Elle déteste cet homme, et elle se déteste pour la fascination qu'il exerce pourtant sur elle aussi. Voldemort, ce sang-mêlé qui est arrivé de nulle part et qui a réussi à mettre à genoux une nation de sorciers entière. Certes il existe des sorciers qui, comme elle, résiste à ce pouvoir, mais dans le faits, il a gagné. Il a réussi à exclure les né-moldus de l'école, à imposer un pouvoir qui aurait du flancher depuis des années. Elle aurait pu basculer de l'autre côté, rejoindre le clan des Obscurs, devenir une de ces élèves qui s'amusaient de voir un plus faible se faire martyriser, elle aurait pu car c'est dans cette idéologie qu'elle a vécu durant quatre ans. La famille Campbell est une famille de mages noirs ralliés à la cause du Lord. Des années durant ils ont tenté de convaincre la petite fille qu'elle ne devait pas se prendre d'affection pour les moldus et les plus faibles. Pourtant, elle a résisté, elle n'a jamais basculé et a toujours su maintenir ses positions même si elle finit par se taire en présence de sa "famille". Elle cherche parfois à s'imaginer ce que sa mère biologique penserait de la situation, ce qu'elle dirait de sa fille si elle la voyait aujourd'hui. Elle espère qu'elle approuverait, qu'elle aussi est une sorcière du bien et non une adepte de la magie noire.

« Come morning light
You and I'll be safe and sound »

Le vent froid s’engouffra dans la chevelure dorée de la jeune femme. Elle avançait péniblement, luttant contre la les éléments qui semblaient se déchaîner. La Terre n’acceptait pas ce qu’elle s’apprêtait à faire et elle le lui faisait bien comprendre. La pluie s’abattait violemment autour d’elle, faisant glisser les feuilles d’automne sur les courants froids, mais la demoiselle n’en démordait pas. Elle avait pris sa décision voilà des mois, dès les premiers signes, dès les premières visions. Elle ne pouvait pas assumer ce rôle qui aurait dû être le sien. Elle était seule, reniée, n’avait personne sur qui compter, personne pour l’aider dans cette épreuve. Non. Il en était mieux ainsi. L’enfant serait plus heureuse loin de cette mère indigne, loin de cette vie de galère qui serait la sienne si elle restait avec sa mère. Elle faisait cela pour son bien. Ou alors elle était entrain de se convaincre que c’étais le cas pour ne pas changer d’avis. L’orphelinat se dressa bien vite devant elle, austère, froid. Ce à quoi elle s’était attendu quand elle en avait entendu parler. Mais elle savait que sa fille serait heureuse. Elle l’avait vu. Plus ou moins. La vision était floue, elle était incapable de dire quel âge avait l’enfant, où elle se trouvait, si il s’agissait réellement d’elle. Le don de voyance était aléatoire, loin d’être réellement précis. Elle espérait que la petite n’en avait pas hérité, mais au fond de son cœur elle savait que c’était le cas. C’était peut-être cette raison plus que toutes les autres qui la faisait douter de son choix. Vivre avec ce don apparaissait plus souvent comme une malédiction, il était difficile de s’y habituer. Sa propre mère avait fini par mettre fin à ses jours tant il était devenu insupportable. Un frisson se glissa le long de son échine. Elle ne pouvait songer à cette possibilité. La blondinette traversa le portail et se glissa dans les ombres qui bordaient le manoir afin de ne pas être vue. Elle déposa le couffin sur le pas de la porte sans laisser de mot ou d’instruction quant à la naissance de l’enfant et à son prénom. L’inconnue glissa un dernier baiser sur le front du poupin et finit par disparaître alors qu’il se mettait à pleurer.

