une enfant. Le paysage se trouble autour d'elle à mesure que ses jambes vont d'avant en arrière. Elle s'envole toujours plus haut et croit apercevoir la mer qui se perd pourtant à des centaines de kilomètres d'ici. Elle remue à son passage toute une nuée de minuscules flocons de neige qui s'échouent autour d'elle dans un tourbillon infernal. Certains, plus téméraires, s'accrochent à ses cheveux pour se fondre avec eux. Cette enfant porte les couleurs de l'hiver et se fond dans ce paysage parfait d'un mois de décembre. Elle est sublime. Elle porte cette douceur parfaite sur son visage, les yeux rivés sur le ciel. Elle sourit.
« Tu lui ressembles tant.. » La jeune fille baisse les yeux et suspend son vol doucement. Son papa est là, il se tient sur le pas de la porte. Il a revêtit ses plus beaux habits et s'est rasé. Pour l'occasion, il est sorti de la maison. Il a quitté l'obscurité de l'endroit et cette odeur de renfermé. Théo ne dit pas un mot, elle sourit seulement. En quelques secondes ses pieds touchent le sol. Ses bottes s’enfoncent de quelques centimètres dans la neige qui craque sous son faible poids. Elle le rejoint et dépose un baiser sur sa joue. Une douce odeur, finement épicée vient lui chatouiller le nez et ses yeux étincellent. Il s'est même parfumé pour l'occasion. Elle aime tant ce parfum, elle s'en souviendrait encore après avoir passé des centaines d'années loin de lui. Mais elle est là, près de lui, le corps réchauffé de cette présence. « Tu es parfait, papa. Je suis sûre qu'elle va craquer. » Il sourit tristement et tend son bras à son enfant. « Viens, ne la faisons pas attendre plus longtemps. » Elle acquiesce d'un franc hochement de tête et ils s'en vont, ils débutent cette marche silencieuse le long des rues de Wheelton, une petite ville du Nord Ouest de l'Angleterre. La route leur est connue, comme le chemin que l'on emprunte pour aller à l'école, comme celui que l'on prend pour rendre visite à sa mère-grand. Comme celui que l'on prend pour rendre visite à sa maman.
Ils poussent la lourde grille du monument et serpentent entre les blocs de marbres gravés de noms inconnus. Le cœur de la gamine bat plus fort tout contre sa poitrine et elle se défait du bras de son paternelle. Son pas se presse, son cœur se serre, elle coure presque dans les allées du cimetière et d'un coup, d'un battement de cœur, elle se fige. Elle s'assoit en tailleur devant la plaque de marbre et sourit. « Bonjour maman. Tu me manques tu sais, à papa aussi tu lui manques. On lui manque toutes les deux je crois. Et ça me fait peur, je ne peux pas l'aider en restant si loin de lui. Je ne sais pas s'il tiendra le coup trois années de plus. » Elle jette un regard rapide sur sa gauche pour voir son père de plus en plus proche. Un hoquet. « Chut ! Il arrive, il n'aime pas que je m'inquiète ! Je t'aime maman. ».

Théoxane ouvrit les yeux soudainement. Le cœur battant trop fort, complètement déboussolée. Elle n'était pas au cimetière. Son père n'était pas là. Elle l'avait quitté il y avait déjà plus de cinq ans et leurs seuls contacts se limitaient à des lettres envoyées par hiboux contrôlés. Des lettres ouvertes avant même d'arriver à destinataire, par des mangemorts trop curieux. Théoxane éclata en sanglots, la couverture remontée jusque sous son nez, elle tâcha d'étouffer ses pleurs tout contre Kink, un mouton en peluche presque aussi gros que la tête de la blonde. Il était doux et sentait bon la lessive, lorsqu'elle pleurait, il lui murmurait une comptine à l'oreille. Une comptine qu'elle était la seule à entendre, une voix douce qui insistait sur les B et roulait les R.

Dans quelques jours, le mois de décembre en serait à son onzième jour et Théoxane ne serait pas auprès de son père pour affronter cette journée. Elle ne serait pas auprès de lui pour rendre visite à sa mère qui s'était envolée, alors que Théo n'approchait que de ses huit ans, pour un monde que mari et fille espérait meilleur.

Un craquement de parquet se fit entendre dans le dortoir, suivit d'autres. Le rideau de Théo se tira sans qu'elle ne réagisse. Elle entendit un chuchotement réconfortant. Lucy. La brune se glissa dans son dos et la prit dans ses bras. Toutes les deux elles se mirent à murmurer la comptine de Kink, parce que Théo l'avait apprise à Lucy des années plus tôt. Dans les bras de sa meilleure amie, Théoxane cessa de pleurer et retrouva un semblant de sommeil.