« When all those shadows
almost killed your light »

« Stop, stop ! Arrêtez … » Des sanglots s’échappent alors que sa voix menace déjà de se briser. Les larmes montent dans ses yeux sombres et pourtant, elle les retient. Elle ne veut pas craquer, pas devant eux. Plus tard peut-être, quand elle aura rejoint l’intimité de sa chambre. Enfin, intimité. Le mot est bien grand car ce serait un luxe pour elle que d’avoir une pièce rien que pour elle alors que l’orphelinat manque déjà de place. Ils ne sont pas nombreux, mais les subsides ne sont pas assez grands que pour se permettre un manoir ou une autre demeure du style. Les enfants doivent alors dormir dans des dortoirs, filles d’un côté, garçons de l’autre. « Oh, la pauvre petite orpheline va pleurer ! Regarde James, elle va se mettre à chialer. » Ils sont plus grands qu’elle, plus âgés, c’est tellement facile de la martyriser. Elle arrive en général à les ignorer, mais ils se sont lassés des moqueries eux aussi. À présent, ils préfèrent lui tirer les cheveux et déchirer ses vêtements, sachant pertinemment qu’elle n’en possède pas énormément. Les enfants sont méchants entre eux. C’est probablement la première leçon de vie qu’a apprise Ashara. Elle aimerait disparaître, en cet instant. Elle aimerait pouvoir s’évaporer sous leurs yeux, s’enfuir, loin. Elle aimerait ne plus devoir quitter l’orphelinat pour aller dans cette école où elle n’a pas d’amis si ce n’est les autres orphelins. Mais ils ont trop peur eux aussi. Trop peur qu’on s’en prenne à eux, peur des représailles si ils osaient tenir tête aux caïds de la cours. Alors, elle se promet, elle se promet qu’un jour elle osera prendre la parole, se défendre et défendre les autres. On finit par lui arracher son livre des mains. Son seul exutoire, la seule chose sur terre qui lui donne envie de venir dans cette école. Les histoires qu’elle lit, les histoires de magie, d’aventure. Pas celles de princes et de princesses niaises, non celles-là n’ont aucun intérêt, mais celles où les filles justement ont plus de pouvoir que les garçons, celles où la vie est difficile, mais où il existe des moyens de s’en sortir. Elle n’a que sept ans, et déjà elle rêve de s’enfuir, d’ailleurs. Elle n’a que sept ans et déjà elle sait que le futur ne sera pas tout rose. Seulement, elle ne sait pas dans quelle mesure. Elle ne sait pas à quel point elle a raison. Jusqu’à ce que le livre vole des mains de ses agresseurs pour revenir dans les siennes. Ils la regardent étrangement, mais pas qu’eux. Tous les enfants présents l’observent, certains sont impressionnés, d’autres ont peur. Elle lit cette peur dans leurs regards, un voile qui s’est glissé sur leurs yeux avant qu’ils ne les détournent. La cloche sonne, mettant fin à la querelle, mais l’histoire est loin d’être finie. Les gens parlent, les enfants surtout. Personne ne les croit pourtant, car ils ne sont que des enfants à l’imagination débordante. Jusqu’au deuxième incident.

Après ce premier événement, les enfants de l’orphelinat se sont mis à l’éviter, eux aussi. Elle est seule, seule au monde, doit travers seule ces moments difficiles. Les rêves, eux, ne la quittent pas. Elle rêve de magie noire et blanche, de personnes en robes et de gobelins. C’est tout ce qu’il lui reste, les rêves. Elle attend la venue de quelqu’un, sans trop savoir qui, ni quand il viendra, mais elle sait que ce sera le cas. Pourquoi ? Elle en a rêvé. Ce même rêve qui revient encore et toujours et qui a fini par marquer son esprit. Elle l’oubliait au début, sentait cette sensation s’évanouir dès qu’elle ouvrait les yeux. Et puis, au fil du temps, elle est parvenue à retenir quelques fragments, jusqu’à avoir une image complète de cette scène, sans jamais voir le visage de l’homme pourtant. « Alors comme ça il paraît que tu attends ton papa ? » Elle soupire. Elle n’aurait jamais dû en parler avec l’un de ses disant amis. Il s’était empressé de raconter à tout le monde qu’elle pensait que son père viendrait la chercher. Elle ne lui avait jamais dit cela, pas comme ça du moins. Elle lui avait juste dit qu’elle attendait un homme. Ashara leva les yeux. Son regard s’accrocha à celui du garçon qui s’était approché. Un regard moqueur s’était dessiné sur ses lèvres. Il faisait partie de ces orphelins dont les parents étaient morts. Il n’avait pas été abandonné comme elle et se croyait donc plus aimé qu’elle. Il avait probablement raison. Et sachant cela, il semblait s’être fait la promesse de le rappeler aussi souvent que possible à la petite fille. « Personne ne viendra jamais pour toi, personne ne voudra jamais t’aimer ! Pourquoi on t’aurait jetée ici aussi non ? » Les mots firent mouches, l’atteignirent en pleine poitrine. Elle eut l’impression de suffoquer, mais pourtant, elle ne détourna pas le regard. Elle voulut très fort que la lampe qui se trouvait près du garçon s’envole et le cogne. Ce qu’elle fit. La lampe de chevet s’éleva dans le ciel et vint s’abattre lourdement sur l’orphelin qui s’encourut en hurlant qu’elle était un monstre. Ashara ne put bouger, elle fut incapable de parler durant des heures. Elle contempla longuement la lampe, ne dit rien quand on la punit. Les surveillants tentèrent d’expliquer qu’elle avait mis au point un système de poulies ou quelque chose du genre. Mais la théorie ne tenait pas la route. Elle était trop petite, trop menue, trop inoffensive pour agir de la sorte. Elle n’était pas non plus capable de prendre la lampe et de frapper le garçon alors qu’il lui faisait face. Ils tentèrent d’oublier l’accident, mais ce fut peine perdue en ce qui concernait les autres enfants. On n’oublie pas ce genre de choses si facilement à cet âge. Elle fut ignorée de plus belle. Le point positif, on la laissait tranquille et on s’éloignait quand elle approchait. Pourtant, Ashara vint à regretter l’époque où les autres venaient l’ennuyer. Elle regrettait cette époque où les enfants de l’orphelinat venaient la réconforter. Elle ne pleure plus, parle peu. Elle survit, mais ne vit pas. Son sourire s’est évanoui et elle semble avoir des difficultés à dormir. Elle semble … Attendre. Elle attend que cette période se finisse. Et elle attend l’homme qui viendra la chercher.

Ils ne me croyaient pas. Personne ne me croyait. Et pourtant, j’étais persuadée d’avoir raison. Alors je les ai fait taire, un à un. Pas au sens propre. Seulement, j’ai arrêté de les écouter. Et j’ai attendu, impassible face aux remarques, j’ai attendu des jours, des semaines. Chaque nuit, je rêvais de cet homme qui venait me chercher. De ses grandes mains, de ses yeux sombres. Les autres se moquaient. Je passais une partie de mes journées à guetter la porte d’entrée, le portail, l’allée. J’observais l’horizon, attendant, en vain. Ils me traitèrent de sorcière, de monstre. J’étais différente. À l’époque, je le savais déjà. Mais je ne savais pas à quel point. Aujourd’hui, je me demande qui rirais le plus fort. Eux, ou moi. Je savais que j’avais raison. J’en avais l’intime conviction. Il allait venir et je l’aurais attendu des années durant si il l’avait fallu.

« I remember tears streaming down your face
When I said, I'll never let you go »