LE TEMPS D'UN PRINTEMPS. 28 mai 2023.

Le dernier jour de la semaine débutait seulement et la salle commune des Poufsouffles étaient encore bondée. Nombreux étaient les élèves qui n'attendaient qu'un rayon de soleil supplémentaire pour sortir la tête du terrier. Certains se contentaient d'attendre, affalés dans les nombreux canapés de la salle, quand d'autres occupaient le temps en jouant aux cartes ou aux échecs version sorciers.
Théoxane, elle, s'était assise contre un mur de la pièce non loin d'une des petites fenêtres rondes qui illuminaient la salle. Adossée contre le mur elle lisait un livre, d'un auteur espagnol dont elle aimait particulièrement le style d'écriture. C'était une histoire nappée de brume, un gamin un peu perdu rencontrant une jeune fille particulièrement mystérieuse, particulièrement attirante. Peu à peu il découvrait son univers, il rencontrait son père. Théo en était presque au dénouement, dévorant les pages avec une rapidité folle depuis peu. Le temps qui lui avait manqué pour lire lui était revenu il y a peu.

Enfermée dans sa bulle, elle ne le vit pas entrer, son Hermy, son petit blond d'amour. C'est en entendant quelqu'un d'autre l'interpeller dans la salle qu'elle réagit. Elle redressa la tête et referma son livre discrètement. Pourvu qu'il ne la voit pas, pourvu qu'il ne la voit pas. Elle se redressa et la tête légèrement baissée, avança jusqu'à la porte de la salle commune avec sa discrétion habituelle. « Théo ! Tu croyais quand même pas pouvoir m'échapper comme ça petite tête ? » Elle releva la tête et sourit doucement. Il embrassa sa joue et elle sentit son estomac se serrer. Il avait cette tendresse dans les yeux qui déchirait le cœur de la blonde. Elle aurait tant aimé le serrer dans ses bras, le serrer si fort qu'ils auraient fait un bond dans le passé, ensembles. Plutôt que deux, ils auraient été trois. Trois gamins éclatant leur bonheur à la face du monde. Trois gamins se jurant fidélité, jusqu'à la mort. Et le sourire de Théo n'aurait plus été teinté de tristesse mais resplendissant. Malheureusement, la magie avait un temps fait des miracles, aujourd'hui elle semblait semer la panique.

Lorsque Théo regardait le fond des yeux marrons de son meilleur ami, elle y voyait Lucy. Et ce goût amer lui revenait en bouche. Le goût de l'abandon, le goût de l'incompréhension. Et cette impression d'avoir loupé trois wagons. Comment n'avait-elle pu ne pas se rendre compte des intentions de Lucy ? Comment n'avait-elle pas su la rattraper avant qu'elle ne soit totalement.. perdue. Théoxane refusait de croire que c'était la fin, que les Indestructibles n'étaient plus, que le Trio avait éclaté en emportant son bonheur. Et pourtant elle ne savait plus demeurer trop longtemps auprès d'Hermès. Elle l'aimait tant pourtant. Elle ne voulait pas le perdre lui non plus, et pourtant tout dans son comportement semblait indiquer à Hermès de s'éloigner d'elle. Elle avait besoin de lui et elle le fuyait. Perdue, et complètement dépassée, elle ne savait plus quoi faire. Théoxane n'avait jamais été très bonne dans l'art des sentiments, cette gamine était perdue dans ce monde étrange, elle perdait tous ses repères. La tête à l'envers, elle agissait en toute contrariété. Tous le temps.
Peut-être n'avait-elle seulement besoin de temps pour digérer l'écart de Lucy. Peut-être n'avait-elle seulement besoin de temps pour réfléchir. Peut-être qu'un jour, tout saurait revenir à la normale. Dans ses illusions, Théoxane était persuadée que cela était possible. Mais le temps n'était pas venu. « En fait, j'ai oublié un truc dans.. la serre de botanique ! Je dois y aller avant d'oublier.. ! » avait-elle fait à la hâte. Elle détestait mentir, elle se sentait sale. Hermès tiqua. « Je peux t'accompagner ? » Elle déclina rapidement, le remercia et s'éclipsa avant qu'il ne puisse protester. Évadée, elle déambula jusqu'à l'entrée du parc, le livre serrée contre sa poitrine. « Tu fais n'importe quoi Théo. Tu fais n'importe quoi Théo. T'es stupide Théo. Stupide. Il y est pour rien Hermy. Idiote. » murmurait-elle incessamment en secouant la tête de droite à gauche.