Et il vint. Il se présenta sous les traits d’un grand homme au regard clair, mais pourtant si sombre. Ses cheveux poivres et sel témoignaient d’un âge déjà certain. À ses côtés, deux enfants, deux garçons de l’âge de la jeune fille, ou presque. Il ne mit pas longtemps à repérer celle qu’il était venu adopter. Son regard plongea dans celui d’Ashara. Elle ne sut quelle attitude adopter. Venir à sa rencontre et briser d’emblée son secret, s’effacer, le laisser venir à elle. Elle opta pour la première solution et sortit du rang des enfants. Elle savait que tous espéraient secrètement que l’homme était venu pour un autre. Elle savait que c’était le rêve le plus cher de chacun, de trouver une famille, quelqu’un pour comber ce vide dans leur vie. Un fin sourire se dessina sur les lèvres d’un des deux enfants, l’autre semblait la jauger, l’évaluer. L’homme se baissa et sourit. Il posa sa main sur son épaule et ouvrit la bouche pour la première fois. Elle n’oublia jamais ce qu’il lui dit, ce sourire, ces yeux rieurs, cette voix solennelle. « Bienvenue dans la famille. » Elle sentit les autres enfants s’agiter derrière elle. Ils la jalousaient, ne comprenaient pas pourquoi elle et pas un autre. Elle lui rendit son sourire. Un sourire timide. « Va chercher tes affaires. » Elle acquiesce, traverse le groupe d’orphelins pour récupérer ses maigres possessions. Pas de vêtements, rien, si ce n’est un livre d’histoire. Ashara jette un dernier coup d’œil derrière elle. Rien ne lui manquera, elle le sait déjà. Les enfants vont s’effacer de sa mémoire, les lieux aussi. Elle ne se souviendra que quelques temps de la solitude, elle le sait. Cette solitude qui s’est glissée dans son cœur et qu’elle parviendra difficilement à extraire. Mais qui sait, un jour peut-être y arrivera-t-elle.

Je me souviens de tout. De la solitude, de Jack, cet homme que j’avais pris pour mon salut. Je déchantai rapidement. Il n’était pas là pour me sauver, mais pour m’utiliser. Il savait, avait compris. Il fut le premier à me parler du monde des sorciers, de la magie. Il en était un, lui aussi. Il me parla de Poudlard, de ce monde qui m’ouvrait des portes. De cette opportunité. Il savait que j’en étais une, savait ce que j’étais. Il m’assura que c’était normal que je ne sache rien faire, que tous les jeunes sorciers naissaient impuissants face à leur pouvoir, qu’un jour, moi aussi j’aurai ma baguette et je saurais l’utiliser. Il ne me considéra jamais comme sa fille. Ses fils ne me considérèrent jamais comme leur sœur. J’étais surtout élevée par d’autres, devait me rendre utile dans la maison. J’avais presque dix ans quand je lui avouai enfin que j’avais rêvé de sa venue. Je découvris alors que l’homme que j’avais pris pour mon sauveur deviendrait rapidement mon bourreau. Voyante, voilà ce que j’étais. Un don rare, précieux selon lui. Je devais apprendre à contrôler ce don. Combien de fois m’a-t-il appelé dans son bureau pour me forcer à lui conter l’avenir. Je ne savais lui répondre, ne savait rien. Mon don semblait s’être endormi. Je compris plus tard qu’il ne voulait pas servir l’homme qui m’avait adopté. Il me punissait du plat de sa main, puis à l’aide de sa ceinture. Je devais mentir, mentir pour ma santé, pour qu’il arrête de me frapper. Je ne pouvais fuir, n’avait nulle part où aller. J’étais seule, à nouveau, tenue à l’écart de la vie familiale, une servante dans le manoir qui ne pouvait adresser la parole à personne sans en avoir l’autorisation. Je compris rapidement qu’il était un fervent partisan de Voldemort. Il m’en parlait si souvent, avec une telle intonation dans la voix. C’était de la fascination. Il voulait me dégoûter des sorciers nés-moldus, de ces gens qui, selon ses dires, volaient les pouvoirs et les baguettes d’autres sorciers. Je n’osais le contredire et pourtant j’étais persuadée qu’il était dans le faux.

Elle hurle. Une longue plainte d’agonie. Et pourtant, aucun son ne semble sortir de ses lèvres scellées par la douleur. Elle se crispe, sur sa peau perle déjà quelques traces de sueur. Enfin, elle lâche le cri qui menaçait de sortir. Une larme roule, bientôt une autre. « Tu me mens, je le sais, je le sens ! Arrête de mentir ou tu vas finir au sellier ! » La menace ultime, celle qui l’a fait tremblée. Enfermée dans ce sellier, elle ne peut voir personne, ni manger, ni boire. Elle a déjà vécu cela une fois et l’expérience ne lui a pas laissé de souvenir agréable. « Je suis désolée, désolée » lâche-t-elle entre deux sanglots. « Va-t-en, hors de ma vue ! » Elle l’écoute et s’encourt au dehors, loin de lui, loin de son regard. Elle sait qu’elle rêve, elle sait que son subconscient a vu quelque chose, mais elle ne parvient pas à s’en souvenir. C’est ainsi que marchent la plus part de ses visions, des rêves dont le sens lui échappe quand elle parvient à s’en souvenir, ou des rêves qu’elle finit par oublier dès le réveil. Il y a aussi les visions éveillées, cette espèce de transe dans laquelle elle entre et qui ne lui laisse aucun souvenir de ce qu’il vient de se passer. Mais Ashara veut oublier, elle ne veut pas être voyante, pas être utilisée par cet homme. Son petit corps frêle heure quelqu’un. Aidan l’observe, inquiet. Elle cherche à le fuir, mais il la retient. « Ne t’en va pas. » Elle se fige. Ils ne se sont jamais vraiment adressés la parole. Il a tenté, au début, mais elle le fuyait, elle craignait la punition, les réprimandes si Jack venait à découvrir qu’elle avait parlé avec son fils cadet. « Viens, suis moi. » Elle acquiesce et le laisse prendre sa main. Il la guide à travers le manoir, l’emmène dans l’aile où elle n’a jamais pu mettre les pieds. « Ici tu es en sécurité. Il ne vient jamais dans cette partie de la maison. » La maison. Elle ne voyait pas le manoir comme telle. Une prison, plutôt. Un lieu où elle se trouvait sans vraiment le vouloir. Ashara se rendit compte qu’elle était dans la chambre d’Aidan. Elle s’imprégna des lieux, glissa sa main sur le rebord de la cheminée, compara la pièce à celle qu’elle habitait. Là où elle se contentait d’un lit simple et d’une commode, le garçon possédait lui un grand lit à baldaquin, un bureau, une armoire deux fois plus grande qu’elle ou presque. Il sourit, gêné. Il comprenait ce qu’elle devait ressentir. « Il n’a pas toujours été comme ça, tu sais. » Elle sursaute, n’ose pas parler. « Avant, il était gentil, il ne pensait pas à la magie noire, au pouvoir. » Que s’est-il passé ? La question se formula sur ses lèvres, mais elle ne la posa pas. « Puis maman est morte et tout est devenu différent. Il dit que c’est la faute des moldus. Un homme saoul. Elle était en voiture et elle est morte. » Ashara s’approcha et fit quelque chose qui les surprit autant l’un que l’autre : elle le serra dans ses bras frêles.

Je ne savais pas ce que je faisais, ce que cela impliquait. Aujourd’hui, je comprends que c’est le moment où l’on est devenu amis. Aidan a toujours été là pour moi après ce fameux jour. Il me défendait auprès de son père, pansait mes blessures, séchait mes larmes. On devint inséparables, complices, de vrais frères et sœurs. Je n’eus aucun mal à me confier sur mon don, ma malédiction comme j’avais décidé de l’appeler. Je lui parlai de la femme de mes rêves, de l’avenir trouble que je pressentais. Nous vivions déjà des temps troubles. La magie noire, le pouvoir aux mains du mal. Nous avions peur. Quand nos lettres pour Poudlard arrivèrent, on se regarda longuement. On avait dépassé le stade des mots, il nous suffisait de nous regarder pour nous comprendre. Je me souviens du discours de Jack à cette époque. Il nous annonça que c’était là une merveilleuse nouvelle, qu’enfin nous ferions nos premiers pas en tant que sorcier. Je ne savais que ressentir. De l’excitation, de la joie. Enfin, j’allais partir loin de ce manoir et je ne pourrais revenir à cause des nouvelles lois. Pourtant, je savais que malgré tout ce que Jack était, il fut le premier à m’accepter, à m’aider, à sa façon. Et Aidan. Je savais qu’il reviendrait durant les vacances d’été. Son père était un mangemort reconnu depuis plusieurs années, c’était ce qu’il avait fini par m’avouer au cours de nos cours d’histoire. Il aurait donc la possibilité, tout comme moi, tout comme son grand-frère avant lui. Mon excitation pour Poudlard était tintée d’appréhension aussi à cause de ce dernier. Nous ne nous étions pas quittés dans les meilleurs termes et je me demandais à quoi nos retrouvailles allaient ressembler.

« Don't you dare look out your window darling
Everything's on fire »

« Laisse la tranquille ! » Il baissa sa baguette, laissant à la demoiselle un peu de répit. Cela faisait des années qu’ils se battaient de la sorte, des années que les querelles des enfants avaient dégénéré. Il était jaloux, jaloux de l’amitié de son frère avec la gamine qui était venue pourrir leur vie, jaloux de l’intérêt que lui avait porté son père alors qu’elle n’avait rien de spéciale, qu’elle était banale à crever. « Tu prends encore sa défense, c’est ça ? Encore une fois, tu ne cherches pas à savoir si c’est elle qui a commencé ce duel ? » Elle se redresse et affronte Aidan du regard. « Il a raison, c’est moi qui l’ai provoqué. » Un sourire triomphal se dessina sur les lèvres de Rhys, un regard incrédule vint scrutter le regard d’Ash qui ne détourna pas les yeux. « Mais … Pourquoi ? » Une moue désabusée se dessina sur le visage de la jeune femme. « J’en ai marre d’être la victime qui a besoin de ton aide, j’en ai marre de me laisser marcher sur les pieds par ta brute de frère. J’en ai marre, tu comprends ? Marre de le voir s’en prendre aux plus faibles en se croyant tout puissant, marre de le voir déambuler dans les couloirs du château en se prenant pour un prince alors qu’il n’est rien d’autre qu’un ver. » Elle avait crié. La rage contenue durant toutes ces années sortait, enfin. Elle libérait ce qu’elle ressentait depuis tant de temps. « Je sais qu’il est ton frère et que tu l’aimes, mais ça ne m’oblige pas à l’aimer et ça ne m’oblige pas à m’écraser devant lui. Ce temps là est révolu. » Une nouvelle flamme brûlait dans son regard. Aidan était blessé, elle le voyait. Mais il ne comprenait pas. Il ne savait pas ce que c’était que d’être quelqu’un qui encaissait les coups à longueur de temps. Elle n’en pouvait plus de voir les frères se disputer à cause d’elle, de les voir se déchirer, de le voir lui prendre des risques pour elle. Ce temps était révolu. Ashara tourna les talons et laissa les deux frères seuls. Elle avait grandi. Elle n’était plus la petite fille de dix ans qui avait besoin d’être protégée.

Il ne comprenait pas que je faisais cela par amour pour lui. Car je l’aimais, je l’aime, du fond du cœur. Il a besoin de son frère, mais il n’a pas besoin de moi. Je ne savais pas que je venais de tirer une espèce de trait sur notre relation d’avant, que ce que je venais de faire allait tout changer. Ou peut-être que je le savais inconsciemment et que c’était la raison pour laquelle je l’avait fait. Mon cœur s’est brisé ce jour-là. Il n’a pas vu les larmes dans mes yeux, n’a pas entendu mes pleurs plus tard cette nuit-là, il ne sait pas qu’une partie de moi est morte, que j’ai tourné le dos à ce que j’étais. Je n’ai jamais été peureuse, je n’ai jamais reculé face au danger, au contraire. Mais je me lançais au devant de celui-ci en sachant qu’Aidan était là pour me protéger. Aujourd’hui, je ne pense plus pouvoir compter là dessus. Je suis seule et cela me fait peur. J’ai peur de cet avenir qui vient me hanter en rêve, de cette guerre que je sens toute proche, de cette vie incertaine qui s’étend devant nous.